Cameron et les migrants européens : discours du 28 novembre. Avant de sortir de l’Union, le Royaume-Uni rejette l’Union de son propre territoire !

Le discours de Cameron du vendredi 28 novembre 2014, à propos des mesures à l’égard des migrants européens au Royaume-Uni semble être le dernier chantage britannique, au prix du ‘Brexit’ en 2017, sous condition de la victoire électorale du parti Conservateur en 2015. Cependant, le premier ministre britannique, dans le cas d’un échec, a annoncé la ferme intention à s’attaquer aux Traités. Les réactions des pays membres, notamment les plus concernés, comme Pologne et Bulgarie, ont été immédiates. L’importance extrême du principe de libre circulation exige une réflexion plus approfondie, ont-ils fait savoir comme d’autres pays.

 Avant de sortir de l’Union, le Royaume- Uni cherche à faire sortir l’Union de son territoire, pour tout ce qui touche à la libre circulation des citoyens européens. Si les mesures annoncées par Cameron , seront réalisées, pour ces derniers se rendre au Royaume- Uni coûtera plus cher, c’est le prix à payer pour les droits dont ils bénéficient dans leur propre pays.

 Avant quatre ans de séjour : pas de crédit d’impôts. Pas d’allocations familiales. Pas d’aides au logement. Pas d’allocations au chômage. De plus : expulsion immédiate pour ceux qui n’ont pas trouvé de travail après six mois. Interdiction aux migrants demandeurs d’emploi d’avoir accès à l’ ‘Universal Credit’. En outre : restrictions au droit de regroupement pour les membres de la famille, non-européens. Accélération des expulsions des criminels reconnus coupables. Prolongement de l’interdiction d’entrée pour les mendiants et les fraudeurs expulsés du territoire britannique auparavant. Et encore : interdiction de travailler aux citoyens des nouveaux États membres de l’Union, avant que leurs économies aient convergé plus étroitement. Des fonds supplémentaires aux communes qui reçoivent un nombre plus élevé des migrants.

 Cameron juge cela nécessaire, en raison des abus à la liberté de circulation, accordée par les Traités de l’Union Européenne, qui portent atteinte au système de protection social britannique. D’après lui, au lieu de se déplacer pour trouver de l’emploi, les migrants européens se rendraient au Royaume Uni uniquement afin de profiter des avantages du welfare britannique, ce qui comporte de coûts non négligeables pour l’Etat.

Les opposants aux mesures annoncées soulignent que les migrants européens, comme le démontrent les statistiques, apportent plus de bénéfices que des charges au pays, en termes de contributions et de productivité économique. D’ailleurs, même les partis les plus extrémistes ont manifesté leur contrariété, accusant Cameron de ne pas cibler les vrais problèmes causés par l’immigration, tout en remettant en cause la crédibilité même du premier ministre.

 Il s’agit d’un débat qui se déroule depuis des mois. Cameron avait déjà annoncé vouloir restreindre le nombre des migrants européen au Royaume-Uni. Après l’échec de l’imposition des quotas, critiqués lourdement par la chancelière Merkel, il a dû se replier sur des mesures moins radicales qui, toutefois, touchent le citoyen dans sa dimension la plus intime. (Voir en savoir plus)

 A l’attaque ! Contre les traités…

 Alors que les mesures ne sont pas encore définitives et leur crédibilité contestée par les autres partis britanniques et la Commission européenne elle-même, Cameron renforce son attaque en s’en prenant aux racines de l’Union. Si, comme relèvent nombre de critiques, les dispositions ne sont pas compatibles avec les Traités, Cameron remettra la question sur la table des négociations au plus haut niveau. Et si encore cela n’est pas suffisant, le projet britannique pour l’immigration, fera l’objet d’un accord spécifique entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni.

 Il faut ici souligner qu’annoncer un changement des Traités c’est facile à dire, pas autant que de le réaliser. Même s’il n’est pas un projet impossible, il requiert, entre autres, l’unanimité des États membres, ce qui ne semble pas le cas actuellement, vu les réactions des autres États. En général, les membres de l’Union sont d’accord pour discuter des abus à la libre circulation, toutefois ils soulignent que le droit de l’Union prévoit déjà des garanties suffisantes pour prévenir les dangers. De surcroît, toute mesure ultérieure devra respecter le principe de non-discrimination, ainsi que les conditions d’égalité de traitement entre les citoyens de l’Union.

 Ils s’opposent fermement aux attaques du gouvernement britannique à l’un des principes fondamentaux les plus sensibles de l’Union. Les réactions plus fortes sont venues des États du centre-est de l’Europe, dont proviennent la plupart de migrants arrivant au Royaume-Uni. Le ministre des affaires extérieures de la Bulgarie a déclaré : ‘Though understanding the internal political situation in the UK, Bulgaria supports the position, expressed also by the European Commission, that the right to free movement is one of the most important individual rights of EU citizens and one of the Union’s founding principles’ ; en outre il a soulevé des doutes à propos de la compatibilité du plan britannique avec le principe de non-discrimination entre les citoyens de l’UE. De même, Rafal Trzaskowski, secrétair polonaise des affaires extérieures a affirmé: “When it comes to changing the rules in the EU, when it comes to social support and so forth, when it comes to undermining the existing laws, obviously we are going to react quite strongly and we are going to be against.”

 La compatibilité des mesures : détails

 Signalons un article très complet et intéressant de Steve Peers, qui propose une analyse détaillée de la compatibilité des mesures ‘Caméroniennes’ par rapport Droit européen.

 Pour certaines, comme dans le cas d’interdiction au travail aux citoyens des nouveaux États membres de l’Union, avant que leurs économies n’aient convergé plus étroitement, le premier ministre britannique n’a ajouté rien à l’état juridique actuel, car le Royaume-Uni a déjà droit à poser des réserves lors de la négociation d’une nouvelle adhésion.

 D’autres mesures ne seraient même pas faisables, comme dans le cas d’une vérification de l’introduction d’une demande d’emploi avant l’entrée dans le territoire.

 D’autre part, la complexité du droit européen fait que pour certains aspects, les changements envisagés par Cameron ne sont pas entièrement compatibles avec le droit de l’Union. Par exemple, c’est le cas des aides au logement qui sont déjà exclus aux demandeurs d’emploi, mais pas aux citoyens européens qui travaillent ou qui ont travaillé précédemment dans le pays en cause. Ou encore, des aides sociales aux chercheurs d’emploi, accordés dans la mesure où ils sont liés à l’opportunité d’accès au marché de l’emploi.

 En outre, beaucoup de principes fondamentaux sont en jeu. Le principe de proportionnalité, e lors du prolongement de l’interdiction à l’entrée sur le territoire pour les mendiants et les fraudeurs. Quant à la non-discrimination, liée aux dispositions qui touchent les enfants s’opposent à bien des mesures comme c’est le cas des restrictions au droit au regroupement pour les membres non-européens de la famille d’un citoyen européen reconnus criminels coupables. Mais aussi d’autres garanties posent des difficultés, notamment celles relatives au respect des Droit fondamentaux des individus, comme dans les cas des criminels jugés coupables.

 Dans ce cas la Cour de Justice de l’Union Européenne joueet jouera un rôle fondamental, comme elle a déjà fait auparavant. Si les mesures du gouvernement britannique deviennent loi nationale, elle pourrait intervenir à propos de leur compatibilité avec le Droit de l’Union, démontrant, donc, la nécessité d’un changement des dispositions des Traités, ne manquera pas d’argumenter David Cameron.

 Conclusion

 Cameron, aux dépenses des citoyens européens et de leurs droits fondamentaux, poursuit sa politique interne hostile à l’intégration, remettant en cause les engagements du Royaume Uni. Une stratégie plus électorale que européenne, qui, pour l’instant, ne semble pas être très promettant.

 La Commission européenne, pour l’instant, reste insensible aux rumeurs politiques et attend tranquillement des discussions approfondies sur un des principes sacrés de l’Union au cœur de la construction européenne. C’est ce que le porte-parole de la Commission européenne a fait connaître quelques minutes après la fin du discours.

 Une autre conclusion possible, la question de Yves Bertoncini et Nicole Koenig de Notre Europe, «  euroscepticisme ou europhobie : protester ou sortir ? » Dans cet excellent Policy paper ils ont su faire le point sur la nature et la composition de cette « nébuleuse » et sur son influence potentielle dont nous venons de voir les limites à l’occasion du vote de la motion de censure au Parlement européen (cf. autre article dans Nea say de Eulogos)

  Elena Sbarai

     -. Discours intégrale de Cameron, 28 novembre 2014 http://press.conservatives.com

      -. Toute l’Europe, revue de presse, 1er décembre 2014 http://www.touteleurope.eu

      -. EurActiv, La Commission sereine face aux positions de Cameron sur l’immigration, 1er décembre 2014 http://www.euractiv.fr

      -. Steve Peers, Analyse du discours de Cameron, 28 novembre 2014 http://eulawanalysis.blogspot.co.uk

 

     -. Elena Sbarai, Le Royaume-Uni lance une attaque directe contre la libre circulation des citoyens dans l’Union Européenne. EU-Logos, 30 octobre 2014 http://europe-liberte-securite-justice.org

      -. Yves Bertoncini et Nicole Koenig «  Euroscepticisme ou europhobie » : protester ou sortit ? (FR) http://www.notre-europe.eu/011-20657-Euroscepticisme-ou-europhobie-protester-ou-sortir.html (EN) http://www.eng.notre-europe.eu/011-20658-Euroscepticism-or-Europhobia-voice-vs-exit.html

 

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Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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