Guantanamo fermé, le problème resterait entier en Afghanistan. La fin de Guantanamo n’est pas la fin des problèmes. Un processus de gangrène que décrit bien le journal suisse le Temps du 11 janvier.

Guantanamo n’est que la pointe de l’iceberg, nous décrit le Temps. Si auparavant, les procédures appliquées aux personnes capturées sur le terrain pouvaient donc différer selon la nationalité des soldats de l’OTAN qui les arrêtaient, les Etats-Unis gèrent désormais seuls la question des prisonniers, y compris ceux faits par la France, la Pologne ou l’Australie. Difficulté supplémentaire, le président afghan, Hamid Karzaï, revendique, depuis le 5 janvier, le contrôle total sur l’ensemble du système de détention en Afghanistan, dont Parwan. Plaçant cette question au cœur de la reconquête de la souveraineté afghane et du partenariat entre Kaboul et Washington après le retrait de l’OTAN fin 2014, il exige aussi que la vingtaine de détenus afghans encore à Guantanamo soit rapatriée en Afghanistan.

Dix ans après sa création, les prisonniers du conflit afghan ne sont plus transférés au centre de détention américain à Guantanamo (Cuba), créé pour accueillir les détenus du conflit afghan et irakien ainsi que de la guerre contre Al-Qaida. Cet arrêt pose, notamment, la question du sort des personnes qui sont actuellement capturées en Afghanistan par les troupes de l’OTAN, nous explique le Journal suisse le Temps.

Que faire de ces hommes considérés comme des ennemis? Où les envoyer? Dans quel cadre légal doit-on les traiter?  Car si leur transfert illégal par le biais des prisons secrètes vers Guantanamo et leur incarcération constituaient déjà un trou noir au regard du droit international, le système de détention en Afghanistan mis en place par l’OTAN dans ce pays depuis dix ans n’est pas plus clair. Le constat est clair : en Afghanistan, on ne sait rien de ce qui se passait dans les prisons situées sur les bases militaires américaines à Kandahar et à Bagram, et quand les prisonniers sont remis aux Services de sécurité afghans [NDS], on est sûrs que les détenus seront maltraités. Arrêtés par des armées occidentales sur le sol afghan, les prisonniers doivent-ils être traités selon le droit de ce pays, le droit international fixé par les Conventions de Genève ou le cadre légal en vigueur aux Etats-Unis, en Australie, au Canada ou en France?

Pour limiter d’éventuelles poursuites pour «complicité de torture» pour avoir sciemment remis des détenus aux Afghans sachant qu’ils seraient l’objet de mauvais traitement et afin d’éviter les dérives intervenues en Irak dans la prison d’Abou Ghraib, les Etats-Unis ont construit, en 2009, la prison modèle de Parwan, juste à l’extérieur de la grande base de Bagram, tristement célèbre au nord de Kaboul. Dans cet établissement qui a coûté 60 millions de dollars (47 millions d’euros), 1500 prisonniers ont transité entre son ouverture en janvier 2010 et juin 2011, quand Le Monde a pu visiter ce lieu. En janvier 2012 le chiffre approcherait les  3000.

Les dérives de Guantanamo se poursuivent.

Avant d’aboutir à Parwan, les personnes capturées restent, dans un premier temps, un maximum de quatorze jours entre les mains des seuls militaires au sein des bases où elles sont interrogées par les services de renseignement. Puis s’ils sont considérés comme des suspects de premier plan,  on peut prolonger cette première détention après autorisation du commandement de l’OTAN à Kaboul. Les détenus sont ensuite transférés de tout le territoire afghan à Parwan où ils sont intégrés dans un processus légal appelé le detainee review board (DRB), qui se termine devant un tribunal militaire. Durant leur séjour à Parwan, ils vivent dans des cellules collectives et sont déplacés systématiquement entravés dans des chaises roulantes. Les prisonniers ont droit à des parloirs et à une assistance juridique, ils peuvent faire des travaux et du sport; 10% d’entre eux sont remis en liberté , les autres purgent leur peine dans le système carcéral afghan.

Ces précautions américaines pour corriger les dérives de Guantanamo se sont révélées peu efficaces et au mois de septembre 2011, l’OTAN a ainsi dû stopper les transferts de prisonniers aux Afghans après qu’un pré-rapport de l’ONU ait attesté l’existence de torture dans huit centres de détention du NDS. En juillet 2011, l’OTAN avait également cessé ses transferts au NDS à Kandahar (sud) après le retrait des forces canadiennes d’Afghanistan qui géraient jusqu’alors cette question pour le compte de l’Alliance. Le Canada, soucieux de son image en matière de respect du droit international et craignant des risques légaux, était sorti, dès 2007, du système Guantanamo et avait créé sa propre procédure de détention, comprenant un suivi des prisonniers dans les prisons afghanes notamment. Des civils canadiens ont ainsi effectué «près de 300 contrôles inopinés» dans les geôles du NDS de mai 2007 à juin 2011, selon l’OTAN à Kaboul.

Le processus de gangrène décrit il y a plus de cinquante ans pour l’Algérie au temps de la guerre menée par la France se poursuit avec une ampleur décuplée en Afghanistan.

      -. Rapport de Amnesty International http://www.amnesty.org/en/library/asset/AMR51/103/2011/en/43fe877f-92c6-44b8-ad3e-4840db5d0852/amr511032011en.pdf

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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