Lors de la session plénière du Parlement Européen du 22 mai 2013, les députés ont abordé avec le Commissaire Füle le problème de la restitution des avoirs aux pays du printemps arabes encore gelés.

Lors de la session plénière du Parlement Européen du 22 mai 2013, les députés ont abordé avec le Commissaire Füle le problème de la restitution des avoirs aux pays du printemps arabes encore gelés jusqu’à aujourd’hui. Le processus semble mal engagé tant il semble lourd et complexe sans que l’Union Européenne ne puisse intervenir concrètement. Pourtant, il y a urgence à agir pour soutenir les démocraties naissantes dans ces pays sans cesse fragilisées.Suite au débat sur les réfugiés syriens, le Parlement a pu aborder un sujet différent mais relativement proche : le recouvrement des avoirs, placés à l’étranger par les anciens régimes autoritaires, par les pays du printemps arabe (Tunisie, Egypte et Libye).

 Pour le commissaire Füle, en charge de la politique de voisinage, le retour des avoirs est d’importance politique pour ces pays mais la compétence européenne est limitée dans cette matière. Des actions ont été entreprises : modification de la législation européenne sur les sanctions pour faciliter la transmission des informations, formation des tunisiens pour le recouvrement avoirs, etc…

Malheureusement, malgré les efforts, le recouvrement est difficile étant donné que la propriété de tels avoirs reste obscure. Ce sont les Etats Membres et les pays du printemps arabes qui doivent régler cette question, l’UE ayant seulement un rôle de facilitatrice dans la limite de ses compétences.

Les critiques des parlementaires furent ici moins rudes que sur le cas des réfugiés syriens puisque, comme nous l’avons souligné, les compétences de l’Union sont limitées en la matière. Néanmoins, Mme Gomes (S&D) et Mme Durant (Verts) ont dénoncé le manque de volontarisme des instances européennes quant au recouvrement des avoirs. Selon Mme Durant, il faut un audit de la dette odieuse de ces pays c’est-à-dire l’argent emprunté pour intérêt personnel, achat d’armes, etc… piloté par le Service d’Action Extérieure. Mme Joly (Verts) a proposé que cette « dette odieuse » soit convertie en aide au développement par les créanciers.

D’autres critiques sont intervenues par la suite : pour M. Meyer (GUE), l’Union a même joué un rôle négatif en soutenant les anciens régimes dans ces pays notamment par le biais d’accords d’associations.

A contrario, quelques députés ont souhaité mettre en doute la capacité des pays du printemps arabes à absorber les éventuels retours d’avoirs voir même si ceux-ci allaient vraiment bénéficier aux citoyens.

Au-delà de ces quelques critiques, les députés européens ont souhaité pointer l’action des Etats membres en la matière jugée très insuffisante. Le recouvrement des avoirs est d’une importance capitale pour ces pays : c’est non seulement une obligation morale mais surtout une mesure « de justice et de dignité » a dit M. Dan Preda (PPE). En outre, cela est nécessaire pour leur développement économique.

Or, le processus est lent principalement du fait de l’absence de négociations concrètes entre Etats membres abritant des avoirs et pays titulaires. Certains parlementaires ont demandé que cela se fasse de façon coordonnée au niveau européen. Pour cela, un mécanisme européen d’assistance technique et juridique aux pays du printemps arabe pour le recouvrement des avoirs a été proposé notamment par M. Arlacchi (S&D). C’est d’ailleurs le sens d’une résolution socialiste. Une mesure que Mme Gabriel (PPE) a soutenue.

Quoiqu’il en soit, il y a urgence à intervenir pour les citoyens de ces pays. Comme l’a affirmé M. Vajgl (ALDE), ces avoirs sont sur des comptes soumis à la spéculation et gérés par des multinationales. Il y a donc le danger que ces pays ne voient revenir leurs avoirs que des années plus tard comme ce fut le cas pour les Philippines.

Et cela risque d’être particulièrement dommageable pour ces pays qui ont un besoin important en infrastructures pour assurer leur développement économique. L’Union Européenne ne peut certes pas faire grand-chose pour le recouvrement des avoirs, d’autant plus que des procédures judiciaires sont en cours. Mais elle a la capacité de compenser ce manque par le biais d’accords ou d’aide au développement. Cela a déjà été entrepris avec certains pays comme nous l’avions abordé dans un précédent article sur la politique migratoire de l’Union et le printemps arabe.

 En effet, lors de l’Assemblée Parlementaire Euromed par exemple, le Parlement a fortement insisté lors de sa réunion du 11 et 12 avril 2013 sur le renforcement des relations économiques entre les deux rives de la Méditerranée, notamment dans le domaine de l’énergie. De même, la Commission Européenne a fait part du fait qu’elle souhaitait développer son approche « plus pour plus » dans ses accords avec les pays du printemps arabe, ce qu’elle a fait vis-à-vis de la Tunisie. Dans la même lignée, elle a aussi augmenté les fonds alloués dans ces accords pour favoriser le développement de ces démocraties naissantes.

L’Union agit mais doit maintenir ses efforts en termes de financement et de recouvrement des avoirs sans toutefois compromettre le travail de la justice. L’Union doit soutenir ces démocraties naissantes en proie aux tensions et au doute. Comme l’a rappelé Elmar Brok à l’ouverture d’une conférence de haut niveau sur la transition démocratique dans les pays voisins du Sud de l’UE le 8 mai 2013, le processus démocratique est en cours mais rien n’est acquis. La menace islamiste pèse toujours et peut encore faire basculer le processus démocratique. L’Union doit s’en prémunir si elle ne veut pas se retrouver dans une situation difficile qui risquerait alors de fortement compliquer ses relations avec ces pays, pourtant d’une nécessité croissante pour l’Union.

  

Jerôme Gerbaud

 

 

 

En savoir plus :

  

–            Résolution commune B7-0188/2013 du Parlement Européen sur le recouvrement des avoirs par les pays du printemps arabe en transition

(FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=MOTION&reference=P7-RC-2013-0188&language=FR

 –          Article d’EU Logos « Le Printemps arabe ou la mise à l’épreuve de la politique extérieure européenne »

(FR) http://europe-liberte-securite-justice.org/2013/05/23/le-printemps-arabe-ou-la-mise-a-lepreuve-de-la-politique-exterieure-europeenne/#more-6952

 –            Compte rendu de la réunion de l’Assemblée Parlementaire Euromed du 11 et 12 avril 2013

(FR)http://www.europarl.europa.eu/news/fr/pressroom/content/20130408IPR07109/html/L%27Assembl%C3%A9e-parlementaire-de-l%27Union-pour-la-M%C3%A9diterran%C3%A9e-se-r%C3%A9unit-%C3%A0-Bruxelles#menunavigation

 –          Le plan d’action pour l’accord d’association UE/Tunisie

(EN) http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/action_plans/tunisia_enp_ap_final_en.pdf

 –                  Communiqué de presse du Parlement « Comprendre l’islam politique : le passage à la démocratie nécessité du temps ».(FR) http://www.europarl.europa.eu/news/fr/pressroom/content/20130506IPR08020/html/Comprendre-l%27islam-politique-le-passage-%C3%A0-la-d%C3%A9mocratie-n%C3%A9cessite-du-temps#menunavigation

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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