Suisse : il y a vingt ans la Suisse tournait le dos à l’Europe et l’Espace Economique Européen (EEE). Un anniversaire rappelé par le journal le TEMPS. Un renouveau d’actualité donné par le Royaume-Uni ?

L’excellent journal suisse le Temps vient de rappeler un anniversaire complètement perdu de vue : il rappelle le contexte  et l’histoire des négociations, une histoire qui vient d’être écrite par l’ambassadeur Philippe G Nell (1), alors jeune diplomate et collaborateur du secrétaire d’Etat et négociateur Franz Blankart. Cette histoire est celle d’une méprise et d’un gâchis, résume-t-il.

Le malentendu est né d’abord autour du discours du président de la Commission européenne, Jacques Delors. Au début de l’année 1989, année de la chute du Mur, la Communauté européenne était confrontée au choix entre l’élargissement à de nouveaux membres ou l’approfondissement de sa propre intégration et c’est alors que Jacques Delors prononça son discours du 1er janvier 1989 qui surprit les sept pays membres de l’Association européenne de libre échange (AELE) et en particulier la Suisse en leur proposant un contrat d’association à la CE et l’accès au Marché intérieur qui allait être ,avec l’UEM, la grande œuvre de son passage à la Commission européenne. Il leur a fait miroiter, disent les suisses, une participation « dans les organes communs de décision et de gestion ».

Pour la Suisse qui ne pouvait envisager d’adhérer à la Communauté en raison de son statut de neutralité et de démocratie directe, la proposition de Jacques Delors la confortait dans sa recherche d’une solution alternative. Si les membres de l’AELE se mirent d’accord très vite sur la reprise du droit communautaire, la question du droit de regard sur l’évolution de l’acquis, la codécision, constitua rapidement, et durant toutes les négociations, le point de crispation essentiel, d’abord entre la Suisse et les autres membres de l’AELE, puis entre Berne et Bruxelles. Le Conseil fédéral suisse prit conscience qu’i l n’obtiendrait aucun droit de regard sur l’évolution du droit européen. Il finit par reconnaître que l’EEE ne pouvait être, au mieux, qu’une phase de transition en attendant l’adhésion, « un camp d’entrainement dira un  conseiller fédéral ».

Au fil des mois le Conseil fédéral commença à se faire à l’idée qu’il n’obtiendrait pas un droit de regard sur l’évolution de l’acquis communautaire que l’EEE allait devoir reprendre. L’hypothèse de nouvelles adhésions précipita le mouvement chez les membres de l’AELE et, complication suprême pour la Suisse, chez des pays neutres : l’Autriche avait déjà déposé sa demande en juillet 1989, la Suède suivit à l’automne 1990 et la Finlande en mars 1992. La rupture pour la Suisse,qui intervint fin1992, était devenue inévitable.

Aujourd’hui la Suisse est toujours et à nouveau confrontée à celui de la création d’une structure d’institutions destinées à gérer et surveiller les 120 accords  bilatéraux qui lient la Suisse et l’Union européenne pour qui une telle situation est inacceptable parce que très difficilement gérable et l’agacement ne fait que croître du côté de l’UE. La Suisse reste donc confrontée au même casse-tête : comment aménager ses relations avec l’UE pour conserver à la fois sa souveraineté et son accès au grand marché. Alors, parfois, certains rêvent d’un nouvel EEE. Mais, disent les suisses, qui donc peut encore avoir envie d’un EEE réduit à la Norvège et au Liechtenstein ? Ils semblent oublier, un peu rapidement, que le désir, de plus en plus fortement exprimé par  les ressortissants du Royaume-Uni de sortir de l’UE, pourrait redonner de la consistance à cette éventualité.

(1) « Suisse- Communauté européenne : au cœur des négociations sur l’espace économique européenne » Editions Economica et Fondation Jean Monnet. 2012, 420 pages

      -. Le Temps : « l’EEE, histoire de méprise et de gâchis » http://www.letemps.ch/Page/Uuid/e0afa0a6-3b18-11e2-bf49-bdbf1306cabf/LEEE_histoire_de_méprise_et_de_gâchis

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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