Égalité des genres à l’heure de la Journée internationale de la femme

Depuis 1975, le 8 mars est traditionnellement la Journée internationale de la femme – ou des femmes pour les anglophones ou des droits de la femme pour les féministes. Comme le rappelle l’Organisation des Nations Unies (ONU) sur son site internet, cette journée « est l’occasion de dresser un bilan des progrès réalisés, d’appeler à des changements et de célébrer les actes de courage et de détermination accomplis ». Nombre d’articles, de rapports, de conférences et autres événements sont produits à travers le monde à cette occasion. Pourtant, cela ne signifie pas que ces questions d’égalité des genres doivent être occultées le reste de l’année. Ainsi, l’Union européenne (UE) en a fait l’une de ses priorités et ce, de longue date.

Dès 1957, le traité de Rome inclut le principe de l’égalité de rémunération. A l’échelle de la planète, la nécessité d’intervenir et de progresser dans ce domaine se fait de plus en plus pressante, au regard notamment des enlèvements perpétrés par le groupe islamiste Boko Haram depuis 2009. Opposé à l’éducation des filles, cegroupe a déjà enlevé des centaines de jeunes nigérianes qui ont été mariées de force et contraintes de se convertir à l’islam. Les violences physiques, psychologiques et le viol font également partie des sévices infligés par Boko Haram, d’après le rapport de Human Rights Watch publié en octobre
2014.

Égalité des genres à l’heure de la Journée internationale de la femme : Où en est-on en Europe ?

Depuis 1975, le 8 mars est traditionnellement la Journée internationale de la femme – ou des femmes pour les anglophones ou des droits de la femme pour les féministes. Comme le rappelle l’Organisation des Nations Unies (ONU) sur son site internet, cette journée « est l’occasion de dresser un bilan des progrès réalisés, d’appeler à des changements et de célébrer les actes de courage et de détermination accomplis ». Nombre d’articles, de rapports, de conférences et autres événements sont produits à travers le monde à cette occasion. Pourtant, cela ne signifie pas que ces questions d’égalité des genres doivent être occultées le reste de l’année. Ainsi, l’Union européenne (UE) en a fait l’une de ses priorités et ce, de longue date.

Dès 1957, le traité de Rome inclut le principe de l’égalité de rémunération. A l’échelle de la planète, la nécessité d’intervenir et de progresser dans ce domaine se fait de plus en plus pressante, au regard notamment des enlèvements perpétrés par le groupe islamiste Boko Haram depuis 2009. Opposé à l’éducation des filles, ce groupe a déjà enlevé des centaines de jeunes nigérianes qui ont été mariées de force et contraintes de se convertir à l’islam. Les violences physiques, psychologiques et le viol font également partie des sévices infligés par Boko Haram, d’après le rapport de Human Rights Watch publié en octobre 2014.

En 2015, la Journée internationale de la femme a mis l’accent sur l’autonomisation des femmes, en référence à la déclaration et au programme d’action de Beijing de 1995, issus des travaux de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes. Ce programme comprend douze thèmes : la pauvreté, l’éducation et les formations, la santé, la violence, les conflits armés, l’économie, le pouvoir et les prises de décision, les mécanismes institutionnels, les droits humains, les médias, l’environnement et les fillettes. Près de 20 ans après son adoption par 189 États membres de l’ONU et au-delà de l’exemple marquant des enlèvements de jeunes nigérianes, les disparités entre les hommes et les femmes restent criantes.

Sur le territoire de l’UE, ces inégalités ont été mises en évidence dans le communiqué de presse d’Eurostat du 5 mars dernier. En matière de rémunération, l’écart entre hommes et femmes s’élevait à 16.4% en 2013 contre 17.3% en 2008. Ce chiffre masque des disparités entre les États membres avec une fourchette allant de 5% (Slovénie) à plus de 20% (Estonie, Autriche, République Tchèque, Allemagne). Si l’écart de rémunération a diminué depuis 2008 dans la plupart des États membres de l’UE, il s’est accru dans neuf pays dont le Portugal (+ 3.8 points), l’Espagne (+ 3.2 points), la Lettonie (+ 2.6 points), l’Italie ( + 2.4 points) et l’Estonie (+ 2.3 points). A cet écart s’ajoute une différenciation genrée des professions exercées, les femmes demeurant surreprésentées (67%) parmi les employés administratifs et le personnel des services directs aux particuliers. En revanche, les directeurs, cadres de direction et gérants sont à un tiers féminins, bien que représentant 46% des personnes occupées. Au Luxembourg, seuls 16% des directeurs et cadres étaient des femmes en 2013 contre 44% en Lettonie. Ce constat est également valable pour les plus hautes fonctions de l’État, comme le rappelle Pascale Joannin dans Questions d’Europe (n°346) de la Fondation Robert Schuman. Sur 28 États membres, quatre chefs de gouvernement sont des femmes – à savoir, Angela Merkel en Allemagne, Helle Thorning-Schmidt au Danemark, Laimdota Straujuma en Lettonie et Ewa Kopacz en Pologne – quand deux femmes sont chef de l’État – Dalia Grybauskaite en Lituanie, et Kolinda Grabar-Kitarovic en Croatie

A ce panorama, ajoutons que le travail à temps partiel tend à accroître le taux d’emploi des femmes.Dès lors, les États qui présentaient en 2013 les taux d’emploi des femmes les plus élevés étaient généralement, comme le rappelle le Communiqué de presse, « ceux qui avaient une proportion importante de femmes travaillant à temps partiel », à savoir la Suède, l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas et l’Autriche. A l’échelle de l’Union, le taux d’emploi des femmes atteignait 62.6% en 2013 et 31.8% d’entre elles occupaient un emploi à temps partiel.

Les institutions de l’UE n’échappent pas à ces tendances européennes. Suite aux élections de 2014, le renouvellement institutionnel n’a apporté aucune avancée majeure en termes de parité et d’égalité des genres. A la tête des institutions – Conseil, Commission, Parlement – la surreprésentation des hommes est flagrante. Seule Federica Mogherini, a été nommée Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et vice-présidente de la Commission. Sur les 28 membres que compte la Commission, neuf seulement sont des femmes. En dépit du souhait du Président de la Commission, Jean-Claude Juncker, de constituer un collège paritaire, les États n’ont pas fait la démarche de proposer des femmes.

Au Parlement européen, 277 femmes ont été élues en mai 2014, ce qui représente 36.8% des 751députés. Au cours du précédent mandat, cette proportion était de 35%. A noter que Malte, la Suède, l’Irlande, la Finlande, l’Estonie et la Lettonie ont des délégations paritaires. Sur 22 commissions parlementaires, 10 sont présidées par des femmes, quand deux femmes président un groupe politique : Gabrielle Zimmer (GUE/NGL) et Rebecca Harms (coprésidente des Verts/ALE). Ceci étant, le Parlement européen n’a été présidé par une femme qu’à deux reprises depuis 1979.

En ce qui concerne le Conseil, où se réunissent les ministres des États membres, la proportion de femmes (environ 14%) reflète la lente féminisation de la vie politique européenne. Ainsi, la féminisation des parlements nationaux s’élève à 27.7% seulement. 12 États affichent un taux supérieur à 40% et seules la Suède et la Finlande le dépassent. Quant aux gouvernements des États membres – exceptés ceux de ces deux pays qui font, là encore, figure d’exception – ils comptent en moyenne 28% de femmes. Ce pourcentage ne rend évidemment pas compte des disparités existantes. La France, l’Italie, les Pays-Bas et la Slovénie ont des gouvernements comportant plus de 40% de femmes alors même que Chypre et Malte n’ont qu’une seule femme ministre. La Grèce, la Hongrie et la Slovaquie sont les plus mauvais élèves avec des gouvernements exclusivement masculins. A cet état de fait, ajoutons que trop souvent ce sont des portefeuilles tels que la santé, la culture ou les affaires sociales qui sont attribués aux femmes, tandis que les finances, la défense ou la diplomatie demeurent principalement du ressort de leurs collègues masculins. Pascale Joannin dans Questions d’Europe (n°346) souligne donc qu’ « en Europe, deux femmes seulement sont ministres des Finances (Estonie, Portugal), trois femmes sont ministres des Affaires étrangères (Croatie, Estonie, Suède) et trois femmes sont ministres de la Défense (Pays-Bas, Allemagne et Italie). » Le personnel politique devrait pourtant ressembler à la société. Dans cette optique, les femmes, qui représentent la moitié de l’humanité, devraient avoir toute leur place.

Pourtant, l’Europe est le continent où la situation des femmes est la meilleure. En 2009, l’importance de l’égalité des genres dans l’UE a été confirmée par l’Article 2 du Traité sur l’Union européenne.

Article 2 « L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie,d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits despersonnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes »

En la matière, la Commission a établi six priorités dans sa Stratégie pour l’égalité des femmes et des hommes pour la période 2010-2015 :

  1. L’indépendance économique des femmes ;
  2. L’égalité de rémunération ;
  3. L’égalité dans la prise de décision ;
  4. La dignité, l’intégrité et la fin des violences fondées sur le genre ;
  5. L’égalité dans les politiques extérieures ;
  6. Questions transversales (avec le rôle des hommes dans l’égalité et la diffusion des bonnes pratiques entre autres).

L’évaluation de mi-parcours de la Stratégie a montré que la Commission avait agi dans la plupart des domaines couverts, en particulier ceux qui concernent l’amélioration de l’égalité dans la prise de décision, la promotion de l’égalité de rémunération, la lutte contre les violences faites aux femmes, les mutilations génitales et la promotion de l’égalité. A titre d’exemple, la Commission lançait en novembre 2012, un projet de directive visant à porter à 40% la proportion de femmes aux postes d’administrateurs non exécutifs dans les sociétés cotées en bourse, à l’exception des petites et moyennes entreprises. Ce projet de directive, adopté par le Parlement européen en novembre 2013,est toujours bloqué au Conseil par certains États membres, dont la Grande-Bretagne et l’Allemagne.

Parmi les prochaines échéances dans ce domaine, Věra Jourová, Commissaire européenne chargée de la Justice, des consommateurs et de l’égalité des genres, a également souligné son intention de continuer à travailler sur la directive « congé maternité » ainsi que sur une nouvelle stratégie sur l’égalité des genres – la précédente arrivant à échéance cette année. Une résolution du Parlement européen est aussi en préparation, d’après Iratxe Garcia Pérez, eurodéputé socialiste espagnole et présidente de la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres.

Chaque année au Parlement européen, cette dernière commission prépare un rapport sur les progrès accomplis en matière d’égalité entre les femmes et les hommes dans l’Union. Lundi 9 mars 2015, les députés ont débattu au sujet du rapport pour l’année 2013. Son rapporteur, Marc Tarabella, eurodéputé belge, membre du groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates, a souligné que l’Union était loin d’une égalité effective. Pour cette raison, il a exhorté les institutions de l’UE comme ses États membres à intégrer une dimension genrée dans toutes leurs politiques, en particulier pour le Semestre européen, le budget et la distribution des fonds européens. Le rapport ne traite pas uniquement des droits des femmes, il est question de réduire les inégalités, a-t-il conclu en invitant ses collègues députés à voter en faveur du texte de manière à adresser un signal clair aux institutions de l’Union, aux gouvernements nationaux et citoyens européens. Le rapport a été adopté ce mardi 10 mars, à 441 voix contre 205 avec 52 abstentions, par le Parlement européen en session plénière à Strasbourg.

La lutte contre les inégalités et discriminations fondées sur le genre est donc une préoccupation qui ne se résume pas – et ne doit pas se résumer – à la journée du 8 mars. Au regard des progrès accomplis, en Europe et dans le monde, et surtout de la marge de progression qui demeure, les mentalités doivent continuer à évoluer, et cela n’est pas uniquement une affaire de femmes. Les États membres doivent débloquer la proposition de directive sur la proportion de femmes aux postes d’administrateurs non exécutifs dans les sociétés cotées en bourse, appliquer la directive de 2000 créant un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, et se saisir de la question du temps partiel subi, pour commencer… A ceux qui contestent la légitimité de l’intervention des autorités publiques dans ce domaine, un chiffre : en l’absence de contrainte, il faudrait attendre 2084 pour que l’égalité de rémunération soit effective dans l’UE…

Charline Quillérou

 

Pour en savoir plus :

     -. Page consacrée à la Journée internationale de la femme 2015 sur le site de l’ONU

http://www.un.org/fr/events/womensday/

     -. International women’s day 2015, UN website

http://www.un.org/en/events/womensday/

     -. Article de Human Rights Watch, « Nigeria : Des victimes d’enlèvement racontent leur histoire », 27 octobre 2014

 http://www.hrw.org/fr/news/2014/10/27/nigeria-des-victimes-d-enlevements-racontent-leurhistoire

     -. « Nigeria : Victims of abductions tell their stories »

http://www.hrw.org/news/2014/10/27/nigeria-victims-abductions-tell-their-stories

     -. Déclaration de Beijing, document de UN Women mis à jour en 2014

http://www.unwomen.org/~/media/headquarters/attachments/sections/csw/bpa_f_final_web.pdf 

     -. Beijing+20: Review of progress underway

http://www.unwomen.org/en/news/stories/2014/12/beijing20-review-of-progress-underway

     -. Page « Le programme d’action de Beijing a 20 ans », ONU Femmes

http://beijing20.unwomen.org/fr/about

     -. The Beijing Platform for action

http://beijing20.unwomen.org/en/about

     -. Eurostat, Communiqué de Presse, 5 mars 2014

 http://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/6730006/3-05032015-AP-FR.pdf/30c31cc9-66f3-fe4-b89b-d838eab54a1f>

     -. Eurostat, Gender Pay Gap Statistics

http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Gender_pay_gap_statistics

     -. Fondation Robert Schuman, « Une Europe moderne est une Europe plus féminine », Questions d’Europe, n° 346, 2 mars 2014

http://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0346-une-europe-moderne-est-une-europeplus-feminine

     -. Stratégie pour l’égalité entre les hommes et les femmes de la Commission européenne, 2010 -2015

http://ec.europa.eu/justice/gender-equality/files/strategy_equality_women_men_fr.pdf

     -. Strategy for equality between men and women, 2010-2015

http://ec.europa.eu/justice/gender-equality/files/strategy_equality_women_men_en.pdf

     -. Évaluation de la stratégie pour l’égalité entre les hommes et les femmes 2010 -2015

http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2014/509996/IPOL_STU%282014%29509996_EN.pdf

     -.Rapport sur les progrès accomplis en matière d’égalité entre les femmes et les hommes dans l’Union en 2013, Rapporteur : Marc Tarabella

http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+REPORT+A8-2015-0015+0+DOC+PDF+V0//FR>

     -. Report on progress on equality between women and men in the European Union in 2013

http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+REPORT+A8-2015-0015+0+DOC+PDF+V0//EN

     -. Directive 2000/78/CE portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail

http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32000L0078&from=FR

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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