Hongrie : le Parlement modifie la Constitution malgré les critiques européennes.

Lundi 11 mars, le Parlement hongrois a approuvé une nouvelle modification de la Constitution, la quatrième en quatorze mois, qui retire l’essentiel de ses compétences à la Cour constitutionnelle et limite les libertés civiles. L’Union européenne a exprimé ses fortes préoccupations en ce qui concerne le principe de la primauté du droit, le droit de l’UE et les normes du Conseil de l’Europe.

 Le tournant conservateur se poursuit en Hongrie. Le Premier ministre Viktor Orban, lors d’une session parlementaire le 11 mars 2013, a fait adopter une nouvelle modification de la Constitution, malgré les réserves exprimées par l’Union européenne.

 L’amendement controversé est passé sans problème au parlement, où le parti au pouvoir Fidesz détient une majorité des deux tiers. En effet, il a recueilli 265 voix pour, 11 contre et 35 abstentions, venant du parti d’extrême droite Jobbik. Les socialistes, qui représentent le plus grand parti d’opposition, ont boycotté le vote.

L’Union européenne a rapidement réagi à l’annonce : juste après le vote, le président de la Commission Barroso et le secrétaire général du Conseil de l’Europe Jagland ont manifesté leurs « préoccupations en ce qui concerne le principe de primauté du droit, le droit de l’UE et les normes du Conseil de l’Europe », dans un communiqué diffusé à Bruxelles.

Mais de quoi s’agit-il précisément ? Que prévoit-il, cet amendement à la loi fondamentale ?

 La commission libertés civiles (LIBE) du PE s’est occupée plusieurs fois de la question hongroise et pendant la réunion du 7 mars, une discussion sur le « Rapport TAVARES » avait eu lieu dès que le député avait présenté un nouveau document sur la situation des droits fondamentaux et des principes de démocratie en Hongrie.

Ce dernier rapport, le quatrième qui concerne cette question sensible, a été écrit par Rui Tavares (Verts/ALE) avec la collaboration des députés McIntyre (ECR) et Vergiat (GUE/NGL). On peut y lire des éléments sur la proposition visant à modifier la Constitution hongroise, et en particulier les différents articles qui sont concernés par cet amendement.

 La modification approuvée retire à la Cour constitutionnelle une grande partie de ses pouvoirs, en l’empêchant de statuer sur le fond et de se référer à sa jurisprudence d’avant l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution le 1er janvier 2012. Par ailleurs, elle réintroduit plusieurs dispositions annulées par la Cour, en rendant possible le retour des dispositions déjà jugées anticonstitutionnelles, comme une définition restrictive de la famille, la possibilité d’expulser les SDF des lieux publics ou la criminalisation du sans-abrisme.

 Selon les experts, la modification introduit des contradictions qui mettent en péril les contrepoids démocratiques de l’État hongrois. Le texte oblige notamment le président de la République à signer les changements constitutionnels et lui accorde la possibilité d’un veto pour des questions de forme seulement, ce qui est contraire au serment du président Janos Ader, et n’aide pas à préserver le fonctionnement de la démocratie dans le pays.

 Le 1er mars, Orban a nommé l’un de ses fidèles, Gyorgy Matolcsy, à la tête de la Banque centrale – qui était la dernière institution hongroise totalement indépendante – bien que l’UE, la BCE et le FMI aient tenté de l’en dissuader parce qu’ils n’appréciaient pas la politique de « renationalisation » soutenue par le Premier ministre hongrois.

 De plus, ces amendements interdiront à la Cour constitutionnelle d’examiner la constitutionnalité des projets d’amendement à la loi fondamentale.

« Le gouvernement hongrois réintroduit les dispositions transitoires qui avaient été annulées par la Cour constitutionnelle, ce qui pourrait mettre en péril le principe fondamental de l’équilibre des pouvoirs dans une démocratie » a affirmé le secrétaire général du Conseil de l’Europe, en ajoutant qu’« il conviendrait donc de disposer d’un avis de la Commission de Venise ».

Le député Tavares a aussi souligné, pendant la réunion de la commission LIBE, que le temps a manqué pour analyser la question du quatrième amendement de manière approfondie avant son adoption par le Parlement hongrois, mais il a assuré que la question serait encore une fois débattue en commission et au sein du Conseil de l’Europe.

 Parallèlement, le Président du PE, Martin Schultz, s’est prononcé sur la question de l’amendement à la suite d’un entretien téléphonique avec le Premier ministre Orban. « Certains au Parlement européen s’inquiètent des propositions récentes visant à amender la Constitution hongroise. J’ai transmis ce message au Premier ministre de la Hongrie Viktor Orban au cours d’un entretien téléphonique le 8 mars. Il a promis d’envoyer une lettre clarifiant la situation au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, avec qui il s’était entretenu une heure auparavant, et à moi-même » a-t-il dit.

 Lors d’un entretien téléphonique vendredi, le président de la Commission avait déclaré au Premier ministre Orban que son gouvernement et le parlement devraient aborder les préoccupations « en conformité avec les principes démocratiques de l’UE […] Nous espérons que les autorités hongroises noueront des contacts bilatéraux avec les institutions européennes afin de répondre à toutes questions qui pourraient être soulevées au sujet de la compatibilité de ces modifications avec les principes européens et le droit de l’Union ».

À la suite de ces affirmations, Orban avait envoyé une lettre à Barroso dans laquelle il avait promis que la Hongrie se conformerait aux normes et aux règles de l’Union européenne, sans fournir plus de détails.

 Selon un communiqué du ministre hongrois des affaires étrangères, Janos Martonyi, Orban a confirmé le plein engagement du gouvernement hongrois vis-à-vis des normes et des règles de l’UE : cet engagement « se reflète et se reflétera au cours de la procédure d’adoption des modifications de la loi fondamentale ».

Monsieur Schultz avait remarqué que les autorités hongroises avaient promis l’année dernière de n’apporter aucun changement juridique qui serait incompatible avec la législation de l’UE et que l’on aurait dû attendre un avis de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe avant que le Parlement hongrois ne vote ces amendements.

 Par ailleurs, pendant sa visite à Bruxelles, Orban a expliqué devant la presse internationale que ces changements avaient déjà été anticipés il y a un an et que tout ce que faisait la Hongrie était en accord avec les principes de l’UE. Il a par ailleurs assuré que près de 95 % de ce qui avait été adopté avait déjà fait l’objet d’une analyse de la part de l’UE.

« Je ne peux donc pas accepter les critiques maintenant. […] Nous avons parlé de ces amendements pendant trois semaines et c’est trois jours avant le vote que l’on nous demande de ne pas voter !»

 Quoi qu’il en soit, la porte-parole de la Commission européenne a annoncé qu’ils « n’hésiteront pas à avoir recours à tous les instruments juridiques à leur disposition […] si les changements constitutionnels devaient porter attente au droit communautaire ». La Commission pourrait, par exemple, suspendre à Bruxelles le droit de vote d’un de ses pays membres ; en plus, elle pourrait infliger des sanctions financières alors que l’économie hongroise, qui est entrée l’an dernier en récession, a plus que jamais besoin d’aide.

 Comme la Hongrie a déjà voté en faveur de la modification de la Charte constitutionnelle, il ne nous reste plus qu’à attendre la suite des événements et, bien sûr, aussi les prochains rapports de la Commission et du Conseil de l’Europe qui clarifieront les intentions européennes futures.

 

Maria Amoroso

 

Pour en savoir plus :

 

–            Committee on Civil Liberties, Justice and Home Affairs

         (EN)http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/dv/wd_tavares_/wd_ tavares_en.pdf

 –          Press release

 (EN) Statement by European Commission President and Council of Europe Secretary General on Hungarian Parliament vote on 4th amendment to Constitution

 http://hub.coe.int/en/web/coe-portal/press/newsroom?p_p_id=newsroom&_newsroom_articleId=1370339&_newsroom_groupId=10226&_newsroom_tabs=newsroom-topnews&pager.offset=0

 (FR) Déclaration du président de la Commission européenne et du Secrétaire Général sur l’adoption par le Parlement hongrois du 4e amendement à la loi fondamentale

http://hub.coe.int/fr/web/coe-portal/press/newsroom?p_p_id=newsroom&_newsroom_articleId=1370339&_newsroom_groupId=10226&_newsroom_tabs=newsroom-topnews&pager.offset=0

–            (EN)Secretary General calls upon Hungarian government and parliament to postpone vote on constitutional amendments

http://hub.coe.int/en/web/coe-portal/press/newsroom?p_p_id=newsroom&_newsroom_articleId=1365046&_newsroom_groupId=10226&_newsroom_tabs=newsroom-topnews&pager.offset=0

 (FR) Le Secrétaire Général appelle le gouvernement et le Parlement hongrois à reporter le                     vote sur les amendements constitutionnels http://hub.coe.int/fr/web/coe-portal/press/newsroom?p_p_id=newsroom&_newsroom_articleId=1365046&_newsroom_groupId=10226&_newsroom_tabs=newsroom-topnews&pager.offset=0

  

–            Council of Europe – Venice Commission

 (EN) Opinion on Act CLI of 2011 on the Constitutional Court of Hungary adopted by the Venice Commission at its 91st Plenary Session (Venice, 15-16 June 2012)

http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2012)009-e

 (FR) Avis sur la Loi CLI de 2011 relative à la Cour constitutionnelle de Hongrie adopté par la Commission de Venise lors de sa 91e session plénière (Venise, 15-16 juin 2012)

http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2012)009-f

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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