Règlement sur les successions internationales : concilier droits des héritiers, coopération judiciaire et sécurité juridique

Une succession sur dix ouverte dans l’Union européenne est internationale et cette proportion ne cesse de croître. L’adaptation des systèmes juridiques européens sur la succession requiert donc une mise en place rapide de nouvelles règles. A cela s’ajoute le fait que treize millions de citoyens de l’Union européenne d’un Etat tiers vivent dans un Etat membre de l’Union. Nous sortons du domaine où règnent l’enchevêtrement juridique et le conflit des lois.

L’interview donné par le Président du Conseil des notaires de l’Union européenne (CNUE), Jean Tarrade, à l’Agence Europe, le 29 septembre 2015, permet de revenir sur cette étape importante pour la coopération judiciaire européenne dans les matières civiles, c’est à dire l’entrée en vigueur du règlement n°650 / 2012, le 17 août dernier. Ce règlement concerne « la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et la création d’un certificat successoral européen » qui a été adopté par le Parlement européen et le Conseil le 4 juillet 2012. Afin de comprendre en quoi ce règlement est si important pour l’évolution du système juridique européen, il convient de se pencher sur ce que le Règlement légifère au niveau européen : en quoi consiste-t-il ? Pourquoi les citoyens européens tireront-ils profit de ce nouveau règlement ?

Lors de son interview Jean Tarrade a souligné la portée du nouveau règlement, récemment entré en vigueur(17 août 2015), concernant les successions. En effet, selon lui, son entrée en application est « extrêmement importante pour tous les praticiens du droit en charge du règlement des successions dans les Etats membres, à l ‘exception du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark qui n’y participent pas ».

Mais quelles sont les conséquences de ce règlement au niveau européen?

Le règlement « relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen » est un élément important dans la construction et le développement de l’espace de liberté, de sécurité et de justice afin de « supprimer les entraves à la libre circulation » et de permettre aux citoyens européens « de faire valoir leur droits ». Le but du règlement est que les successions au sein de l’UE soient régies par la même loi et non plus par plusieurs lois nationales comme auparavant notamment par l’introduction d’un certificat successoral européen.

La réglementation au niveau européen des successions permet ainsi de protéger de manière effective les droits des héritiers, des légataires mais aussi des créanciers.

Le règlement s’étend à tous les aspects de droit civil d’une succession (transfert des biens, droits et obligations à cause de mort) mais pas aux questions fiscales, douanières ou administratives relevant du droit public, qui appartiennent donc au droit national (taxation et impôts, liens avec régimes matrimoniaux, dissolution ou fonctionnement de trusts).

Selon le règlement, la loi applicable dans le cadre d’une succession est celle du pays dans lequel « le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès ». Par contre, une personne peut, de son vivant, décider de faire appliquer, dans le cadre de sa succession, la loi du pays dont elle possède la nationalité : une personne ayant plusieurs nationalités peut choisir la loi d’un des pays dont il possède la nationalité. Le règlement qui a une vocation internationale permet notamment à une personne de choisir de faire appliquer la loi d’un pays tiers.

Ce sera à cette loi de régir alors les modalités d’ouverture de la succession, la détermination des droits sur la succession dont la vocation successorale des bénéficiaires et la détermination de leurs parts, la capacité de succéder, l’exhérédation et l’indignité successorale, le transfert des biens, le pouvoir des héritiers, la responsabilité à l’égard des dettes de la succession, les obligations des héritiers envers des tiers ou des proches du défunt et enfin le partage successoral.

L’aspect fiscal est totalement exclu du règlement européen et reste, donc, national. Ce manque, selon Jean Tarrade, demeure un problème majeur, difficile à outrepasser : il encouragerait, en effet, « un shopping de la loi nationale la plus favorable ».

Mais grâce à ce règlement, les décisions concernant une succession selon une loi nationale sont reconnues dans toute l’Union européenne et elles sont exécutoires dans tous les pays membres.

Le présent règlement crée, par ailleurs, un certificat successoral européen destiné aux héritiers, aux légataires ayant des droits directs à la succession et aux exécuteurs testamentaires. Grâce à ce document, ceux-ci peuvent invoquer leurs droits sur une succession dans un Etat européen diffèrent du leur. Ce certificat est reconnu, donc, par tous les pays de l’Union européenne.

Selon le président du CNUE, le règlement sur les successions internationales est une étape importante dans la profession de notaire mais plusieurs dossiers sont encore en cours afin d’améliorer la coopération judiciaire.

Le règlement sur la circulation des documents publics, le règlement sur la traduction certifiée et des copies certifiées conformes des documents publics et le projet de la société unipersonnelle à responsabilité limitée sont au cœur du débat européen entre les institutions mais aussi entre les pays membres. Une question épineuse reste celle concernant le règlement sur le mariage et les partenariats enregistrés : celui-ci est souhaité par le CNUE mais certains pays, qui sont opposés au mariage ou au partenariat homosexuels, s’y opposent. Le droit de la famille semble ne pas pouvoir atteindre une harmonisation européenne.

Emilie Gronelli

Pour en savoir plus

     -. Règlement n°650/2012 (FR) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32012R0650&from=FR (EN) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:201:0107:0134:EN:PDF

     – . Commentaires Bruylant-Larcier http://fr.bruylant.larciergroup.com/titres/128975_2/le-droit-europeen-des-successions.html

     -. Commentaires de Me Tremosa notaire à Toulouse dans Euractiv http://www.euractiv.fr/affaires-publiques/nouveau-reglement-europeen-sur-l-analysis-531336

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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