Le Parlement européen dernier rempart contre ACTA ? L’accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) est signé : un rendez-vous de la plus haute importance pour le Parlement européen appelé à le ratifier. L’enjeu politique et institutionnel est important pour lui.

Nea say a largement rendu compte des débats enflammés au Parlement européen concernant  l’accord ACTA. Il risque fort d’en connaître à nouveau. Député écologistes et socialiste-démocrates au Parlement européen appellent à faire barrage à l’ACTA après sa signature par 22 Etats membre de l’Union. Malgré la mobilisation dans l’UE de nombreux parlementaires, d’associations et d’ONG, 22 Etats membres ont signé le 26 janvier l’accord commercial anti-contrefaçon sans susciter une réelle émotion ou un quelconque intérêt, marqué,  dans l’opinion ou les médias. Il en va différemment au Parlement européen.

La politique commerciale est depuis l’origine une compétence exclusive de l’Union, c’est-à-dire qu’il revient à la Commission de négocier au nom des Eta membres et après avoir reçu d’eux le mandat nécessaires. Portant sur une grande variété de sujets ou de domaines la règle de vote retenue est  la plus protectrice des intérêts des Etats, c’est-à-dire l’unanimité. Le traité de Lisbonne a confirmé les compétences exclusives de l’Union, les Etats ne sont ^lus habilités à négocier des accords et donc ils ne feront plus l’objet d’une ratification nationale complémentaire..es  pouvoirs du Parlement sont renforcés, il est systématiquement informé et consulté. La Commission doit lui faire rapport de l’état d’avancement des négociations et nous avons vu dans Nea say que souvent concernant ACTA, les débats furent particulièrement brûlants et les  affrontements vigoureux. Le Parlement européen sera dans ce domaine comme dans d’autres un partenaire difficile : les accords PNR et SWIFT-TFTP e en ont été une illustration éclatante. Le paragraphe 2 de l’article 207 TFUE prévoit que « le Parlement européen et le Conseil statuant per voie de règlements conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent les mesures définissant le cadre dans lequel est mise en oeuvre la politique commerciale commune ». Nous sommes bien en co-décision.

Négocié en dehors de l’OMC et à huis clos d’où une forte suspicion de la part du Parlement européen, l’accord commercial multilatéral vise à protéger la propriété intellectuelle vis-à-vis de la contrefaçon classique (vêtements, médicaments etc…) et de la contrefaçon numérique (téléchargement  illégal par exemple) sur la base de normes internationales harmonisées a été signé le 1er octobre à Tokyo par l’Australie, le Canada, la Corée du sud, les Etats-Unis, le Japon, le Maroc, la Nouvelle Zélande et Singapour (cf. Nea  say). La plupart des pays de l’UE (22) ont apposé leur signature, n’ayant pas signé pour « des raisons  techniques », l’Allemagne, l’Estonie, Chypre, les Pays-Bas et la Slovaquie devraient le faire prochainement déclenchant ainsi la procédure de ratification au sein du Parlement européen.

C’est une ratification à laquelle les groupes Verts/Ale et la S&d ont commencé à faire barrage. Sandrine Bélier a dénoncé immédiatement « une insouciance dangereuse, au pire une volonté affichée des Etats membres de l’Union de céder à la logique de la privatisation des biens communs de la planète (…) nos responsables gouvernementaux font ici la démonstration que les intérêts gouvernementaux et financiers de quelques uns pèseraient plus lourds que la défense de l’intérêt général au profit de tous les citoyens. En  signant l’ACTA ils font également fi de l’avis d’éminents juristes qui ont pointé la non-conformité du texte avec le droit européen, dont la Charte des droits fondamentaux et la Convention européenne des droits de l’homme ». Côté S&D, Kader Arif (Rapporteur au Parlement européen) souligne : « l’ACTA pose un problème : qu’il s’agisse de son impact sur les libertés civiles, des responsabilités qu’il fait peser sur les fournisseurs d’accès à Internet, des conséquences sur la fabrication de médicaments génériques ou du peu de protection qu’il offre à nos indications géographiques. Cet accord peut avoir un impact majeur sur la vie de nos concitoyens ». « une mascarade à laquelle je ne participerait pas » a-t-il conclu. Rapporteur il vient de démissionner de sa mission.

Le Parlement européen apparait comme le dernier rempart. C’est en décembre que  John Clancy, porte parole de la DG Trade de la Commission européenne, lavait annoncé que les ministres européens de la pêche ont finalement officiellement donné à la présidence du Conseil pour signer le Traité anti-contrefaçon ACTA. Ceci, en dépit de la forte opposition au texte de nombreux parlementaires, membres de la société civile et experts juridiques. Négocié depuis 2008 dans le plus grand secret par les Etats parties, dont l’Union européenne et les Etats-Unis, ce texte a été maintes fois reconnu comme contraire à l’Acquis communautaire et dénoncé comme tel par de nombreuses étude (cf. dossier de Nea  say). Le Parlement européen, qui sera saisi d’ici quelques jours du texte en vue de le ratifier au cours du premier semestre 2012, va  peser de tout son poids pour faire obstacle à ACTA. Cela passe par un vote mais également par une transparence totale des débats. Plusieurs parlementaires ont souligné comme  inacceptable le fait que le Parlement n’ait toujours pas accès aux documents préparatoires du texte pas plus que les membres de la commission Commerce international ne soient autorisés à rendre public, au-delà de leur seule commission, l’opinion légale sur le texte qui a été demandée à ses services. Le groupe des Verts /Ale a déclaré ne pouvoir accepter ces nouvelles entorses aux fondements mêmes de notre démocratie européenne et ont demandé  que soit saisie pour avis la Cour de Justice Européenne sur la compatibilité du traité avec l’Acquis communautaire, avant que celui-ci ne soit soumis à toute ratification. Le groupe a fait réaliser plusieurs études

Cet accord ne pouvant  entrer en vigueur sans l’accord du Parlement européen. Quelles sont donc les prochaines étapes ? Au Parlement européen, c’est la commission parlementaire du commerce international qui est responsable du dossier. Quatre autres commissions parlementaires (développement, industrie et recherche, affaires juridiques et libertés civiles) devront donner leur avis. La commission du développement a déjà commencé les débats et devrait être imitée par les autres. Ce n’est qu’une fois que les commissions auront débattu et arrêté leurs positions que le Parlement dans son ensemble, réuni en session plénière, débattra et votera à son tour. Tout au long du processus, le Parlement européen, ses commissions et ses services organiseront des ateliers et des réunions avec des experts, des représentants de la société civile et d’autres parties concernées, de façon à ce que toutes les opinions soient écoutées. Un comité d’expert extérieur à l’institution a déjà rédigé une évaluation (lien dans la colonne de droite).

Plus d’information:

      -.  Etude commandée par le groupe des Verts européens sur ACTA et l’accès aux médicaments : http://www.greens-efa.eu/fileadmin/dam/Documents/Studies/ACTA_and_access_to_medicines.pdf

      -.  Etude commandée par le groupe des Verts européens sur la compatibilité entre ACTA et la Convention européenne des droits de l’Homme et la Charte des droits fondamentaux de l’UE : http://www.greens-efa.eu/fileadmin/dam/Documents/Studies/ACTA_fundamental_rights_assessment.pdf

      -.Communiqué de presse de Kader Arif http://www.kader-arif.fr/actualites.php?actualite_id=147

      -. Proposition de la Commission (FR) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2011:0380:FIN:FR:PDF (EN) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2011:0380:FIN:EN:PDF

      -. Evaluation du Comité d’experts du Parlement européen http://www.europarl.europa.eu/committees/fr/INTA/studiesdownload.html?languageDocument=FR&file=43731

 

 

      -. Dossier ACTA de Nea say http://www.eu-logos.org/eu-logos-nea-recherche.php?q=acta&Submit=%3E

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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