Parquet européen : « Plus aucune tolérance envers la fraude financière ». La Commission présente la proposition d’un Parquet Européen

« Un événement de portée historique », a commenté  la presse  lors de la présentation du projet d’un Procureur Européen. Et Mme Reding s’est dite d’accord, « pour une fois ». Peu d’événements dans le secteur ELSJ ont connu une telle attention de la part des médias, comme la création d’un Parquet Européen (EPPO). Après plusieurs renvois, le dernier datant du 2 juillet dernier, la Commissaire à la Justice, aux Droits Fondamentaux et à la Citoyenneté a finalement présenté la proposition de règlement en conférence de presse le 17 juillet dernier. Les traits du nouveau dispositif qui poursuivra pénalement les fraudeurs du budget européen, s’insèrent dans la droite ligne des révélations du Berlaymont au cours mois de juin.

 Ayant fait l’objet en 2001 d’un Livre Vert de la Commission, le Parquet Européen commence finalement à prendre corps quelques douze ans après. La raison d’être de cette agence a été bien expliquée par Mme Reding : «  le budget européen est un budget fédéral, si nous ne le protégeons pas, personne ne le fera ! ». Les ressources européennes perdues chaque année à cause des fraudes financières s’élèvent à quelques 500 millions d’euros, les estimations étant faites de façon approximative. Au cours des années, les Etats Membres ont très peu réagi ou très lentement, faute d’un cadre commun de poursuite pénale : ainsi, de tous les cas présentés, seuls  42% d’entre eux ont débouché aujourd’hui sur une condamnation. Peut-être la crise économique a contribué à rallier les efforts pour lutter contre les usages criminels des fonds européens au titre de la PAC ou des fonds régionaux. Quoi qu’il en soit, les résistances de certains Etats Membres ne semblent plus un obstacle insurmontable et Mme Reding s’est dite confiante en la réussite de la proposition.

 Malgré son nom,  EPPO ne peut cependant pas être assimilé à un procureur national, les Etats Membres jouant un rôle crucial dans le projet de la Commission. Le Procureur Européen proprement dit sera désigné par une décision du Conseil, avec l’approbation du Parlement, et sera « indépendant », du moins sur le papier. Il sera en effet assisté par quatre procureurs adjoints, lesquels composeront le bureau central. A côté de cette micro-structure nucléaire, EPPO s’appuiera sur des délégués nationaux à la double casquette de délégué et de procureur national. Ce sera à eux de mener les investigations sur le terrain, le but étant de disposer de personnes qui connaissent déjà les système pénaux nationaux. En plus, une telle structure – a souligné Mme Reding – permettrait de réduire les coûts à (presque) zéro. D’autant plus que le personnel administratif sera celui de l’OLAF, Eurojust fournissant déjà son siège et ses départements des ressources humaines et de l’information.

 Quant aux compétences, le Parquet aura la compétence exclusive en matière de fraude contre les intérêts financiers de l’Union. Il pourra donc déclencher des investigations, tout en laissant les aspect opérationnels aux délégués nationaux. Ces derniers pourront d’ailleurs décider d’entamer des investigations, pourvu que le Procureur Européen ait donné son aval. Les règles d’attribution des compétences matérielles feront l’objet des décisions du Procureur et de ses adjoints.

Toute décision prise pourra faire l’objet d’un recours devant une juridiction nationale, la Cour de Justice veillant au respect des principes de base, de l’Etat de droit et de la Charte des Droits Fondamentaux. D’ailleurs, le texte de la proposition inclus une section entièrement consacrée aux droits procéduraux à respecter (Chapitre IV).

 Le Parquet Européen sera soumis au double contrôle parlementaire, de Bruxelles et des capitales nationales : le responsable de EPPO comparaîtra au moins une fois par an devant le Parlement  européen, qui rédigera un rapport annuel sur ses activités. Le budget de l’agence sera aussi fixé par le Parlement Européen. De leur côté, les assemblées nationales pourront inviter le EPPO ou un procureur délégué pour un « échange de vues ». De façon plus générale, le Parquet sera responsable de son activité devant les parlements nationaux et, quant aux résultats, devant les institutions européens.

 Qu’en sera-t-il du sort de l’Office de Lutte Anti-Fraude (OLAF) ? La question a été posée avec insistance par les journalistes présents à la conférence de presse en « Quel est la valeur ajoutée d’un Procureur Européen ? ». Les agences déjà établies, ne suffisaient-t-elles pas ? Non pour le volet pénal. Eurojust n’a pas le pouvoir de déclencher des enquêtes de façon autonome, au mieux peut-il les coordonner. L’OLAF, quant à lui, s’occupe des enquêtes administratives, ne relevant pas des infractions pénales. C’est sur ce point précis que l’activité du Procureur irait se focaliser. Algirdas Šemeta, membre de la Commission chargé du dossier, a bien distingué les enquêtes administratives, qui impliquent, par exemple,  des erreurs bureaucratiques dont s’occupera toujours l’OLAF, des enquêtes pénales qui relèveront de la compétence du Parquet. En d’autres termes, aucun remplacement institutionnel n’aura lieu.

La voie de cette proposition semble à présent plutôt aisée. Certes, pas tous les Etats Membres vont accueillir la nouvelle agence de façon enthousiaste : le Royaume Uni et le Danemark ont déjà exprimé leur opposition à cet égard, l’Irlande n’ayant toujours pas pris de position. Malgré ces difficultés prévisibles , beaucoup d’Etats, plus que les neuf nécessaires à la coopération renforcée, ont montré leur intérêt, a assuré Mme Reding, à commencer par  l’Allemagne et de la France, qui ont présenté en mars une position commune sur le Parquet Européen. Si les négociations risquent de s’avérer plus accidentées au Conseil, le Parlement Européen semble avoir déjà pris une position nettement favorable : le rapport Iacolino, produit au sein de la commission CRIM  plaide justement pour la création d’un tel Parquet. Ce rapport sera très probablement adopté dans sa version finale à la rentrée du Parlement en septembre. Le trilogue institutionnel débutant officiellement en automne, Mme Reding espère être au rendez-vous du 1er janvier 2014. Entre-temps, la Vice-Présidente de la Commission s’est rendue à Vilnius pour illustrer sa proposition aux Ministres des la Justice et des Affaires Intérieures lors de la réunion informelle du Conseil JAI des 19 et 20 juillet

  

Gianluca Cesaro

 

 

Pour en savoir plus :

–                  Communiqué de presse de la Commission sur la proposition d’un Parquet Européen – 17/07/2013 – (FR) – http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-709_fr.htm           (EN) – http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-709_en.htm

 –                  Proposition de règlement du Conseil sur le Parquet Européen – 17/07/2013 – (EN) – http://ec.europa.eu/justice/criminal/files/regulation_eppo_en.pdf

 –                  Article d’EU Logos sur le Parquet Européen – 05/07/2013 – (FR) – http://europe-liberte-securite-justice.org/2013/07/05/parquet-europeen-la-commission-devoile-les-premiers-details/

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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