Guantanamo fait reparler de lui : les révélations de Wikileaks publiés par le Washington Post…

… le Daily Telegraph, le New York times, le Monde, des publications malheureuses pour le gouvernement américain. Egalement l’analyse du Washington Post sur les raisons pour lesquelles Obama n’a pas tenu sa promesse de fermer Guantanamo .

La dernière série de révélations de Wikileaks, postée dimanche 24 avril, donne des informations inédites sur la prison de Guantanamo mais aussi sur al-Qaida, sur la façon dont l’organisation terroriste fondée par Oussama ben Laden a continué à fonctionner après le 11 septembre 2001.

Le Washington Post explique qu’au moment des attaques contre New York et Washington du 11 septembre 2001, le cœur de l’organisation djihadiste était regroupé au Pakistan à Karachi. Dans un hôpital, le cerveau de l’attaque contre le destroyer américain USS Cole, en octobre 2000 au Yémen, se remettait d’une opération aux amygdales tandis que celui qui deviendra l’organisateur de l’attentat de Bali en Indonésie, en octobre 2002, achetait du matériel de laboratoire pour tenter de monter un programme d’armes biologiques. Pour finir, dans une planque, celui qui se décrira un peu plus tard comme le cerveau du 11 septembre, Khalid Sheikh Mohammed, et d’autres dirigeants d’al-Qaida regardaient à la télévision leurs kamikazes précipiter leurs avions sur les villes américaines. Quelques heures plus tard, les chefs d’al-Qaida repartaient précipitamment en Afghanistan pour préparer une longue guerre. Les documents secrets rendus publics par Wikileaks contiennent notamment des informations venant des prisonniers détenus et interrogés à Guantanamo dont 14 considérés comme ayant une «haute valeur» qui ont pour la plupart participés directement aux préparatifs et parfois au sauve-qui-peut allant de fin 2001 à 2005.

On apprend ainsi que Oussama ben Laden et son bras droit l’Egyptien Ayman al-Zawahiri vont pendant trois mois après le 11 septembre se déplacer en permanence en Afghanistan pour échapper aux frappes américaines et pour mobiliser les combattants arabes contre «les envahisseurs infidèles». Ben Laden arrive finalement dans le complexe sous-terrain de Tora Bora fin novembre et arrangue ses troupes le 25 novembre leur demandant de «rester déterminées dans leur engagement à combattre, d’obéir à leurs chefs, d’aider les talibans et les met en garde contre la grave erreur qui consisterait à fuir avant que les combats soient terminés». Ben Laden et Zawahiri s’échappent de Tora Bora sous les bombardements à la mi-décembre 2001 probablement pour le Pakistan. A ce moment, le chef d’al-Qaida est tellement démuni qu’il emprunte 7.000 dollars à l’un de ses protecteurs. Il les lui remboursera dans les mois qui suivent.

Les documents décrivent aussi une réunion très importante de la branche opérationnelle d’al-Qaida en décembre 2001 à Zormat, une région montagneuse d’Afghanistan entre Kaboul et Khost. Cette réunion comprend notamment Khalid Sheik Mohammed, Abd al-Rahim al-Nashiri, le planificateur de l’attaque contre le USS Cole, et Abou Faraj al-Libbi, un des hommes de confiance de ben Laden. Les préparatifs menés ensuite au Pakistan pour monter d’autres attentats vont en fait conduire à la capture de bon nombre d’entre eux. Le dernier, Abou Faraj al-Libbi, sera ainsi arrêté en mai 2005. A ce moment-là, une occasion de mettre la main sur Ayman al-Zawahiri sera ratée au dernier moment.

Depuis, l’organisation opérationnelle d’al-Qaida est devenue beaucoup moins centralisée et peut-être plus encore la coopération entre les services de renseignement pakistanais et américain n’a cessé de se dégrader.

Autres révélations de Wikileaks, confirmant des situations déjà bien connues et décrites par la presse internationale (cf. Nea Say http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?q=guantanamo&Submit=%3E ) : les Etats-Unis ont gardé au secret à Guantanamo pendant des années des centaines de personnes, innocentes ou présentant un faible risque de menace, tout en libérant des dizaines de prisonniers «à haut risque». Le site internet a donné à plusieurs médias occidentaux, principalement des quotidiens, des documents militaires relatifs aux dossiers de 779 personnes détenues depuis 2002 dans la prison de Guantanamo, sur la base navale américaine.

Certains d’entre eux étaient retenus sur la foi de renseignements souvent incorrects, notamment quand ils avaient été obtenus de détenus malades ou peu fiables ou encore après des aveux extorqués sous la torture, selon le New York Times.

Selon un autre document révélé par le Daily Telegraph, le cerveau des attentats du 11 septembre, Khalid Cheikh Mohammed, a affirmé à ses interrogateurs qu’Al-Qaïda avait caché une bombe nucléaire en Europe prête à déclencher un «cataclysme nucléaire» si Oussama ben Laden était pris ou tué.Al-Qaïda réfléchissait également au recrutement d’employés de l’aéroport londonien d’Heathrow pour un attentat et avait également imaginé de verser du cyanure dans les conduites d’aération de bâtiments publics aux Etats-Unis.

Environ 200 détenus, qui avaient été définis comme à «haut risque» parce qu’ils pouvaient constituer une «menace future contre les Etats-Unis ou contre les intérêts des Etats-Unis» ont été libérés ou extradés vers des pays tiers, selon le New York Times.

220 seulement doivent être considérées comme de dangereux extrémistes, selon le quotidien britannique Daily Telegraph, tandis que 380 n’étaient que des militants de base appartenant à la mouvance talibane ou s’étant rendus en Afghanistan.Au moins 150 étaient des Afghans ou des Pakistanais innocents, arrêtés et transférés à Guantanamo. Ils l’étaient sur la base de renseignements collectés dans des zones de guerre, parfois pris pour une autre personne ou qui se trouvaient simplement au mauvais endroit au mauvais moment. Dans des dizaines de cas, des hauts officiers américains indiquent qu’«il n’y a pas de fondement à l’extradition» du détenu à Guantanamo. Dans au moins deux cas, selon NPR, les responsables de la prison ont même dit par écrit que des innocents étaient maintenus en détention. Mais il fallut plusieurs mois à ces «innocents» pour rentrer dans leur pays. Selon Le Monde, «nombre de mineurs se sont retrouvés à Guantanamo alors qu’ils n’avaient absolument aucun lien avec les talibans».

Une publication «malheureuse» pour les Etats-Unis, déplore le gouvernement américain. Le gouvernement américaine a déploré la publication «malheureuse» de ces documents et s’est défendu en expliquant avoir « fait tout ce qu’il pouvait pour agir avec le plus grand soin et la plus grande application dans le transfert des détenus de Guantanamo ». Rappelons que la  prison de Guantanamo accueille actuellement 172 détenus. Le gouvernement américain espère en rapatrier ou envoyer dans des pays tiers une petite centaine, en juger 33 pour «crimes de guerre» et prévoit d’en garder 48 indéfiniment derrière les barreaux sans procès. La Maison Blanche a réitéré début avril son engagement à fermer à terme la prison de Guantanamo, malgré la décision d’y juger les cinq accusés des attentats du 11 Septembre 2001 et non devant un tribunal de droit commun à New York.Leur procès pour «crimes de guerre» devant un tribunal militaire d’exception à Guantanamo avait commencé au printemps 2008 avant d’être suspendu sine die par Barack Obama, le soir même de sa prise de fonction, et l’annonce de son intention de fermer la prison dans un délai de un an.

Cette promesse non tenue  refait surface ce qui  à moyen terme risque d’avoir plus d’importance que les « révélations » de Wikileaks qui dans l’immédiat ont fait « la une » des journaux à la différence du Washington Post qui dans un dossier nourri d’une dizaine de pages s’interroge : pourquoi Obama n’a-t-il pas pu tenir ses promesses concernant la fermeture de Guantanamo ? Il ne semble pas avoir renoncé définitivement, mais les débats sur le dossier difficile et prioritaire de la sécurité sociale qui a mobilisé toute son énergie, le manque de coopération du Congrés y compris au sein du parti démocrate, la peur panique et irraisonnée des américains de voir les « dangereux terroristes »  de Guantanamo être transférés sur le sol américain expliquent cet échec. Un échec définitif au moment où se profile la campagne pour la réélection du président Obama ?

Article du Washington post

      -.Wikileaks discloses new details on whereabouts of al-Qaeda leaders on 9/11 http://www.washingtonpost.com/world/wikileaks-discloses-new-details-on-whereabouts-of-al-qaeda-leaders-on-911/2011/04/24/AFvvzIeE_story.html?hpid=z1

      -. Guantanamo Bay: why Obama hasn’t fulfilled his promise to close the facility http://www.washingtonpost.com/world/guantanamo-bay-how-the-white-house-lost-the-fight-to-close-it/2011/04/14/AFtxR5XE_story.html

      -. New York Times: Classified Files Offer new Insights into Detainees http://www.nytimes.com/2011/04/25/world/guantanamo-files-lives-in-an-american-limbo.html?_r=2

      -. Daily Telegraph: Guantanamo Bay terrorist secrets revealed http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/wikileaks/8471907/WikiLeaks-Guantanamo-Bay-terrorist-secrets-revealed.html

      -. Le Monde: Guantanamo des adolescents victimes de machinations http://www.lemonde.fr/documents-wikileaks/article/2011/04/25/wikileaks-a-guantanamo-des-adolescents-victimes-de-machinations_1512383_1446239.html#ens_id=1512342

      -. Nea say (141 articles) http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?q=guantanamo&Submit=%3E

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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