Le Réseau Euro Méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) met en accusation la nouvelle politique de l’Union européenne à la veille d’un débat important au Parlement européen. (Mise à jour)

REMDH s’interroge : les migrants, les grands perdants de la nouvelle stratégie européenne à l’égard des pays du sud de la Méditerranée qui tentent la démocratie ? Son comité exécutif s’est réuni du 24 au 26 juin au Caire et a fait connaitre son désaccord profond avec les résultats du Conseil européen (cf.  autre information). « Il est urgent que l’Union européenne et ses voisins du sus de la Méditerranée favorisent sans conditions préalables, la mobilité des citoyens des deux rives et leur libre circulation. Ceci permettre de promouvoir le développement de la région ainsi que la dignité des citoyens ».

Quant à la situation, REMDH note positivement l’évolution en Egypte tout en soulignant l’importance des pays des défis posés à ce pays. Il constate aussi avec inquiétude les dérives sécuritaires que les membres de REMDH disent avoir constaté : des milliers de procès devant les tribunaux militaires, sans égards pour les garanties essentielles d’un procès équitable, inquiétude face à l’absence de mesures pour mettre fin aux années d’impunité des membres de la police qui se sont rendus coupables de graves violations des droits de l’homme, non levée de l’état d’urgence, maintien des tribunaux d’exception. Il a aussi exprimé « son inquiétude en raison du manque de transparence des décisions prises par le gouvernement égyptien transitoire et par le Conseil supérieur des Forces armées ». Il a par ailleurs exprimé sa préoccupation «  de voir que les dates des élections parlementaires et présidentielles n’ont pas encore été rendues publiques ».

Le comité exécutif du REMDH condamne la poursuite des massacres en Libye et exprime sa solidarité avec les défenseurs des droits de l’homme en Syrie ; »Les autorités syriennes doivent permettre l’accès de leur pays de la mission du Haut Commissariat pour les droits de l’Homme’. Le Comité exécutif relève « des éléments positifs dans les réformes constitutionnelles proposées au Maroc », mais « que le projet de réforme constitutionnelle ne garantisse pas pleinement la séparation des pouvoirs et, par voie de conséquence, l’état de droit ». Comme il déplore que peu de temps soit accordé au débat démocratique sur les réformes proposées avant le Référendum prévu le 1er juillet » .

Par ailleurs il condamne « la politique de colonisation permanente, agressive et illégale du gouvernement israélien qui constitue un obstacle majeur à la paix et qui menace la viabilité de la solution des deux Etats. L’établissement d’un Etat palestinien sur les frontières de 1967 et la mise en place d’un gouvernement démocratiquement élu par le peuple palestinien qui doivent être appuyés par la communauté internationale, y compris l’Union européenne ».

L’essentiel de la position du REMDH se concentre sur « les grands perdants de la nouvelle stratégie européenne seront-ils les migrants ? »

En tout premier lieu Frontex qui pour REMDH ne peut se résumer à dissuader ou empêcher mes migrants d’accéder au territoire de l’un des Etats membres de l’Union européenne. Ses moyens financiers et juridiques doivent être renforcés. Les garanties à apporter aux migrants et aux demandeurs d’asile passe par une clarification des responsabilités respectives de Frontex et des Etats membres dans le respect des principes suivants :

      -. En toutes circonstances l’obligation de recherche et de sauvetage en mer prime sur le souci d’empêcher des personnes d’accéder au territoire, même si elles ne remplissent pas les conditions légales pour le faire ;

      -. Le principe de non refoulement s’applique également lors des interceptions en mer ;

      -. Le principe de non refoulement implique également que soit offerte au demandeur d’asile potentiel la possibilité effective de réclamer le bénéfice d’une protection internationale et de voir sa demande examinée de manière individuelle, y compris en cas de flux dits mixtes (demandeurs d’asile et migrants) ;

      -. Le principe de non refoulement interdit de refouler, renvoyer ou expulser directement ou indirectement, quelque personne que ce soit vers un pays où elle risque d’être soumise à des traitements humains ou dégradants.

Concernant Schengen, REMDH  rappelle que « l’ampleur des récents mouvements migratoires en provenance de la rive sud de la Méditerranée est toute relative si on les mesure à l’Europe et, plus encore, si on les compare à ceux que vivent les pays d’Afrique du nord et du Moyen Orient. Le REMDH estime qu’ils ne peuvent servir de prétexte à la mise en cause de la liberté de circuler dont il est question. A l’opposé du principe de solidarité proclamé et réclamé, une telle mise en cause ne donnerait raison qu’aux tenants du repli sur soi ».

La finalisation d’un système d’asile européen commun : l’affirmation répétée de la mise en place d’untel système d’ici 2012 n’ a pas permis à  ce jour d’engranger quelques progrès. Comme l’ a reconnu la Commissaire Cecilia Malmström, cela reste une loterie et les chances de se voir accordé une protection varie de 75% à 1% selon les pays. Au-delà de ces considérations l’UE ne peut faire l’économie de se pencher sur la règlementation de Dublin et sur ses responsabilité vis-à-vis des centaines de milliers de réfugiés qui ont fui la guerre en Libye.

Le système de Dublin : le REMDH exige « une refonte complète du système coûteux, injuste et contreproductif qui régit actuellement le partage entre les Etats membres, des responsabilité dans la prise en charge des demandeurs d’asile et dans la détermination du statut de réfugié ».

Violences en Libye et besoins de protection internationale : début juin le nombre des personnes concernées était évalué à 970 670 contre 18 000 arrivés en Italie. Le principe de protection de la population civile qui a présidé à l’adoption de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies doit fonctionner également à l’égard de ceux qui ont dû fuir la violence. La solidarité doit s’exercer à trois niveaux ; les réfugiés, les pays du sud qui accueillent le plus grand nombre de ces réfugiés, solidarité enfin entre Etats membres. Le REMDH demande donc à l’UEE qu’elle organise des missions d’évacuation ( notamment les populations émigrées les plus exposés en Libye, des missions de sauvetage en mer. L’Union doit renforcer son appui financier aux voisins de la Libye. L’UE doit s’interdire toute mesure qui aurait pour effet d’empêcher les réfugiés d’accéder au territoire de l’UE. . Doit être , enfin, mise en œuvre la directive dite protection temporaire qui à ses yaux permettrait de répondre aux besoins urgents , sa mis en œuvre, il faut le rappeler ne préjuge en rien une éventuelle reconnaissance ultérieure du statut de réfugié.

Un partenariat global aves pays du voisinage méridional :  le REMH demande à l’Union de traduire en actes la place désormais attribuée aux droits des migrants et à leur mobilité.

Le REMDH constate que le « plus pour plus » auquel l’UE s’est engagée, n’est pas la promesse d’une coopération renforcée au fur et à mesure que seront respectés les droits des migrants, mais bien au fur et à mesure que la lutte contre l’immigration irrégulière sera plus efficace.

Dans ce contexte les accords de réadmission prennent une dimension singulière : le REMDH rappelle que le respect des articles de la Convention européenne des droits de l’homme a un caractère absolu : on ne peut conclure des accords de réadmission avec des Etats qui ne respectent pas les droits de l’homme. Elle doit notamment exclure toute négociation avec des pays :

      – . où est pratiquée la torture ;

      -. où est réprimée pénalement l’immigration illégale, que ce soit à l’égard des nationaux ou des ressortissants de pays tiers ;

      -. qui ne sont pas parties à la Convention de Genève et/ou qui n’ont pas de système d’asile qui offre une protection effective ;

      -.  où les ressortissants d’Etats tiers sans titre de séjour sont susceptibles d’être détenus da             ns des conditions inhumaines ou dégradantes sans possibilité de recours ;

      -. où les pratiques de refoulement les exposent à des traitements inhumains ou dégradants.

L’UE doit prévoir des mesures incitatives visant au meilleur respect par les Etats partenaires des droits fondamentaux des étrangers. Sans attendre tous les Etats membres de l’UE doivent ratifier et mettre en œuvre la Convention internationale sur la protection de tous les travailleurs  migrants et les membres de leur famille

Loin de la volonté de rupture qu’elle affirme, l’approche prônée par l’UE semble en réalité rester dans la droite ligne de ce qu’elle était . L’UE porte une attention presque exclusive à la lutte contre la migration irrégulière et l’UE semble attendre de ses partenaires méditerranéens qu’ils renouent avec leurs pratiques policières et répressives.

La conclusion est claire : « si l’Union veut le succès de la démocratie  dans les pays arabes et la sécurité aux frontières extérieures, c’est maintenant plus que jamais qu’elle doit réviser sa politique migratoire. Celle-ci peut et doit devenir un instrument d’appui aux transitions démocratiques en cours (…) Plutôt que de présenter la lutte contre la migration irrégulière comme le prix à payer par les pays tiers pour espérer obtenir une dose de migration légale à destination de l’Europe, il est urgent de favoriser réellement et sans préalable « la mobilité » des citoyens du sud de la Méditerranée en leur permettant  plus largement de circuler ou de migrer vers l’Europe ». En d’autres termes et plus concrètement l’Union européenne doit s’engager dans une politique de libéralisation des visas ou de facilitation des visas de court séjour et en particulier des visas à entrées multiples. Les formalités doivent être assouplies pour ceux qui ont droit au regroupement familial. Doit être développée une politique d’immigration de travail qui ne soit pas exclusivement réservée aux personnes hautement qualifiées.

La réponse, au moins partielle,  à toutes ces questions  va intervenir rapidement puisque la Haute Représentante, Catherine Ashton, va participer le 6 juillet prochain au débat que le Parlement européen a inscrit à son ordre du jour de la plénière. Nous avons vu (cf. autre information) que le rapport de Véronique de Keyser adopté en commission des Affaires extérieures, ne se situent pas, à ce stade, dans la ligne suivie par le REMDH

      – . Prise de position du REMDH en vue du Conseil européen du 24 juin http://www.euromedrights.org/fr/dernieres-nouvelles/emhrn-releases/communiques-du-remdh-2011/9860.html

      -. Déclaration du comité exécutif du REMDH sur les progrès et les reculs du printemps arabe http://www.euromedrights.org/fr/dernieres-nouvelles/emhrn-releases/communiques-du-remdh-2011/9895.html

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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