La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) disparait, absorbée par le « Défenseur des droits » …

… Le citoyen sera-t-il mieux protégé contre des comportements abusifs ?

Bête noire de certains syndicats de police, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) vient  officiellement de disparaître avec comme ultime recommandation de revoir l’utilisation du flashball. Cette arme qui lance des balles en caoutchouc, à l’origine de plusieurs graves incidents ces derniers mois, est dangereuse car imprécise, dit la CNDS dans son dernier rapport annuel. Il faut interdire son usage dans les manifestations, effectuer une étude technique et envisager son interdiction totale, recommande-t-elle. Mais cette Commission vaut plus  que sa simple recommandation d’interdiction totale du flashball même si, naturellement, cette recommandation a reçu une publicité spéciale. Cependant il faut bien admettre que l’essentiel du rapport réside dans les dénonciations des entraves aux enquêtes sur les forces de l’ordre.

Les gouvernements ont peu suivi  les recommandations de la CNDS depuis 2002 et sa dissolution a finalement été ordonnée avec transfert de ses compétences au nouveau Défenseur des droits. Ce dernier les cumulera avec celles du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) ( cf. Nea say qui a consacré 9 articles à la CNDS http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?q=CNDS&Submit=%3E)

Le gouvernement actuel a jusqu’ici toujours soutenu l’usage du flashball, dont Nicolas Sarkozy a équipé la police quand il était ministre de l’Intérieur. Cet avis sur le flashball est donc le dernier émis par la CNDS.

Créée en 2000 par la gauche, cette instance administrative indépendante avait pour mission de contrôler les pratiques des forces de sécurité, sur le fondement de cas concrets soulevés par de simples citoyens via les parlementaires. Elle estimait oeuvrer dans l’intérêt des forces de sécurité et de leur crédibilité auprès de la population, en tentant de mettre fin à des abus vus comme récurrents par des organismes internationaux comme Amnesty international. Les syndicats de police, notamment ceux proches du pouvoir actuel comme Alliance et Synergie, critiquaient violemment cette institution en estimant qu’elle discréditait l’action de la police sur le fondement de cas vus comme ultra-minoritaires.

Roger Beauvois, président de la CNDS, a déploré ( comme pour les autres agences ou commissions regroupées) une dernière fois la disparition de son institution. « Le fait de regrouper  sous une même étiquette va sûrement poser des problèmes de fonctionnement et d’efficacité », a-t-il dit à la presse. Des membres de la CNDS ont estimé que le Défenseur des droits, homme seul nommé par l’Elysée, aurait davantage de difficultés à modifier les pratiques problématiques de la police qu’un collège au statut indépendant. Dans son dernier rapport, la CNDS relève qu’elle a été saisie à dix reprises lors de son existence de problèmes liés au flashball, avec trois affaires récentes: un jeune homme gravement blessé à Toulouse en 2009, un autre à Montreuil (Seine-Saint-Denis) en 2010 et un décès fin 2010 à Marseille. Compte tenu de l’imprécision notoire de l’arme et du manque de formation des policiers, la commission juge inutiles les mesures actuelles qui consistent à recommander de ne tirer que dans certaines zones du corps et à distance. Elle préconise une étude sur d’éventuelles améliorations techniques. « La commission souhaite que, dans la mesure où cette étude ne pourrait être menée rapidement, la question soit posée de son maintien dans la dotation des fonctionnaires de police », lit-on dans le rapport.

Pour le reste, le dernier rapport de la CNDS relève des abus de pouvoir des policiers concernant l’illégalité de certains contrôles d’identité et des « palpations de sécurité » (fouilles corporelles) également irrégulières en dehors de tout comportement suspect. Il est aussi fait état de l’abus du placement en garde à vue de personnes suspectées à tort de conduire sans permis sur le seul fondement de la consultation d’un fichier qui n’était pas à jour. L’explosion des gardes à vue abusives ces dernières années et l’abus de pratiques coercitives comme le menottage et les fouilles à nu ont été très souvent mentionnés dans les rapports de la CNDS.

Concernant la réforme de la garde à vue, cf. autre information.

Qu’est-ce que le CNDS ?

La CNDS est chargée de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République, qu’il s’agisse de professions publiques (Police nationale, Gendarmerie nationale, douanes, gardiens de prison, polices municipales, gardes-chasse, etc.) ou privées (sécurité SNCF ou RATP, agences de gardiennage, transport de fonds, détectives privés[3], enquêteur privé, etc.). La Commission n’est ni un tribunal, ni un conseil de discipline, mais un lieu de recours et de contrôle. Elle peut être saisie par toute personne qui est victime d’un manquement à la déontologie ou qui est témoin d’un tel manquement, mais sa saisine ne peut intervenir que par le biais d’un parlementaire. En outre toute saisine injustifiée tomberait sous le coup du délit de « dénonciation calomnieuse » .

Elle dispose de moyens juridiques importants, le secret professionnel ne pouvant lui être opposé, et tout refus de lui répondre constitue une infraction pénale. Elle peut exiger tous renseignements ou documents dans le cadre de son instruction et effectuer une visite des locaux professionnels entre 8 heures et 20 heures et à tout moment dans les lieux où la profession est exercée. Elle ne peut, en revanche, pénétrer dans les lieux privés qui servent à l’habitation. Elle peut saisir les autorités hiérarchiques ou les autorités judiciaires si elle constate des manquement à la déontologie ou une infraction pénale. Elle peut également publier un rapport spécial au Journal officiel si elle estime ne pas avoir reçu de réponse appropriée des autorités administratives dans le cadre d’une affaire particulière.

Elle ne peut, en revanche, intervenir dans le cadre d’une instruction en cours. Chaque année elle remet un rapport sur son action au président de la République . La fin de la CNDS a été programmée par le projet de loi constitutionnelle voté le 3 juin 2008[6] et dont l’article 31 a créé un poste de « Défenseur des droits » appelé à remplacer plusieurs commissions dont – aux termes de l’exposé des motifs – la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

Rapport 2010 de la CNDS http://www.cnds.fr/rapports/rapport_annuel_2010.pdf

Dossier de presse de la CNDS http://www.cnds.fr/rapports/dossier_de_presse_RA2010.pdf

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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