Les drogues psychoactives dans le viseur du législateur européen

Le 22 septembre 2015, les députés de la commission LIBE du Parlement Européen ont voté avec une large majorité quatre décisions d’exécution déjà adoptés par le Conseil, visant le contrôle de huit substances psychoactives. Actuellement ces substances sont légales mais se répandent toujours plus dans la société européenne, notamment grâce à Internet. Ces nouvelles drogues représentent un réel danger pour les citoyens européens tant pour la santé individuelle que pour la santé publique : les nouvelles drogues psychoactives sont souvent peu connues par les usagers ainsi que les dangers qui y sont liés. Chaque semaine une nouvelle substance apparaît sur le territoire européen!

 Le 14 septembre 2015, la Présidence Luxembourgeoise, la Commission européenne et les deux rapporteurs des propositions d’exécution, Michal Boni et Yeresa Jiménez-Becerril Barrio du Parti Populaire Européen, ont présenté devant la Commission LIBE les risques liés à la diffusion des drogues psychoactives et la nécessité d’appliquer un système de contrôle sur ces substances. Quatre décisions d’exécution ont été donc soumises à la commission LIBE concernant le contrôle de la substance 4-méthylamphétamine, la 5-(2-aminopropyl)indole, la 25I-NBOMe, la AH-7921, la MDPV, la méthoxétamine, la MT-45 et la 4,4-DMAR.

Suite à la décision du Conseil du 10 mai 2005 (2005/387/JAI) sur « l’échange d’information, évaluation des risques et contrôle des nouvelles substances psychoactives », Europol et l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanes (OEDT) ont collecté les informations envoyées par les pays membres concernant la fabrication, le trafic et l’utilisation des ces nouvelles substances avec une évaluation des risques que celles-ci comportent pour la santé et  pour la société. Ainsi le Conseil a demandé aux deux agences d’évaluer aussi l’implication d’organisations criminelles ainsi que les conséquences éventuelles de l’instauration de mesures de contrôle applicables à ces substances.

Les rapports d’évaluation des risques de Europol et de l’OEDT, concernant les différentes substances psychoactives, ont été ensuite transmis à la Commission qui a évalué la nécessité d’établir des règles pour le contrôle de ces nouvelles drogues. Le Conseil a décidé ensuite de proposer quatre décisions d’exécution qui ont pour objectif d’inviter les États membres à soumettre les substances psychoactives « aux mesures de contrôle et aux sanctions pénales prévues par leur législation donnant effet aux obligations découlant de la convention des Nations Unies de 1971 sur les substances psychotropes ». Le Conseil peut adopter ces actes après l’avis du Parlement européen qui n’est, par contre, pas contraignant.

La première décision d’exécution, presentée par Michal Boni, concernant le contrôle du 4-méthylamphétamine, met en avant le risque de ce nouveau type de drogue psychoactive et de ces conséquences sur le sol européen. Cette drogue est un dérivé synthétique vendu sous forme liquide, de comprimé ou de poudre et qui est apparue sur le marché illicite des amphétamines qui sont déjà réglementées. . Sa fabrication et son trafic est organisé pas les groupes de criminels organisés déjà impliqués dans le marché de l’amphétamine. Cette substance est très dangereuse et ses symptômes sont liés à entre autres  l’hyperthermie et à l’hypertension: 21 cas de décès ont été enregistrés dans quatre Etats membres et sa présence a été détectée dans quinze Etats membres tandis qu’un seul pays a signalé sa fabrication sur son territoire.  Dix états contrôlent déjà cette substance mais une réglementation européenne permettrait l’amélioration de la coopération transfrontalière et la coopération policière, afin qu’elle ne devienne le substitut légal de l’amphétamine sur le marché des drogues.

La deuxième décision d’exécution, toujours présentée par Monsieur Boni, concerne les substances 4,4 -DMAR et la MT-45, dont les risques ont été évalués par l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanes.

Le 4,4-DMAR est un dérivé de l’aminorex et du méthyl-4 aminorex, deux stimulants synthétiques. Sa présence sur le marché des drogues en Europe a été constatée à partir de décembre 2012 dans neuf Etats membres, dont trois ont enregistré 31 décès liés à cette substance entre juin 2013 et juin 2014.

La MT-45 fait partie d’une série d’analgésiques et se trouve sur le marché de la drogue depuis octobre 2013. Cette drogue est surtout vendue sur Internet.

Entre novembre 2013 et juillet 2014, 28 décès ont été constatés dans un Etat membre de l’UE et selon des études, sa toxicité est puissante et supérieure à celle de la morphine. C’est une substance consommée surtout à domicile, par des personnes dépendantes aux opioïdes ou à l’héroïne ou à l’insu du consommateur.

La troisième décision d’exécution à été présentée par la rapporteuse Madame Barrio, et concerne la mise en œuvre d’une réglementation européenne pour le contrôle de la 5-(2-aminopropyl)indole. Cette dernière est un dérivé synthétique de l’indole qui peut produire des effets hallucinogènes lors de sa consommation. Sa consommation peut entraîner entre autres de la tachycardie et de l’hyperthermie.

La présence de cette substance est  constatée surtout dans la vente sur Internet et dans les magasins spécialisés, les head shops, sous la dénomination de «  produit chimique utilisé pour la recherche » ainsi que dans des produits vendus sur le marché de la drogue.

Entre avril et août 2012,  24 décès ont été constatés, liés à cette drogue dans quatre pays européens tandis que sa présence  a été détectée dans neuf Etats membres et cinq d’entre eux effectuent déjà des contrôles sur cette substance.

 

La quatrième décision d’exécution, présente par la député Barrio, vise le contrôle de quatre substances psychoactives : le 25I-NBOMe, l’AH-7921, la méthoxétamine et la MDPV.

Le 25I-NBOMe est le dérivé d’un hallucinogène sérotonergique vendu souvent comme le substitut légal du LSD : il a été détecté dans 22 Etats et serait à l’origine de 4 décès et de 32 intoxications dans l’Union européenne.

L’AH-7921 est un analgésique opioïde synthétique qui a entraîné 15 décès et 6 intoxications pendant l’année 2013.  Cette substance est vendue principalement sur Internet sous le nom de « doxylam », il porte ce nom car il est facilement confondu avec la doxylamine, un antihistaminique aux effets sédatifs et hypnotiques.

La méthoxétamine est une substance psychoactive analogue à la kétamine et la phéncyclidine. Sa consommation peut entraîner des hallucinations, de la paranoïa, de l’anxiété, des crises et des psychoses  mais aussi de la tachycardie ou de l’hypertension. 20 décès liés à la méthoxétamine ont été constatés dans six Etats membres et dans 20 cas d’intoxications dans cinq pays européens. Sa présence a été constatée dans 23 Etats membres mais aussi en Turquie et en Norvège comme substitut légal de la kétamine.

La MDPV est un dérivé synthétique de la cathinone et ses effets ressemblent à ceux de la cocaïne et de la méthamphétamine  mais sont plus puissants et durables. Entre septembre 2009 et août 2013 on a pu dénombrer 108 décès liés à la MDPV dans neuf pays et 525 intoxications ont été enregistrées dans huit Etats membres.

Ces quatre actes ont été approuvés par une majorité écrasante des députés membres de la commission LIBE. Il a été relevé par le Conseil et la Commission, en effet, que la dangerosité de ces nouvelles substances pouvait être un réel danger pour la santé du citoyen européen, la société et la sécurité, malgré leurs utilisations dans le domaine commercial et industriel: une législation européenne de contrôle des drogues psychoactives se révèle indispensable pour une meilleure coordination transfrontalière dans la lutte contre la drogue.  Ces substances sont d’autant plus dangereuses qu’elles commencent à se répandre toujours plus sur le marché interne : leur nombre est en constante croissance et l’utilisation d’Internet permet une facilité d’accès à ses produits. Dans les dernières années, chaque semaine, une nouvelle substance psychoactive a été signalée sur le territoire européen.

De plus la vente libre et la légalité de ces produits qui substituent les drogues « traditionnelles» tout en simulant leur effet, attirent toujours plus de consommateurs et surtout parmi les jeunes. Selon la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les nouvelles substances psychoactives, présentée par la Commission le 17 septembre 2015 soulignent que ces drogues ont en commun le fait qu’elles ont des conséquences néfastes pour la santé individuelle puisque elles endommagent le système nerveux central et altèrent les fonctions mentales : elles sont susceptibles de donner lieux à des hallucinations et d’altérer « la fonction motrice, du jugement, du comportement, de la perception, de l’attention ou de l’humeur ».

Aucune de ces drogues n’a été soumise à une évaluation dans le cadre des Nations Unies malgré l‘existence de la Convention de l’ONU de 1971 sur les substance psychotropes et aucune n’a été définie pour un usage médical ou vétérinaire.

Il faudra attendre le 5 octobre prochain pour voir si le Parlement européen suivra l’avis de la commission LIBE sur ces quatre textes.

 

Emilie Gronelli

 

Pour savoir plus

 

     -. Publications des propositions législatives

http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-10011-2015-INIT/fr/pdf http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-10012-2015-INIT/fr/pdf http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-10010-2015-INIT/fr/pdf http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-10009-2015-INIT/fr/pdf

-. Présentation des projets de rapport

http://www.europarl.europa.eu/ep-live/fr/committees/video?event=20150914-1500-COMMITTEE-LIBE

     -. Vote de la commission LIBE http://www.europarl.europa.eu/ep-live/fr/committees/video?event=20150922-1500-COMMITTEE-LIBE

     -. Proposition de  la  Commission du RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL sur les nouvelles substances psychoactives http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2014_2019/documents/com/com_com(2013)0619_/com_com(2013)0619_fr.pdf

Article de EU Logos sur le rapport annuel de l’OEDT 2015 http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/06/23/lobservatoire-europeen-des-drogues-et-des-toxicomanies-publie-son-20eme-rapport-annuel/

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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