Visas : accords de facilitation pour le Cap Vert et l’Arménie. Des acquis (Cap Vert) et des incertitudes (Arménie).

Ce 9 juillet, en commission LIBE, les accords pour une facilitation en matière de visa et la réadmission des personnes en séjour irrégulier avec la République du Cap-vert sont parvenus à leur terme avec l’aval obtenu du Parlement européen. D’autre part, a été discuté l’opportunité d’un accord portant sur des dispositions semblables avec la République d’Arménie : aubaine qui permet de revenir sur les principes phares de cet accord et les positions des différents groupes politiques et de la Commission à ce sujet.

 Tout d’abord, rappelons que deux accords ont été récemment conclus avec la République du Cap-Vert :

–      l’un portant sur la facilitation de délivrance de visas court séjour datant du 25 septembre 2012

 –      l’autre portant sur la réadmission des personnes en séjour irrégulier du 22 janvier 2013

 EU-logos avait déjà par un article repris les principales dispositions de ces accords, soulignons simplement que les deux propositions de résolution législative du Parlement européen, d’une part donnant leur approbation à la conclusion de l’accord, et d’autre part faisant état du souhait d’une information et implication régulière du Parlement européen dans l’état des négociations ont été soumis au vote de la commission LIBE. Le 9 juillet dernier ont donc été adoptés en commission LIBE les deux propositions de résolution à respectivement 42 et 36 voix pour face à 1 et 7 voix contre, le tout sans abstention. Le 11 septembre prochain aura lieu le vote en plénière.

Ensuite, lors de la Commission LIBE du 9 juillet 2013, une discussion autour des deux rapports d’Edit Bauer concernant l’un la facilitation des visas, pour l’autre la réadmission des personnes en séjour irrégulier avec la République d’Arménie a eu lieu.

  Avant de s’attarder sur les réactions des différents parlementaires quand à de tels accords, reprenons le fond même des dispositions telles que développées par Edit Bauer (PPE).

Concernant les visas, l’accord a été signé le 17 décembre 2012 et n’attend plus aujourd’hui que l’approbation du Parlement européen. Rappelons que traiter avec un pays tel que l’Arménie a une large portée symbolique : ce pays fait parti des membres du partenariat oriental, volet de la politique européenne de voisinage qui vise à accélérer l’intégration économique et politique entre respectivement l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine. Ce partenariat met fortement l’accent sur les contacts « de population à population », l’on comprend alors pourquoi la libéralisation des visas prend dans ce cadre tout son sens. Pour l’instant, seule la Georgie dans les membres du partenariat oriental a conclut un accord portant sur les visas.

  L’accord UE-Arménie visant à une facilitation des visas prévoit des procédures plus rapides (10 jours pour rendre une décision, 2 jours maximum pour les cas urgents), moins chères (35 euros pour le traitement de la demande de visa), moins bureaucratiques (document simplifiés mis en place pour justifier l’objet du voyage pour des catégories de personnes telles que des parents proches, des membres de délégations officielles, les étudiants, hommes d’affaires ou scientifiques) et enfin des procédures prévoyant des conditions simplifiées pour les visas à entrées multiples.

  Edit Bauer affirme que la République d’Arménie satisfait les conditions quant à un tel accord, d’ailleurs la gouvernement arménien a aboli l’obligation de visas pour les citoyens de l’Union depuis le 10 janvier 2013.

 Quant à ce qui concerne les dispositions relatives à la réadmission, dès 1999 un accord entre la République d’Arménie et l’UE prévoyait en son article 72 un ensemble d’éléments portant sur l’immigration illégale. Il s’agissait de « coopérer pour prévenir et contrôler l’immigration illégale, réadmettre chacun de leurs ressortissants qui seraient présents illégalement sur le territoire de l’autre partie ». Dans la même lignée, le 19 avril 2013 a été signé l’accord de réadmission entre l’UE et la République d’Arménie. Son apport consiste en une pleine réciprocité des procédures rapides et efficaces d’identification et de rapatriement en toute sécurité et en bon ordre des personnes en séjour irrégulier.

  La rapporteure pour les deux accords estime la République d’Arménie comme étant prête et invite dans l’un et l’autre rapport la Commission à surveiller la mise en œuvre des accords, à réaliser un effort dans le même sens avec l’Azerbaïdjan et enfin à mettre en œuvre les recommandations du Parlement européen.

 Après cette piqûre de rappel, il est intéressant de s’attarder maintenant sur les réactions des différents parlementaires. Sylvie Guillaume (S&D) s’exprime la première sur la question. Pour elle, cet accord s’inscrit dans la continuité du projet « Initiative ciblée pour l’Arménie » qui concerne le renforcement des « capacités de gestion de l’Arménie en matière de migrations, avec un accent particulier sur les activités de retour et de réinsertion » et du partenariat pour la mobilité signé en 2011. Elle accorde son soutien à ce qui relève de la libéralisation des visas, élément clé afin de maintenir des liens privilégiés avec l’Arménie et plus globalement avec les partenaires orientaux. Cependant, elle s’oppose à un accord de réadmission en préconisant la prudence : facilitations en termes de visas et réadmission des personnes en séjour irrégulier sont deux choses différentes. Avant même de parler d’un accord en matière de réadmission il est nécessaire de s’assurer de la garantie de non refoulement. Sylvie Guillaume termine par un rappel à l’ordre de la Commission : à propos de l’accord de réadmission signé avec le Pakistan le 21 septembre 2010, il était prévu que la Commission fasse rapport au Parleent européen tous les six mois, ce qui n’a malheureusement pas été fait.

 Ensuite Tatjana Zdanoka (Verts/ALE) émet au nom de son groupe quelques réserves concernant la conclusion d’accords de réadmission avec des Etats  qui comprennent des régions dont le statut est incertain (cas de l’Arménie avec l’Abkhazie). De même, ils s’allient là encore avec la position du S&D quant à l’aval sur la question des facilitations de visas. Cependant elle invite, compte tenu de la sensibilité de la situation avec l’Azerbaïdjan à ce que la facilitation de visas avec l’Arménie n’entre en vigueur qu’en même temps que celle prévue avec l’Azerbaïdjan. De cette façon, l’UE soigne ses relations avec l’ensemble des partenaires orientaux.

 Enfin, Stanimit Ilchev (ALDE) offre, lui, son soutien aux deux dossiers prêchant l’idée que cela rendra l’UE d’autant plus pertinente pour exiger des réformes par la suite. Aucune hésitation n’a selon lui sa place compte tenu du fait que l’Arménie s’est déjà engagée sur la voie de réformes. Cela encouragera, de plus, les voisins de l’Arménie à s’engager sur la voie de tels accords.

 Après l’intervention des parlementaires, c’est à la Commission que la parole est donnée : pour elle, pas question de séparer la question de la réadmission et celle du visa compte tenu du fait que les deux domaines vont de pair : ainsi, la mobilité va permettre de diminuer l’immigration illégale. Attention cependant, de tels accords de réadmission ne doivent en aucun cas porter préjudice à la protection des droits de l’Homme et à l’asile. C’est en ce sens que la Commisison publiait en 2011 (COM(2011)76 final) une communication dans laquelle elle insistait sur la nécessaire protection des droits fondamentaux dans les accords de réadmission. D’ailleurs, on trouve à l’article 2 de l’accord de réadmission entre l’Arménie et l’UE une référence explicite aux droits de l’Homme : l’accent sera par exemple mis sur les retours volontaires. La Commission n’exclut pas l’utilisation de la clause de suspension si un accord de réadmission venait à violer les droits de l’Homme de manière prolongée. Cependant, cette clause lui apparaît comme superficielle concernant la République d’Arménie, celle-ci étant partie à de nombreuses conventions internationales.

  Louise Ringuet

 Pour en savoir plus :

 – Proposition de Décision du Conseil relative à la conclusion de l’accord entre l’UE et la République du Cap-Vert visant à faciliter la délivrance de visas de court séjour aux citoyens de la République du Cap-Vert et de l’UE, COM(2012) 560 final, 25 septembre 2012 :

 

(FR)   http://www.europarl.europa.eu/registre/docs_autres_institutions/commission_europeenne/com/2012/0560/COM_COM(2012)0560_FR.pdf (EN) : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2012:0560:FIN:EN:PDF

 – Fiche de procédure – Accord UE/Cap Vert-facilitation de la délivrance de visas de court-séjour : (FR) http://www.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?reference=2012/0271(NLE)&l=FR (EN) http://www.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?reference=2012/0271(NLE)&l=EN

– Décision du Conseil relative à la signature, au nom de l’UE, de l’accord entre l’UE et la République du Cap-Vert concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier, 22 janvier 2013 : http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/12/st14/st14544.fr12.pdf

 – EU-logos, Nea Say n°132, « Les accords UE-Cap Vert devant le Parlement européen » : http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=2761&nea=132&lang=fra&lst=0

– Initiative ciblée pour l’Arménie : http://www.ambafrance-am.org/L-OFII-selectionne-par-l-Union

 – Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, Evaluation des accords de réadmission conclus par l’UE – 23 février 2011 :

(FR) : http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-is-new/news/pdf/comm_pdf_com_2011_0076_f_communication_fr.pdf  (EN) : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2011:0076:FIN:EN:PDF

 – Proposition de décision du Conseil relative à la signature de l’accord entre l’UE et la République d’Arménie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier :

(FR) : http://www.assemblee-nationale.fr/europe/pdf/doc_e/e7972.pdf (EN) : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2012:0703:FIN:EN:PDF

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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