Prisons en Europe : il revient à l’UE d’imaginer de nouveaux modes de limitation de la liberté pour les condamnés. Pour une justice de réparation et pas de vengeance

Alors qu’en France l’opinion publique se passionne et se divise comme le gouvernement où le ministre de la justice et le ministre de l’intérieur s’affrontent, il est bon de jeter un regard objectif qui se veut un peu plus apaisant.Le système pénitentiaire est contesté en Europe car il n’aide absolument pas à promouvoir la réintégration des délinquants dans la société. La prison ne réduit pas la délinquance , au contraire il renforce la récidive. Des solutions alternatives à la prison sont vraiment nécessaires. C’est un débat voisin de celui qui a concerné l’abolition  la peine de mort : sa suppression n’a pas fait augmenter la criminalité.

 

 On compte plus de 650.000 personnes en prison dans l’Union européenne, un chiffre impressionnant mais qui reste peu élevé si on le compare aux données relatives à la Fédération de Russie (722.200) ou à l’Ukraine (153.318). Il y a donc plus d’1,8 million de personnes qui purgent une peine de prison dans l’ensemble du continent européen. Au sein de l’Union, les Etats qui comptent le plus de prisonniers sont le Royaume-Uni (97.079), la Pologne (84.103) et l’Espagne (69.702). Le nombre total de personnes incarcérées est donc très grand et indique que quelque chose de fondamental ne va pas dans nos sociétés nos sociétés. Nea say s’est exprimé régulièrement sur ce sujet.

 

Un autre indicateur pertinent est la proportion de détenus au sein de l’ensemble de la population. Le pays de l’Union européenne où cette proportion est la plus forte est la Pologne (220 pour 100.000). Il est suivi par la République tchèque (218) et la Slovaquie (203). A l’autre extrémité, nous trouvons la Finlande (59), la Slovénie (64) et la Suède (70). A titre de comparaison extérieure, la proportion en Chine est de 121 ou de 170 selon la méthode de calcul, tandis que la proportion aux Etats-Unis est effrayante : 730. Ces chiffres aident à comprendre les différentes approches à l’égard de l’incarcération et de la peine. De façon générale, les Etats où la population pénitentiaire est la moins importante ont mis au point des programmes alternatifs, qui tendent à faciliter la réintégration sociale des délinquants.

 

Bien que la sécurité soit une compétence des Etats membres au sein de l’Union européenne, la Commission européenne reconnaît qu’un « manque de confiance en l’effectivité des droits fondamentaux dans les Etats membres lorsque ces derniers mettent en œuvre le droit de l’Union empêcherait le fonctionnement et l’approfondissement des mécanismes de coopération dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice ». Un élément encore plus important, comme le rappelle la Commission dans son Livre Vert sur l’application de la législation de l’UE en matière de justice pénale dans le domaine de la détention (2011), c’est l’arrêt de la Cour des Droits de l’homme selon lequel « des conditions de détention inacceptables peuvent constituer une violation de l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’homme ». Si vous voulez emprisonner, alors construisez des prisons décentes, ce que les Etats ne peuvent faire sans malmener le budget de la Justice comme en France (cf. le rapport de la CEPEJ)

 

 Un point frappe les observateurs de façon unanime, c’est la conviction – appuyée par des données très complètes – de la faible utilité de la prison comme moyen de réhabilitation et de réintégration des délinquants. Les données disponibles montrent que plus de 60% des prisonniers récidivent. L’incarcération est assurément un mode de châtiment, mais qui n’est pas capable de favoriser un changement personnel. La réalité de la stigmatisation sociale, le manque de ressources appropriées pour les programmes ainsi que la surpopulation carcérale sont tous des éléments qui rendent la réhabilitation plus difficile. L’effet négatif est évident : les personnes qui font de la prison – et tout particulièrement les jeunes adultes – ont davantage tendance à orienter leur vie vers la criminalité après une incarcération. Un élément tout aussi important, c’est que si les personnes quittent la prison pour retourner dans leur milieu social précédent, sans avoir aucun accès à l’emploi, leurs chances d’amendement sont minces. Seuls les pays qui ont mis au point des systèmes alternatifs axés sur l’éducation, les compétences professionnelles et l’intégration familiale et communautaire ont rendu les prisons moins nécessaires.

 

Autre constat unanime il n’existe pas de corrélation  entre les taux d’incarcération et la sécurité en matière de criminalité. D’ailleurs, de faibles taux d’incarcération ne rendent pas un pays moins sûr. Ainsi, Tapio Lappi-Seppälä, l’Institut National finlandais de Recherche des Politiques Juridiques, a montré que l’élaboration de programmes alternatifs a énormément réduit le nombre de prisonniers tout en n’ayant aucun impact sur les statistiques criminelles.

 

 

      -. Rapport annuel du Centre international d’Etudes pénitentiaires http://www.prisonstudies.org/images/annual_reports/icpsannualreport2006.pdf

 

      -. Livre vert de la Commission européenne sur la détention (FR) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2011:0327:FIN:FR:PDF

(EN) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2011:0327:FIN:EN:PDF

 

      -. Dossier Nea say sur la détention et les prisons http://www.eu-logos.org/eu-logos-nea-recherche.php?q=prison&Submit=%3E

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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