Politique antiterroriste de l’UE : « besoin d’y voir plus clair » réclament les députés européens.

   La politique antiterroriste doit correspondre aux menaces terroristes et se baser sur des preuves et non des suppositions, selon une résolution adoptée par la commission des libertés civiles mardi 12 juillet. Les députés demandent une évaluation appropriée des mesures prises en vue de combattre le terrorisme en Europe depuis le 11 septembre et invitent instamment la Commission européenne à présenter une étude sur le coût de la politique antiterroriste. La résolution d’initiative a été approuvée par 29 voix pour et 24 voix contre. Les groupes PPE, ECR et EFD ont voté contre. Ce qui laisse présager une belle empoignade à la plénière de septembre prochain.

Dix ans après que les attentats du 11 septembre 2001 au World Trade Center aient déclenché une « guerre contre le terrorisme », la politique antiterroriste doit faire l’objet d’une évaluation adéquate, en particulier pour déterminer si les mesures qui ont été prises étaient basées sur des preuves ou sur de simples suppositions, estime la commission parlementaire.

« Les politiques antiterroristes devraient répondre aux normes concernant la nécessité, l’efficacité, la proportionnalité, les libertés civiles, l’état de droit, et le contrôle et la responsabilité démocratiques. Une évaluation en profondeur et complète des mesures européennes actuelles en matière d’antiterrorisme se fait attendre depuis longtemps et débouchera sur des politiques plus efficaces. Une étude des coûts supportés par le secteur privé est également nécessaire », a déclaré le rapporteur, Sophie in’t Veld (ADLE, NL), après le vote. Le rapport reflète largement son point de vue qu’elle exprime régulièrement depuis deux législatures.

Les députés soulignent que les mesures antiterroristes doivent correspondre au niveau des menaces, et être ajustées en fonction de celui-ci. La commission parlementaire appelle la Commission européenne à dresser un aperçu des différentes politiques antiterroristes existant en Europe, aux niveaux européen et national, en vue de servir de base à l’évaluation.

Le coût des mesures antiterroristes est une préoccupation forte de la part des députés. Ce souci resurgira lorsque viendra le moment d’examiner la communication de la Commission concernant la surveillance des transactions financières du terrorisme (cf. autre nouvelle Nea say n° 111). La Commission européenne est invitée à présenter un rapport détaillé sur l’ensemble des fonds européens utilisés pour lutter contre le terrorisme, tels que les dépenses pour le personnel et les agences de l’Union qui effectuent des missions antiterroristes, ainsi que pour les systèmes et bases de données informatiques. La Commission devrait également présenter une analyse de l’évolution du budget de l’Union en la matière depuis 2001, selon la commission parlementaire. Elle invite la Commission européenne à réaliser une étude des coûts des politiques antiterroristes supportés par le secteur privé, ainsi qu’un relevé des secteurs qui bénéficient des politiques antiterroristes.

Programme des restitutions extraordinaires de la CIA et Guantanamo gardent la vedette dans les préoccupations de parlementaires qui sou la précédente législature avaient mis en place une commission temporaire présidée par Carlos Coelho et dont le rapporteur fut Claudio Fava (cf. Nea say).Selon la résolution, l’Union et ses États membres doivent établir clairement quel a été leur rôle dans le programme des restitutions extraordinaires de la CIA, au vu des nouvelles preuves révélées dans ce domaine. Les députés affirment également que l’UE doit aider les États-Unis à résoudre la question de la fermeture du centre de détention de Guantanamo et à garantir un procès équitable aux prisonniers.

 

 

 

Droits des victimes et protection des données : la commission attache une attention spéciale aux victimes du terrorisme et est d’avis qu’un ensemble uniforme de règles doit être défini en vue de protéger et de soutenir les victimes du terrorisme, notamment les témoins. Mais surpassant tout le reste : la protection des données et tous les éléments connexes comme par exemple, le profilage. Les députés soulignent la nécessité d’améliorer l’utilisation des données à des fins antiterroristes. Pour ce faire, la Commission devrait présenter une proposition de législation sur la protection des données, qui devrait également s’appliquer au cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, ajoutent-ils. Les députés demandent au Contrôleur européen  des données et à l’Agence des droits fondamentaux de faire rapport chaque année sur les techniques de profilage, d’exploration des données, de détection et d’identification utilisées en Europe pour lutter contre le terrorisme… et à d’autres fins éventuelles. C’est le leitmotiv de la résolution au même titre que la recherche permanente de l’équilibre entre d’une part les obligation qui incombent aux autorités publiques, nationales ou européennes afin de protéger les citoyens et d’assurer leur sureté, d’une part et  d’autre part la préservation des droits de la personne .

Autre thème récurrent : radicalisation et recrutement. Les politiques de lutte contre le racisme et les discriminations représentent des outils essentiels pour prévenir et lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes potentiels, qui représentent « la menace principale à long terme », souligne la résolution.

Au bout du compte chacun peut d’être tenté de réclamer une définition du terrorisme ou de se référer à une définition comme celle des Nations Unies : qu’est-ce en définitive le terrorisme ? Les députés ne s’y sont pas risqués, mais ils ont tenté de s’en rapprocher en définissant les objectifs du terrorisme : « détruire les bases de notre société libre, ouverte et démocratique(…)la lutte contre le terrorisme doit protéger et renforcer ces bases de notre société démocratique et c’est à cette aune que doit se mesurer l’efficacité des politiques antiterroristes (…) dans cette logique, le renforcement des libertés civiles et du contrôle démocratique ne constitue pas un obstacle à ces politiques, mais leur objectif premier ». Le Parlement est préoccupé par de possibles dérives, des détournements de la mission comme dit-il la répression politique, l’immigration, la santé publique, l’ordre public. Les députés demandent d’abord que l’on expose les faits, les chiffres relatifs à l’activité  terroriste (attaques réussies, ratées, évitées) et l’activité anti-terroriste (, arrestations, condamnations), les effet sur les libertés civiles, les compétences existantes avec leur respect ou leur dépassement. C’est une cartographie détaillée de toutes les politiques et pratiques anti-terroristes que les députés réclament. Ils regrettent une vision étroite :mise en œuvre des mesures adoptées, n’englobant pas les politiques nationales ou la traduction au niveau national des mesures prises au niveau européen, ignorant les autres domaines connexes comme les transports ou le marché intérieur.

Les mesures adoptées par les pays tiers ne doivent pas être perdues de vue car elles ont une incidence extraterritoriale dans l’Union, comme la loi américaine sur le contre-espionnage  (Foreign Intelligence Surveillance Act ou FISA) mais qui ne sont soumises dans l’Union à aucun contrôle parlementaire.

      -. Texte du projet de rapport de Sophie in’t Veld (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/pr/861/861448/861448fr.pdf

 (EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/pr/861/861448/861448en.pdf

      -. Texte des amendements (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/am/866/866428/866428fr.pdf

 (EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/am/866/866428/866428en.pdf

      -. Avis de la commission des affaires étrangères (AFET), rapporteur Agnes Hankiss (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/afet/ad/868/868393/868393fr.pdf

 (EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/afet/ad/868/868393/868393en.pdf

      -. Avis de la commission des affaires juridiques(JURI) rapporteur Luis de Grandes Pascual(FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/juri/ad/864/864442/864442fr.pdf

 (EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/juri/ad/864/864442/864442en.pdf

      -. Communication de la Commission européenne : la politique antiterroriste de l’UE, principales réalisations et défis à venir : com/2010 :386(FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2010)0386_/com_com(2010)0386_fr.pdf

 (EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2010)0386_/com_com(2010)0386_en.pdf

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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