La sûreté du transport ferroviaire au cœur du débat européen

14 ans après l’attentat au World Trade Center, une réunion entre un groupe d’experts et une rencontre entre les Etats membres a eu lieu à Bruxelles, le 11 septembre dernier, au sujet de la sûreté des transports terrestres face à la menace terroriste. En effet, suite à l’attentat avorté du Thalys du 21 août,  une réunion ministérielle extraordinaire a été organisée en toute urgence à Paris, le 29 août, et les neuf Etats membres y participant ont demandé à la Commission européenne de proposer des mesures opérationnelles en matière de sûreté pour le prochain Conseil Transports. Ce dernier se tiendra le 8 octobre prochain et aura pour thème principal le pilier politique du quatrième paquet ferroviaire. La recherche d’une position commune et européenne en ce qui concerne la sécurité dans les transports terrestres est d’autant plus importante que, contrairement à l’action européenne en matière de sûreté  du transport aérien, il n’existe aucune loi à ce sujet. Il est important dès lors d’analyser ce que les réunions de préparation du prochain conseil ministériel ont proposé en vue d’une prise de position commune et peut-être d’une législation européenne sur la sécurité ferroviaire.

 Le matin du vendredi 11 septembre 2015, une réunion extraordinaire entre experts en sûreté des transports terrestres, le LANDSEC, et les principaux représentants européens du secteur ferroviaire, a été organisée en cette date symbolique, afin de trouver des mesures pour la sécurité dans les gares européennes. Malgré la volonté européenne de réagir de manière forte en matière de coopération transfrontalière contre le terrorisme et pour la sécurité ferroviaire comme l’ont demandé la Belgique, l’Allemagne, la France, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Espagne, le Royaume-Uni et la Suisse le 29 août,  seules des mesures mineures on été évoquées lors de la réunion matinale du 11 septembre.

En effet, les participants à cette réunion, suite à un échange de points de vue, ont simplement évoqué des mesures mineures déjà existantes, comme par exemple la mise en place, dans les gares, de poubelles transparentes afin de pouvoir voir leur contenu ou la formation de « profilers » capables de détecter, parmi les voyageurs, les personnes ayant des attitudes suspectes. Mais lors de cette réunion, les experts ont surtout mis l’accent sur la nécessité que les compagnies ferroviaires établissent un plan de sécurité dans les gares ce qui exclut l’extension du PNR dans le secteur des transports terrestres ou la modification du pilier politique du quatrième paquet ferroviaire. La mise en œuvre de plans de sûreté adaptés aux risques est donc préférée.

Mais la position des Etats membres, réunis l’après-midi du 11 septembre, est différente par rapport à Landsec. Ils privilégient  l’adoption d’une soft law : non règlementaire et flexible. La Commission européenne est appelée à créer des lignes directrices du cadre de sûreté dans le domaine des transports ferroviaires tandis que ce sera à chaque Etat à devoir définir le contenu d’un plan de sûreté nationale. Malgré cela, les Etats membres ont suivi l’avis des experts afin de laisser les compagnies ferroviaires créer des plans en fonction de la situation des lignes ferroviaires, ce qui comporterait notamment la formation du personnel ferroviaire face à des situations de danger ou l’installation de systèmes de vidéosurveillance.

L’engagement dans ce domaine des Etats membres et des experts européens semble alors faible et privilégie plutôt la voie nationale. Mais lors de la réunion de Paris du 29 août à laquelle ont participé les Ministres des affaires intérieures et les Ministres des transports de 9 pays (Belgique, Allemagne, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne, Royaume-Uni et Suisse) et Dimitris Avramopoulos, Commissaire européen pour la Migration, les Affaires intérieures et la Citoyenneté, et Violeta Bulc, Commissaire européenne aux Transports, les positions étaient différentes.

Les objectifs de cette réunion extraordinaire étaient, en effet, de trouver des mesures transnationales et européennes pour la lutte contre la menace terrorisme dans le secteur du transport ferroviaire. Selon Dimitris Avramopoulos « l’attaque dans le Thalys a confirmé que nous devons lutter résolument contre les actes criminels et terroristes qui mettent en danger notre sécurité, nos valeurs, nos libertés. Le terrorisme ne connaît pas de frontières. Nous devons agir ensemble en renforçant la coopération transnationale et européenne. C’est le moment de montrer notre détermination en mettant pleinement en œuvre les dispositions et les actions prévues par l’Agenda Européen sur la Sécurité ».

La volonté de créer une politique de sûreté commune est donc claire et cela est renforcé par la déclaration prononcée le même jour après la réunion par le Ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve qui affirme la volonté européenne de « poursuivre la coopération avec l’ensemble des acteurs de la sécurité et des transports afin de prévenir, détecter et mieux lutter contre les actions violentes que des individus radicalisés pourraient vouloir commettre sur le sol de l’Union européenne». Tout en condamnant les attaques terroristes et la violence dont ont été victimes les passagers du Thalys, le 21 août, la réunion  européenne organisée à Paris a mis l’accent sur le renforcement de plusieurs mesures dans le domaine de la sûreté des transports ferroviaires. Ces mesures comprennent notamment :

  • Le contrôle de l’identité des passagers ainsi que le contrôle des bagages
  • Le renforcement de la sécurité notamment par le biais de « patrouilles mixtes, composées d’agents des forces de l’ordre de plusieurs pays sur le parcours des trains internationaux »
  • La création de billets nominatifs pour les trains internationaux
  • La possibilité pour les agents de police ferroviaire de consulter la base de données lors des missions dans les transports
  • Le renforcement des services douaniers et de la cybersécurité

Les ministres réunis à Paris ont voulu lancer un message claire : l’action européenne est nécessaire. C’est pour cela qu’ils ont invité la Commission « à considérer les options envisageables pour une coopération plus grande et concrète entre les Etats-membres, ainsi qu’une étude d’impact visant à analyser l’intérêt d’une éventuelle initiative dédiée spécifiquement à la sûreté dans le transport ferroviaire, ce qui peut être fait avec le soutien du groupe d’experts LANDSEC. » et ont lancé un appel pour une meilleure utilisation des « ressources des agences européennes judiciaires et policières (telles qu’Europol, Eurojust et Frontex) ».

La politique européenne sur la sûreté des transports terrestres est donc à ses débuts et il faudra attendre le 8 octobre pour voir si une législation européenne en la matière se profilera à l’horizon dans l’Union Européenne.

Emilie Gronelli

 

 -. Déclaration de Paris du 29 août 2015 :http://www.interieur.gouv.fr/Actualites/L-actu-du-Ministere/Declaration-de-Paris-du-29-aout-2015

-.  Article de EULogos sur le PNRhttp://europe-liberte-securite-justice.org/2015/09/08/pnr-un-premier-feu-vert-donne-par-le-parlement-europeen-un-compromis-entre-securite-et-droit-a-la-vie-privee-des-nouvelles-pressions-pour-ladoption-du-dossier-apres-lattaque-du/

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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