Après l’Union européenne, Cameron s’attaque à la Cour européenne des droits de l’homme.

Les menaces  sur le Conseil de l’Europe sont bien connues des lecteurs de Nea say qui en a relaté quelques unes. Ce peu de considération pour le Conseil de l’Europe est ancien quasi atavique. Un instant mis en veilleuse car voyant dans cette institution un contre exemple des institutions communautaires, le Conseil de l’Europe aurait pu  se révéler utile à l’usage. Mais force est de constater que les institutions du Conseil de l’Europe est en tout premier lieu la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) ont été contaminées dans ses pratique par l’Union européenne. Ces attaques interviennent au moment où s’engagent les négociations pour l’Adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme. Le premier ministre britannique plaide pour une réforme de l’institution européenne et souhaite l’adoption de nouvelles règles de sélection des juges et de saisine de la Cour. Au bout du compte ne vise-t-il pas la mise en cause d’un des fondements de la Cour : le droit pour quelques 800 millions de citoyens de 47 pays réunis au sein du Conseil de l’Europe de porter plainte individuellement contre leur gouvernement après avoir épuisé toutes les voies de recours dans leur pays. Autre objectif, la jurisprudence de la Cour devenant la référence ultime, incontournable c’est à la longue rendre le droit national obsolète, inutilisé et donc n’évoluant pas.

 Après son veto à Bruxelles en décembre, David Cameron s’en prend à une autre institution européenne, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).Invité  à présenter le programme de la présidence britannique à l’occasion de la session d’hiver de l’assemblée parlementaire, il a confirmé que c’est bien  la réforme de la Cour qui sera le pivot de sa présidence. D’emblée, il a tenu à rappeler  l’attachement séculaire de son pays aux droits de l’homme,  en citant la « Magna Carta » (XIIIè siècle), la « Bill of rights » (XVIIè siècle) et l’engagement autant politique que militaire de son gouvernement dans le printemps arabe. Une manière de légiférer et d’agir qui, dit-il, « tient au caractère national britannique, à son goût de la liberté, et à sa haine de toute autorité trop puissante (…) la Cour n’a jamais eu un rôle aussi précieux et difficile, cela n’implique pas un statu quo pour une institution née de la Convention européenne des droits de l’homme née il y a plus de 60 ans dans un continent qui venait de se libérer des totalitarismes. Il a insisté sur le « phare » que la Cour doit continuer à être.

Mais Cameron estime que «ce concept est en danger d’être détourné». «La cour devrait être libre de traiter les violations des droits de l’homme les plus graves et ne pas se laisser déborder par l’accumulation des demandes en attente», a-t-il insisté. « On lui demande de trop faire ».Il part du constat que la cour est noyée sous un flot de 150.000 requêtes en attente d’instruction, menaçant son efficacité et sa crédibilité. Le premier ministre britannique a cité  l’exemple de passagers d’un bus entre Bucarest et Madrid réclamant 90 euros de dommages et intérêts au motif que les sièges n’étaient pas inclinables. Il a forcé le trait et pratiqué le sport national britannique quasi quotidien qu’adorent  les tabloïds : ridiculiser les mœurs continentale et leurs pratique véritables ou inventées. Le premier ministre oublie qu’aucune jurisprudence ne peut se créer sans procès et sans jugements  dont la valeur va bien au-delà de la matérialité des faits incriminés. Ce faisant il dévoile sa peur que la Cour devienne une « quatrième instance » pour des citoyens insatisfaits des jugements nationaux pourtant satisfaisants.

«La cour devrait être libre de traiter les violations des droits de l’homme les plus graves et ne pas se laisser déborder par l’accumulation des demandes en attente», a-t-il insisté. Il plaide pour une modification des procédures pour établir un meilleur filtrage des requêtes et l’adoption de nouvelles règles de sélection des juges. Dénonçant le fait que la cour soit devenue une instance de dernier ressort quand tous les recours nationaux ont été épuisés, il souhaite qu’elle cesse de réexaminer les décisions nationales «lorsque ce n’est pas nécessaire» et que «les États aient la responsabilité primaire de protéger leurs citoyens». Si le constat est largement partagé et si certains États membres, comme l’Allemagne, soutiennent sa volonté de réforme, l’unanimité requise pour toute modification est toutefois loin d’être acquise. Londres serait prêt à forcer les négociations en menaçant de se retirer de l’institution faute d’accord.

Mais la précarité de cette position fait planer le soupçon que le sujet relève de tactiques de politique intérieure, désignant une fois de plus l’Europe comme un bouc émissaire. Plusieurs décisions de la cour de Strasbourg ont été perçues comme un camouflet par les Britanniques. Pas plus tard que la semaine précédente, elle a refusé l’extradition vers la Jordanie du terroriste Abou Quatada, (cf. Nea say) arrêté à Londres en 2005, estimant que cela risquerait de le priver d’un procès équitable. En 2005, la cour a imposé à la Grande-Bretagne d’autoriser le droit de vote aux prisonniers (cf. Nea say). Une décision -toujours pas appliquée- qui «rend malade» David Cameron et a motivé la croisade des conservateurs contre Strasbourg. De telles décisions  entraînent le discrédit  « des droits de l’Homme auprés des sociétés européennes » ce qui  le préoccupe. Mais, contrairement aux fantasmes des eurosceptiques, sur 950 décisions l’an dernier concernant le Royaume-Uni, seules 8 violations de la convention sur les droits de l’homme ont été relevées . « Le moment est dés lors venu d’entamer une réforma pratique et raisonnable impliquant, entre autres points, que la Cour n’intervienne que lorsque des « grands droits » de l’Homme ne sont pas respectés », à charge pour les gouvernements nationaux « d’assumer la responsabilité du droit primaire pour la protection de leurs citoyens »

Le fait que la CEDH soit présidée par un Britannique n’aide pas David Cameron dans ses visées. Dans une tribune vigoureuse  au quotidien The Independent, le juge Nicolas Bratza a accusé le gouvernement de céder aux sirènes anti-européennes des tabloïds. Mais lors de la conférence de presse annuelle consacrée au bilan de la CEDH il a tenté  de ramener le conflit à des proportions plus mesurées. »Il n’y a pas de conflit ouvert entre nous et le Royaume-Uni et nous sommes d’accord sur de nombreux points. J’ai lu le discours modéré du premier ministre prononcé hier devant l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et nous nous retrouvons pour dire que la Cour, surchargée d’affaires irrecevables ou répétitives souffre d’un arriéré élevé (…) la CEDH ne doit effectivement pas être un tribunal de quatrième instance, nous avons été les premiers à le dire, elle n’est pas un tribunal de l’immigration et nous sommes d’accord pour nous concentrer sur les affaires importantes. Mais il est faux de dire que nous envoyons le message d’une réduction de la marge d’appréciation des Etats ». Mais il regrette qu’un seul arrêt concernant le refus du droit de vote aux prisonniers ait été utilisé au Royaume-Uni « pour lancer une attaque générale contre la Cour » du simple fait qu’il heurte le gouvernement et l’opinion publique. Nicola Bratza attend les propositions de la présidence britannique du Conseil de l’Europe sur la réforme de la CEDH. La Cour sera consultée et présentera son avis officiel.

      -. TEXTE DU DISCOURS (EN) http://www.number10.gov.uk/news/european-court-of-human-rights/

      -. Texte de la résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE): «  Garantir l’autorité et l’efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme » http://assembly.coe.int/ASP/Doc/ATListingDetails_F.asp?ATID=11398

      -. Texte de l’article de Nicolas Bratza dans the Independent http://www.independent.co.uk/opinion/commentators/nicolas-bratza-britain-should-be-defending-european-justice-not-attacking-it-6293689.html

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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