Peut-on en finir avec la mondialisation? ACTA: la Commission le défend, le Parlement européen renonce à aller devant la Cour de justice

Face aux critiques qui se font de plus en plus vives, le négociateur européen du traité Acta, (La Commissioneuropéenne) assure que le texte anti-contrefaçon  n’était ni flou, ni liberticide. Ce dossier pourrait recevoir une inflexion importante en rejoignant celui qui vient d’être ouvert, celui  du « BUY EUROPEAN ACT » : la concurrence déloyale pénalise les industriels : de liberticide ACTA pourrait  se muer en défenseur des emplois et en  ennemi  des délocalisations.

Depuis deux ans, les défenseurs des libertés sur Internet n’ont de cesse de dénoncer le manque de précision du traité en cours d’adoption et ses mesures allant à l’encontre des libertés fondamentales. Ce combat rappelle l’opposition en France à la loi Hadopi. (CF. Nea say)

Les Européens n’ont pas de raison de s’inquiéter: Acta ne vise qu’à unifier les législations des États. Le traité leur laissera même des marges de manœuvre pour, par exemple, introduire une licence globale s’ils le souhaitent. Certains avancent même que peut-être qu’il n’y a pas eu de débat parce qu’Acta ne change rien pour le citoyen français ou pour le citoyen européen, certains pays, commela Suède, le Japon et le Canada, ont toutefois dû modifier leur législation afin de la faire concorder avec le traité, font valoir les défenseurs de ACTA.

L’Acta comporte pourtant des zones d’ombre : à commencer par la notion de téléchargement à une «échelle commerciale», seul susceptible d’être réprimé pénalement, Karel de Gucht l’a répété lors du dernier atelier mené sous l’égide du Parlement européen. Le seuil dépendra des législations de chaque État. Mais le négociateur européen n’a toujours pas précisé si les poursuites seront engagées en fonction du nombre de téléchargements ou de la réalisation de profits.La Commissioneuropéenne conteste aussi l’idée selon laquelle les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) hériteront du rôle de «policiers du Web». Selon le traité Acta, les autorités d’un pays signataire pourront en effet ordonner à un FAI ou à un hébergeur de divulguer «rapidement» aux ayants droit l’identité d’un internaute qui aurait téléchargé des œuvres soumises aux droits d’auteur. Cette collaboration interviendra seulement après un «effort de concertation», a insisté le négociateur. Rappelons quela Courde Justice, dans un autre contexte, mais néanmoins voisin, a interdit tout filtrage des données circulant sur le Web (cf. Nea say). C’est un absolu :la Commissiontient enfin à rassurer les opposants concernant la protection de la vie privée et de la liberté d’expression, il faut respecter les lois des pays et les libertés fondamentales. Un engagement renouvelé parla Commission.

L’opération de communication dela Commissioneuropéenne concernant Acta intervient tardivement, nous l’avons déjà souligné, d’où inévitablement son lot de malentendus qui a généré pour une bonne partie les 2,5 millions de signatures d’une pétition lancée au cours de l’hiver. Si non pour faire taire ces critiques, du moins pour apaiser le climat,la Commissioneuropéenne a saisila Courde justice de l’Union européenne (CJUE), qui doit statuer définitivement sur la légalité du texte. Mais un second rebondissement est intervenu le 27 mars, la commission Commerce international du Parlement européen (INTA)  a décidé de ne pas attendre cette décision de justice et, plus même, de ne pas saisirla Courde justice comme en avait l’intention le rapporteur David Martin (S&D). Les parlementaires souhaitent continuer les discussions sur Acta, afin de maintenir la pression politique sur le négociateur.

La commission du commerce international a désavoué son rapporteur et a rejeté par 21 voix contre, 5 voix pour et 2 abstentions la proposition du rapporteur recommandant que le Parlement soumette dans une saisine séparée de celle dela Commission(et donc des question différentes ou complémentaires) pour vérifier la compatibilité de ACTA avec les droits fondamentaux de l’UE. Pour des raisons différentes, voire opposées, les groupes PPE, S&D, VERTS/ALE, GUE/NGL et ECR a rejeté la saisine, le Groupe ADLE, isolé, votant pour. Pour le S&D l’allemand Bernd Lange a expliqué que son groupe préfère un rejet immédiat  d’un texte qui ne peut soutenir sous sa forme actuelle plutôt qu’un report de la décision en soutenant une saisine dela Courde Justice. Ainsi selon M. Lange Acta pourrait être rejeté avant l’été alors que la décision dela Courserait nécessairement plus longue. Pourla GUE/NGL, l’allemand Helmut Scholz prétend qu’une demande d’avis juridique n’aurait eu plus de sens que s’il était intervenu à un stade antérieur et que le travail exploratoire ne peut pas intervenir : à ses yeux les travaux du Parlement ne peuvent pas être interrompus dans l’attente . Les Verts/ALE se sont abstenues bien que partageant le point de vue du Groupe GUE/NGL : politiquement nous sommes contre la saisine dela Cour, car nous pensons que l’accord doit être rejeté sans retard, a tenu à précisé l’Allemand Jan Philipp Albrecht. Au nom du Groupe ADLE, Niccolo Rinaldi s’est déclaré déçu du rejet d’une saisine qui bien qu’elle n’aurait pas donné une réponse politique aurait permis au Parlement européen d’avoir une clarification juridique sur les préoccupations relatives à la compatibilité de l’accord avec les droits fondamentaux ? Pour le PPE l’allemand Daniel Caspary a expliqué qu’il n’était pas utile de saisirla Courqui l’est déjà parla Commissioneuropéenne et qu’ainsi le Parlement aura plus de flexibilité pour ses débats politiques.

Les travaux vont donc se poursuivre au sein du Parlement européen : David Martin présentera son rapport et son projet de recommandation les 25/26 avril, le vote en commission interviendra les 29 et 30 mai et un vote en plénière entre le 12 et 14 juin .

A l’évidence le débat reste centré sur le respect des droits fondamentaux et non sur l’opportunité d’avoir un traité centré sur la lutte en direction des contrefaçons. Or fait-on remarquer par ailleurs (cf. rapport Yvon Jacob et Serge Guillon à l’Assemblée nationale française)les produits importés ne respectent pas les normes, la concurrence perd de son sens puisque la bataille ne se fait pas à armes égales. Ainsi il a été imposé aux industriels de la chimie, par exemple de nouvelles contrainte, enregistrement, évaluation, interdiction de nouvelles substance qui engendrent des surcoûts pour les fabricants comme le prescrit la directive européenne Reach et les contrôles à l’entrée sont très insuffisants et une incitation à fabriquer ailleurs que dans l’Union européenne. Dans les faits les produits non-conformes entrent facilement. Le marquage CE, censé signifié que le produit respecte les normes européennes est déficient étant purement déclaratif et sans textes de vérification.

      -. Rapport « en finir avec la mondialisation déloyale » (170 pages et 18 recommandations par Yvon Jacob et Serge Guillon) http://www.economie.gouv.fr/files/rapport%20en%20finir%20avec%20la%20mondialisation%20deloyale.pdf

      – . Dossier Acta de Nea say http://www.eu-logos.org/eu-logos-nea-recherche.php?q=acta&Submit=%3E

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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