Aux sources des violences religieuses .

Les explications multiples s’affrontent , obscurcissent la compréhension et renforcent les affrontements. Pour les uns c’est le silence religieux(1) dans le quel s’engouffrent les obscurantismes dont l’obscurantisme meurtrier du terrorisme islamique, pour d’autres nous assistons au retour du religieux qui s’accommode mal de la sécularisation triomphante. Pour d’autres encore c’est la détresse humaine qui s’étend sur la planète entière qui génère les formes de religion les plus violentes. Ce serait même le goût pour la violence qui serait à l’origine de ces actes qui font la « une » des journaux plus que la fascination pour l’islam proprement dit.

C’est dans la connaissance des causes profondes que l’on trouvera les remèdes et à cet égard rare sont ceux qui cherchent du côté des causes sociétales. Parmi ceux-ci il convient de signaler les travaux de Tarek Oubrou, iman de Bordeaux, dont la modération, la tolérance et la finesse des observations ont retenu l’attention.

Que nous dit-il ?

Réformer l’islam, oui, mais c’est une illusion de croire que cela va éradiquer la radicalisation des jeunes. C’est même créer une diversion pour ne pas voir les causes profondes de ce phénomène. La radicalisation comme première cause originelle et préliminaire au terrorisme s’explique, nous dit Tarek Oubrou, en tout premier lieu par un mal être de « personnes mal installés » dans la société, mal intégrées. L’allégeance, tout virtuelle, faite à l’Etat islamique n’est qu’un alibi, un faux fuyant pour se venger de la société dans laquelle ils vivent et retrouver ainsi leur amour propre. On leur reproche de ne pas respecter les valeurs de la République ou les valeurs européennes telles qu’elles sont inscrites dans les traités mais ils constatent que ces valeurs sont peu ou mal pratiquées, notamment à leur égard par ceux qui sont censés les défendre ou les incarner. Aujourd’hui c’est l’Etat islamique, demain se pourrait être une toute autre cause, à laquelle ils pourraient adhérer, une cause tout aussi fausse pourvu qu’elles naissent de la société dans laquelle ils vivent.

Cette radicalisation est le résultat d’un échec de l’intégration et la solution passerait donc par plus de « social » et moins de « sécuritaire ». Echec d’intégration par la famille, le scolaire, le travail, démission des parents, manque d’affection à cause de la disparition des liens traditionnels familiaux ou de voisinage. En conséquence, le phénomène concerne tous ceux qui ont des responsabilités éducatives, politiques, médiatiques, religieuses et pas principalement le policier ou le juge..

Les autres sujets du débat ont certes un réel intérêt, mais ils sont d’un deuxième niveau pour ne pas dire secondaire : ajuster les pratiques musulmanes visibles ou invisibles, interdiction des signes religieux dans les écoles, l’université, dans l’espace publique, la perception d’une société sécularisée fortement marquée par l’histoire d’une laïcité à dominante culturelle chrétienne, respect de l’égalité hommes- femmes d’ailleurs souvent mis à mal par les occidentaux eux-mêmes , une égalité et qui reste en occident imparfaite dans la loi et la pratique de tous les jours.

Surmontant le tout il ya une mauvaise connaissance et une mauvaise compréhension de cette notion complexe de laïcité : il faut bien faire comprendre que la laïcité a émancipé le fonctionnement de l’Etat de la loi religieuse, mais en contrepartie elle protège les religions de l’ingérence du politique. On a parfaitement le droit de ne pas être d’accord avec une religion aussi longtemps que ses pratiques ne s’opposent pas au droit du pays.

La pensée de Tarek Oubrou rejoint celle de Jürgen Habermas . telle qui l’a exprimée au lendemain des massacres à Paris le 13 novembre 2015. Dans le journal le Monde, le 23 novembre 2015, il écrit : « le djihadisme , réaction moderne au déracinement ». Le fondamentalisme djihadisme n’est en rien une religion souligne le philosophe allemand et il plaide pour que la France s’interroge sur les ratés de l’intégration sociale. « L’absence de perspective et d’espoir en l’avenir qui afflige les jeunes générations de ces pays, avides de mener une vie meilleure, avide aussi de reconnaissance, est en partie le fait de la politique Occidentale. Ces jeunes générations, lorsque échouent toutes les tentatives politiques, se radicalisent. »Parlant des politiques de l’occident Habermas énumère successivement le fait colonial, l’expédition de Suez de 1956, l’intervention américaine de George Bush en Irak…C’est à partir de cette intervention en Iraq que ce sont déchainées les violences du terrorisme. On a tendance à l’oublier trop vite !

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

Laisser un commentaire