Un message fort pour l’Union européenne : protéger ses enfants surtout en période de crise. La crise économique qui sévit depuis quatre ans n’a bien sûr rien amélioré. Les enfants pauvres sont plus nombreux, et encore plus pauvres, y compris dans les pays dit « riches ». Pour l’Unicef qui présentait, mardi 29 mai, un rapport consacré aux enfants pauvres dans les pays industrialisés, « il est évident que l’augmentation du nombre de personnes dans le besoin et la diminution des services sociaux disponibles dues aux mesures d’austérité exercent une forte pression sur les familles ». Et de pronostiquer que « le pire reste à venir ».Dans les 35 pays étudiés, plus de trente millions d’enfants vivent dans la pauvreté. « Pour la seule Union européenne (plus la Norvège et l’Islande), note le rapport, quelque 13 millions d’enfants n’ont pas accès aux éléments de base nécessaires à leur développement. » Pays riche et connaissant la plus forte dépense publique pour ses enfants, la France n’en compte pas moins 10 % d’enfants pauvres.
Le rapport est d’abord une méthodologie permettant de mesurer les privations endurées par les enfants. Elaboré par le Centre international de recherche Innocenti de l’Unicef, basé à Florence en Italie, le rapport propose deux méthodes de calcul de la pauvreté des enfants. D’une part, est recensé le pourcentage d’enfants vivant en dessous du seuil de pauvreté, propre à chaque pays – celui-ci est fixé, dans l’étude, à 50 % du revenu médian. Avec cette mesure relative, on retrouve par exemple les Etats-Unis en deuxième position derrière la Roumanie, avec 23,1 % d’enfants pauvres. Mais cette approche relative insiste surtout sur les inégalités à l’intérieur de chaque pays. Si la Hongrie ou la Slovaquie présentent un taux inférieur d’enfants pauvres au Royaume Uni, à l’Italie ou aux Etats-Unis, « c’est que l’écart entre le revenu médian et les revenus de la plupart des ménages les plus pauvres est moins important », explique l’Unicef. Une autre approche est alors proposée pour analyser la pauvreté des enfants dans les pays « riches ». Pour la première fois, en partant des statistiques de l’Union européenne sur le revenu et les conditions de vie (basé sur 125 000 enfants dans 29 pays européens), l’Unicef a établi un « indice de privation des enfants ».
Quatorze variables ont été définies : trois repas par jour ; au moins un repas avec viande, poulet ou poisson ; fruits et légumes frais tous les jours ; livres appropriés à l’âge et au niveau de connaissances ; équipement de loisir extérieur (roller, bicyclette…) ; activité de loisir régulière (natation, musique, etc.) ; jeux d’intérieur (au moins un par enfant, cubes, jeux de société, informatique…) ; ressources financières pour participer à des voyages scolaires ; endroit calme avec assez d’espace et de lumière pour faire les devoirs ; connexion Internet ; quelques vêtements neufs ; deux paires de chaussures de la pointure appropriée ; possibilité d’inviter parfois des amis à la maison pour manger et jouer ; possibilité de célébrer des occasions spéciales (anniversaire, fête religieuse, etc.).
L’Unicef considère comme « pauvres », les enfants qui sont privés d’accès à deux ou plus de ces variables. Parmi les 14 pays les plus riches, seuls deux ont un taux de privation des enfants supérieurs à 10 % : la France (10,1 %) et l’Italie (13,3 %).
Le rapport montre aussi des facteurs de vulnérabilité souvent identiques d’un pays à l’autre : les enfants vivant dans des familles monoparentales, migrantes ou avec un faible taux d’instruction sont plus menacés par la pauvreté.
La crise économique des quatre dernières années est peu prise en compte dans le rapport, ce qui fait regretter par l’Unicef le manque de données régulières. Mais d’autres études montrent l’impact de cette dernière. L’Unicef Espagne vient ainsi de publier un rapport complet sur cette question : « La infancia en Espana, 2012-2013 » (mai 2012). Pour Paloma Escudero, directrice de l’organisation, « la pauvreté en Espagne a aujourd’hui un visage d’enfant ». Elle a progressé, dit-elle, de 53 % chez les enfants entre 2007 et 2010. Et le nombre d’enfants vulnérables a augmenté de 205 000 ces deux dernières années. Cette pauvreté a un coût potentiel important qui va bien au-delà des statistiques: « Une mauvaise alimentation ou un suivi médical insuffisant à cette étape vitale de l’enfance, ou encore le manque de stimulation scolaire peuvent avoir des conséquences irréversibles qui conditionneront la santé, les capacités, le développement de l’enfant et même son comportement dans sa future vie d’adulte », explique l’UNICEF.
Les conclusions de l’Unicef au niveau international sont identiques. Pour Chris de Neubourg, directeur du département de recherches de l’UNICEF, « il faut que les gouvernements fassent attention à ne pas diminuer les politiques d’aides, de soutien et les allocations à destination des familles et des enfants ». Ce serait, pour l’Unicef, une « erreur coûteuse ».
Le rapport qui compare les performances de 35 pays riches estime que la comparaison entre pays prouve que la pauvreté des enfants n’est pas inévitable. Le rapport va même plus loin : la pauvreté infantile dépend dans une large mesure des politiques menées au sein de chaque pays. Certains pays protègent mieux leurs enfants vulnérables que d’autres. « Le rapport souligne le fait que beaucoup trop d’enfants sont contraints de vivre sans les éléments de base nécessaires à leur développement. Et ceci dans des pays qui ont les moyens de les leur fournir », déclare Alexander Gordon, directeur du centre de recherche de l’UNICEF. Doit-on admettre que ce sont les agendas politiques qui déterminent le taux de pauvreté infantile
Le rapport cherche à déterminer combien d’enfants tombent sous la limite de ce qui est « normal » dans la société dans laquelle ils vivent. Pour ce faire, il compare des pays ayant un niveau économique comparable. Chose étonnante : la pauvreté touche les enfants à des degrés très divers d’un pays à l’autre. Les pays scandinaves et les Pays-Bas sont les meilleurs élèves, avec un taux d’environ un enfant sur 14 vivant dans la pauvreté. À l’autre bout de la courbe, on retrouve la Roumanie et les États-Unis, où un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Le Danemark, la Suède, la Belgique et l’Allemagne ont un niveau comparable de développement économique, mais pas les mêmes taux de pauvreté infantile. Ceci démontre l’impact direct des politiques publiques sur la vie des enfants.
Un message fort pour l’Union européenne : près de 13 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté dans l’Union européenne. Ils sont contraints de vivre sans les éléments de base nécessaires à leur développement. Nous devons protéger les enfants, surtout en période de crise. « Le rapport démontre que certains gouvernements s’attaquent beaucoup mieux que d’autres au problème de la pauvreté des enfants, » ajoute Alexander Gordon. « Les pays qui obtiennent les taux de pauvreté infantile les plus bas, nous apprennent qu’il est possible de s’attaquer à la pauvreté, même en temps de crise économique. » « Avec la crise, nous courons le risque de ne voir les résultats des mauvaises décisions que beaucoup plus tard. Manquer de protéger les enfants contre les suites de la crise économique est l’une des erreurs les plus coûteuses que nous puissions commettre, » conclut-il. Rappelons que le droit des enfants est un élément à part entière de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Nouveaux tableaux de classement de la pauvreté des enfants dans les pays riche . http://docs.jean-jaures.net/NL487/unicef.pdf