Editorial de Nea say n° 120 Une véritable Europe des droits de l’homme demande plus de vigilance.

Un enjeu de première importance est imminent : la réforme de la Cour européenne des droits de l’homme .

Une réforme  indispensable, chacun le sait depuis longtemps à commencer par la Cour elle-même. Les droits humains en Europe, et  bien au-delà, ont besoin d’être protégés. Afin de mettre fin à certaines faiblesses qui affectent la protection dont sont censés bénéficier 800 millions de personnes, il sera bientôt demandé aux gouvernements des quarante-sept pays membres du Conseil de l’Europe, gardien international des libertés fondamentales, de se mettre d’accord sur des réformes essentielles  et nécessaires, bien plus, indispensables.

 Nea say s’est fait l’écho de fortes préoccupations (1) suite à des comportements et déclarations du premier ministre du Royaume-Uni qui assure en ce moment la présidence du Conseil de l’Europe. La contribution du Conseil de l’Europe à promouvoir la primauté du droit est inestimable et ceux qui seraient tentés de mettre en cause son importance n’ont qu’à observer les évènements du monde : la brutalité et l’oppression n’appartiennent pas à un passé lointain, l’actualité le prouve. Mais c’est cette même actualité qui prouve aussi l’attrait universel, constant et fort  pour le respect des droits de l’homme.

Le Royaume-Uni inquiète, or, sans rassurer totalement, le ministre de la Justice, Kenneth Clarke, dans une tribune publiée le 9 avril dans le Figaro, expose une approche nouvelle et plus  raisonnable.

Elle part du constat mille fois établi : l’énorme masse de recours en souffrance, des dizaines de milliers d’affaires en attente depuis plus de cinq ans. Il est demandé à la Cour de traiter une masse d’affaires qui dépasse largement ses capacités. Il ne faut pas se le cacher. Mais dans le même temps Kenneth Clarke fait observer que de leurs côtés les Etats membres ne jouent pas leur rôle autant qu’ils le devraient. Kenneth Clarke fait plusieurs recommandations : premièrement ne pas s’accommoder de cette masse d’affaires en souffrance et la traiter à la légère. Cette masse s’accroit à un rythme qu’il qualifie « d’insoutenable ».La publicité faite à ses décisions, leur proximité incontestable avec les problèmes des personnes, au quotidien,  ne vont pas ralentir le rythme d’une croissance déjà soutenu. Les victimes ne peuvent continuer à voir leurs droits fondamentaux (un procès équitable, la liberté d’expression pour ne prendre que deux « petits » exemples) être ainsi bafoués, cela devient insupportable, dores et déjà c’est à une véritable crise existentielle que doit faire face la Cour européenne des droits de l’homme.

Certes la meilleure façon  d’apporter une solution, c’est de s’assurer que les différentes composantes du système remplissent bien leur fonction, une attitude de bon sens mais qui interpelle toutes les parties prenantes, nombreuses et diverses. Le point de départ pour Kenneth Clarke est de réduire le fardeau qui pèse actuellement sur la CEDH et pour cela les gouvernements doivent faire beaucoup plus pour faire appliquer chez eux la Convention en créant des institutions nationales chargée de la bonne application de la Convention et également en faisant adopter des textes de lois qui, à l’image de ce qui se passe dans l’Union européenne transposent la Convention. Les gouvernements  doivent aussi assurer une meilleure formation aux agents publics et aux magistrats une meilleure formation en matière de droits de l’homme.

C’est un préalable indispensable pense le ministre de la Justice, ensuite la Cour sera en meilleure position pour évaluer quelles sont les affaire qui ne méritent pas d’être examinées au niveau de la Cour. Encore faut-il que la Cour ait la possibilité de refuser d’examiner des affaires sur lesquelles les tribunaux nationaux ont déjà statué et cela d’une manière conforme avec la Convention européenne des droits de l’homme.

Une condition essentielle, insiste Kenneth Clarke, doit être préservée lors de cette réforme : le recours individuel doit être préservé, et il appartiendrait toujours à la Cour de décider de l’admissibilité de chaque recours mais la Cour aurait ainsi la possibilité de concentrer son effort (et plus encore ses moyens)  sur les violations les plus grave de la Convention

Des travaux importants sont déjà bien engagés depuis les réunions de Izmir et Interlaken, notamment, la proposition anglaise représente à la fois une avancée et un compromis acceptable,  il reste à en vérifier la faisabilité dans tous les détails. Des obstacles demeurent, mais il est sage de profiter de cet instant pour avancer dans cette direction. C’est la condition pour garantir des protections efficaces parce que praticables et donc au bout du compte, des droits respectés. Une fenêtre d’opportunité vient de s’ouvrir pour un temps limité vraisemblablement. Saisissons cette opportunité.

(1)    « Après l’Union européenne, David Cameron s’attaque à la Cour européenne des droits de l’homme » http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=2367&nea=118&lang=fra&lst=0

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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