Les prisons ne devraient-elles pas être à nouveau à l’ordre du jour de l’Europe. L’avis du contrôleur général français des prisons vient d’être rendu public. Il interpelle tous les membres de l’Union européenne.

Il y a six mois,  Nea say a présenté dans le détail la résolution du Parlement européen consacrée à l’état alarmant des prisons en Europe. Depuis décembre dernier la résolution est restée sans suite. La démarche solennelle  de Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, attire notre attention : il publie un avis au Journal officiel qui tient de la feuille de route et de l’avertissement aux plus hautes autorités administratives, juridiques et politiques. Au terme d’une démonstration détaillée, il conclut qu’une amnistie quasi généralisée et ordonnée serait nécessaire pour les peines légères, la grande majorité d’autant qu’un certain nombre sont exécutées avec beaucoup de retard si elles le sont. La surpopulation règne depuis vingt-cinq ans dans les prisons et elle s’accélère sans que la délinquance ait augmenté, bien au contraire elle a diminué. La ministre déléguée à la Justice a répondu par la négative à l’initiative du contrôleur général des prisons.

La hausse des détenus s’explique d’abord par la sévérité des juges moins laxistes que jamais contrairement à une opinion trop répandue et cela en raison de l’instauration de peines minimales, les fameuses peines planchers,  et de l’accroissement du nombre de longues ou très longues peines. « Si l’on jugeait aujourd’hui  comme il y a quarante ans, relève le contrôleur des prisons, toutes choses égales par ailleurs, environ moitié moins de détenus se trouverait dans les prisons françaises ».La surpopulation carcérale ruine tous les efforts de réinsertion « en faisant de la prison une caricature d’elle-même ». On a cru répondre aux problèmes en construisant des prisons mais en « faisant l’économie de savoir si la prison était efficace » et sans trop se préoccuper de son coût. La politique d’application des peines doit être réfléchie.  Les alternatives à l’incarcération sont en nettes progression : une croissance de 29% entre mai 2011 et mai 2012. Elle repose essentiellement sur le développement du bracelet électronique : 2500 1er janvier 2008, 9500 au 1er mai2012. Mais il ne demeure supportable pur une durée qui ne dépasse quelques mois. En revanche constate Jean-Marie Delarue, le placement extérieur ou la semi-liberté sont moins utilisés tout comme la suspension des peines pour raisons médicales. Que faire ? Jean-Marie Delarue n’est pas hostile aux peines de prisons : l’incarcération reste la conséquence de l’exécution d’une sanction et « le principe de l’exécution des décisions juridictionnelles ne saurait être discuté ». Il s’interroge sans plus sur la nécessité des peines planchers mais surtout il propose une amnistie : pour les courtes peines inexécutées avec une ou plusieurs années de retard, le passif devrait être apuré.

L’ordre de grandeur des peines amnistiables vise les peines de quatre à six mois, les délits mineurs et en France 2% des  67000 détenus effectuent de longues peines, la durée moyenne est de 10 mois. La loi de 2005 sur les peines planchers a envoyé en prison, par exemple, des délinquants routiers, la volonté de faire exécuter les 100000 peines qui ne l’étaient pas faute de moyens de greffe a conduit à aller chercher des personnes condamnées trois ou quatre ans plus tôt et pour des petits délits pour des peines de deux ou trois mois de prisons. Bien entendu il reviendrait au Parlement de fixer les catégories de peines amnistiables.

A cet égard, il ne faut pas perdre de vue qu’il n’y a pas de lien direct entre l’augmentation de la population carcérale et celle de la délinquance qui , elle, diminue. C’est la loi pénale qui détermine le niveau de la population carcérale, pas la délinquance : l’Observatoire de la délinquance nationale signale que depuis 2002 la délinquance a baissé et il ya 30% de détenus en plus. Est aussi responsable de cette situation le climat sécuritaire qui fait croire que la prison est le seul remède à la délinquance. On a l’impression qu’avec la disparition de la grâce présidentielle avec l’élection du président de la  République c’est l’amnistie qui disparait et qui en soi fait problème ce qui n’était pas le cas dans le passé. Le moment  est venu d’innover profondément en Europe : les esprits murissent : dernier en date le manifeste « pour une peine juste et efficace lancé par des chercheurs et des professionnels de la justice et de la prison. « Nous devons tout d’abord créer en France une véritable peine de probation qui pourra être prononcéeau lieu et place de l’emprisonnement ». Les politiques sécuritaires n’ont pas apporté les résultats escomptés dans un contexte de frénésie législative, 29 lois pénales en dix ans. La probation est entendue par le Conseil de l’Europe comme « l’exécution en milieu ouvert d’une peine ou d’une mesure pénale comportant suivi, conseil et assistance dans le but de réintégrer socialement l’auteur de l’infraction et de contribuer à la sécurité collective ».

 

      -. « Les prisons à l’ordre du jour du Parlement européen : « un état alarmant ». Une résolution qui fera date ». Nea say n° 116 du 17.121.2011 http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=2329&nea=121&lang=fra&lst=0

      -. Texte de l’avis publié au Journal Officiel  du contrôleur général des lieux de privation de liberté http://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2012/06/Avis-public-JO_surpopulation_20120522.pdf

      -. « Pour une peine juste et efficace » texte du Manifeste http://m0.libe.com/pointer/2012/06/13/Manifeste.pdf

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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