Blanchiment de capitaux : prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et financement du terrorisme. Le rapport Kariņš-Sargentini à l’examen des commissions LIBE et ECON.

La création du Marché Unique et l’élimination des obstacles non seulement favorise les activités légitimes des entreprises, mais peut également fournir des opportunités accrues pour le blanchiment de capitaux, les délits financiers et le financement du terrorisme. Les criminels qui blanchissent des capitaux peuvent ainsi tenter de dissimuler ou de maquiller la nature, la source ou le propriétaire véritable de ces capitaux, pour les convertir en profits apparemment licites. Le terrorisme peut, quant à lui, être financé par des activités aussi bien criminelles que licites, dès lors que les organisations terroristes recherchent des activités rémunératrices qui, en elles-mêmes, peuvent être licites ou, du moins, sembler telles. Le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme font donc peser une menace élevée sur l’intégrité, le bon fonctionnement, la réputation et la stabilité du système financier, avec des conséquences potentiellement dévastatrices pour toute la société.

Contexte. Une législation européenne a été adoptée pour protéger le bon fonctionnement du système financier et du marché intérieur. Toutefois, la nature changeante du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme impose d’adapter en permanence le cadre juridique devant permettre de contrer ces menaces.

Au niveau de l’UE, la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme établit le cadre destiné à protéger de ces menaces la solidité, l’intégrité et la stabilité des établissements de crédit et des autres établissements financiers, ainsi que la confiance dans le système financier.

Les règles de l’UE se fondent, dans une large mesure, sur les normes internationales adoptées par le groupe d’action financière internationale (GAFI) et, comme la directive n’assure qu’une harmonisation minimale, ce cadre est complété par des règles arrêtées au niveau national. Au niveau international, le GAFI a entrepris une révision fondamentale de ses normes et adopté un nouvel ensemble de recommandations en février 2012.

Parallèlement à cette évolution internationale, la Commission européenne a engagé son propre réexamen du cadre européen. La révision de la directive proposée dans le rapport Kariņš-Sargentini est complémentaire des recommandations révisées du GAFI, qui représentent un renforcement substantiel du cadre de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

Cadre juridique. La législation européenne a été adoptée pour protéger le système financier et d’autres professions et activités vulnérables contre des abus commis dans le but de blanchir des capitaux et le financement du terrorisme. Différents instruments juridiques ont été adoptés pour atteindre  ces buts. Les plus importants sont les suivants:

– la directive 2005/60/CE du 26 octobre 2005 relatif à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, qui couvre la plupart des quarante recommandations et quelques-unes des neuf recommandations spéciales (RS) du GAFI;

 – le règlement (CE) n° 1781/2006 du 15 novembre 2006 relatif aux informations concernant le donneur d’ordre accompagnant les virements de fonds4, qui met en œuvre la RS VII du GAFI sur les virements électroniques;

– le règlement (CE) n° 1889/2005 du 26 octobre 2005 relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant ou sortant de la Communauté, qui met en œuvre la RS IX du GAFI sur les passeurs de fonds («cash couriers»);

 – la directive 2007/64/CE du 13 novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marché intérieur (directive sur les services de paiement), qui met en œuvre, avec la troisième directive anti-blanchiment, la RS VI du GAFI sur la remise de fonds alternative;

– le règlement (CE) n° 2580/2001 du 27 décembre 2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, qui met en œuvre, avec le règlement (CE) n° 881/2002 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, une partie de la RS III du GAFI sur le gel et la confiscation des biens terroristes.

Le rapport Kariņš-Sargentini. Selon les calculs du Fonds monétaire international (FMI), le blanchiment des capitaux connaît une ampleur considérable et se monte à près de 5 % du PIB mondial. De telles activités criminelles mettent à mal l’intégrité du secteur financier, entraînent une perte de recettes pour les États, faussent la concurrence, entravent le bon fonctionnement des marchés et minent le développement. Une solution urgente s’impose.

La Commission européenne a donc élaboré sa proposition, conformément aux recommandations non contraignantes formulées par le GAFI, afin de poursuivre les objectifs suivants:

– renforcer le marché intérieur en réduisant la complexité des opérations transfrontières;

– protéger la société de la criminalité et du terrorisme;

– préserver la prospérité économique de l’Union européenne en permettant aux entreprises d’opérer dans un environnement efficient;

– contribuer à la stabilité financière en protégeant la solidité, le bon fonctionnement et l’intégrité du système financier.

Le projet du rapport Kariņš-Sargentini  vise notamment à améliorer le cadre juridique actuel afin de prévenir l’utilisation du système financier aux fins de la conversion du produit d’activités criminelles en fonds licites.

Le premier thème sur lequel il faut trouver un accord concerne l’amélioration du fonctionnement des registres d’entreprises. L’identification du bénéficiaire effectif de l’entreprise ou de la transaction commerciale est primordiale dans la prévention du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme.

Il est crucial pour les entreprises de connaître ses clients et de découvrir l’identité du bénéficiaire final. À l’heure actuelle, les entreprises n’ont ni la possibilité ni les moyens de vérifier qui sont les bénéficiaires effectifs. Cette situation entraîne une charge et une responsabilité disproportionnées pour les entreprises. C’est la raison pour laquelle le fonctionnement des registres d’entreprises des États membres devrait être amélioré de manière à ce qu’ils intègrent des informations sur les bénéficiaires effectifs, ce qui  aiderait à la fois les autorités et les entreprises à vérifier l’identité des personnes qui profitent réellement des transactions commerciales. Il convient dès lors que les registres soient interconnectés et accessibles aux autorités et aux entités soumises à obligations. Les États membres peuvent autoriser d’autres parties à accéder aux informations et définir les règles qui régissent l’accès aux registres.

Le deuxième thème mis en évidence par le rapport concerne les risques de blanchiment des capitaux au niveau européen. Les rapporteurs se déclarent en faveur d’une évaluation des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme au niveau de l’Union de manière à permettre une meilleure répartition des ressources. Cependant, il convient d’établir sans équivoque que cette évaluation des risques doit présenter au moins une évaluation globale de la portée du blanchiment des capitaux, les risques associés à chaque secteur concerné, les moyens les plus répandus utilisés par les criminels pour blanchir les produits illicites et une recommandation en vue d’une affectation efficace des ressources. Compte tenu de l’évolution permanente de l’environnement économique, cette évaluation devrait être effectuée à intervalles réguliers et, au minimum, tous les six mois.

Le troisième thème concerne l’approche préventive. Elle devrait être ciblée et proportionnée et ne devrait pas aboutir à un système de contrôle général de toute la population. Cela signifie que la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme doit être menée dans le plein respect de l’ordre juridique de l’Union, particulièrement en ce qui concerne la législation de l’Union sur la protection des données et la préservation des droits fondamentaux inscrits dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Le débat.  Lors de la réunion conjointe des commissions LIBE et ECON, qui a eu lieu le 9 janvier dernier, le débat en salle s’est concentré sur les trois thèmes qu’ont été soulignés ci-dessus. Le rapport, notamment consacré au thème de la prévention de l’utilisation des systèmes financiers finalisés au blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme, a suscité beaucoup de discussions au moment de son premier examen. Il s’agit, en effet, d’une question très sensible qui concerne tous les États membres en s’adressant à différents domaines: jeux dehasard, matchs truqués, investissements, virements, etc.

Cependant, le thème qui a animé le plus le débat a été le fonctionnement des registres d’entreprises.     Doivent-ils être publics ou pas? Interpol doit-il avoir accès? Illimité ou pas? Il s’agit de questions qui n’ont pas reçues des réponses unanimes, ce qui est en fait assez normal à l’état actuel du projet.

«Afin de trouver un accord plus fort sur les points en question les rapporteurs fictifs se réuniront à Strasbourg au moment de la  plénière du 13 janvier» a commenté la rapporteure Mme Sargentini.

«On veut proposer un registre public pour chacun des aspects financiers: trust, fondation, répartition d’argent, type d’organisme, etc. Aujourd’hui existent des normes nationales contre le blanchiment d’argent visant à réglementer de  tels aspects. En outre, la Commission présentera un rapport pour l’harmonisation du droit afin d’assurer l’intégrité du système financier» a affirmé le rapporteur fictif M. Simon.

 En ce qui concerne les jeux de hasard, il faut distinguer entre les différentes formes et  se concentrer sur les criminels sans augmenter les difficultés pour le citoyen moyen. Il faut, encore, éviter le déplacement d’argent dans les pays où la loi est plus permissive. Les registres publics  sont nécessaires pour éviter le blanchiment et assurer la surveillance des  flux d’argent, en respectant les  règles sur les  données sensibles.

De son coté la Commission européenne a affirmé premièrement que il faut avancer vers la mise en œuvre des registres publiques consultable par les bénéficiers afin de moniteur la situation économique. Deuxièmement, pour ce qui concerne l’accès aux registres il faut limiter la mesure des détails disponibles et consultables. Troisièmement, dans les domaines des données consultables il faudra distinguer entre propriétaires, bénéficiaires et ownership (copropriété). Quatrièmement, pour ce qui concerne le domaine des jeux d’hasard il faut adopter un réglage juridique général pour tous les jeux, y compris l’évaluation des risques du blanchiment. Les travails doivent être cordonnés par Europol. Enfin, la Commission partage la position du PE sur la protection des données.

«Le but final est donc celui de rendre plus difficile la tâche des criminels. Les informations dans les registres doivent être proportionnées juste celles-ci qui sont nécessaires afin de renforcer la lutte contre le blanchiment des capitaux et en même temps garantissent le respect de  la vie privée des citoyens» a conclu Mme Sargentini.

Prochaines étapes. Il est prévu que le  rapport soit  adopté en février. Les commissions LIBE et ECON devraient donc voter le rapport Kariņš-Sargentini  le 13 février qui serait ensuite mis aux voix en plénière le 11 mars.

Cesare Tanda

Pour en savoir plus:

      -. (K.Karins, J.Sargentini) Prevention of the use of the financial system for the purpose of money laundering and terrorist financing:(EN )http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/cj12/pr/1009/1009210/1009210en.pdf (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/cj12/pr/1009/1009210/1009210fr.pdf

      -. Proposed amendments Nr. 94-413 to the draft report:(EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/cj12/am/1013/1013205/1013205en.pdf  (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/cj12/am/1013/1013205/1013205fr.pdf

      -. Proposed amendments Nr. 414-547 to the draft report:(EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/cj12/am/1013/1013206/1013206en.pdf (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/cj12/am/1013/1013206/1013206fr.pdf

      -. Commission document: (EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2013)0045_/com_com(2013)0045_en.pdf (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2013)0045_/com_com(2013)0045_fr.pdf

      -. DIRECTIVE 2005/60/EC OF THE EUROPEAN PARLIAMENT AND OF THE COUNCIL: (EN) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2005:309:0015:0036:en:PDF(FR)  http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2005:309:0015:0036:fr:PDF

 

 

 

 

 

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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