Guantanamo : rien ne bouge après 6 mois de grève de la faim !

Alimentation forcée, libérations repoussées : la prison la plus célèbre du monde est le grand échec d’Obama. Le symbole des promesses non tenues, en sera-t-il de même concernant Prism ?

 Rien de nouveau depuis le dernier article de Nea say, certes récent . Cela fait six mois que les détenus de Guantánamo ont commencé leur grève de la faim. Selon le Miami Herald, ils étaient encore 55 le  9 août – contre 106 au plus fort du mouvement – à protester ainsi contre leur détention sans fin, sans inculpation ni procès. 39 sont nourris de force, et un vient d’être hospitalisé .A son arrivée au pouvoir, en 2009, Barack Obama s’était donné un an pour fermer la prison militaire basée à Cuba. Sans effet, malgré ses promesses réitérées : on y compte encore 166 détenus. Parmi eux, 86 (dont 56 Yéménites) ont obtenu le feu vert pour être transférés ailleurs : ils ne seront pas traduits en justice, et ne représentent plus un danger réel. Mais, faute de terre d’accueil et en raison de restrictions imposées par le Congrès, Guantánamo ne se vide pas. Le dernier départ, celui d’un Canadien, date de septembre dernier (cf. Nea say).

  Le mouvement pourrait reprendre timidement, car l’administration a annoncé le 26 juillet deux rapatriements vers l’Algérie, qui s’effectueront fin août. Les identités n’ont pas été dévoilées, mais les proches de Nabil Hadjarab, 34 ans, depuis onze ans à Guantánamo et en grève de la faim depuis six mois, pensent qu’il est concerné. «Ils ne renseignent jamais, ils n’y sont pas obligés, mais il y a une forte probabilité que ce soit lui», indique Polly Rossdale, de Reprieve, organisation de défense des droits de l’homme basée à Londres (cf.pour en savoir plus). «On subodore que Nabil en fait partie, mais on n’a pas de certitude, dit son avocat parisien, Me Joseph Breham. Il reste sept Algériens. Deux sont non transférables, deux ne retourneront pas en Algérie. Donc, il y en a trois de transférables.» en déduit Rprieve.

 Libérable depuis 2007, détenu sans raison depuis, Nabil Hadjarab symbolise la difficulté à vider Guantánamo. «Il m’a dit : « Je ne suis pas incarcéré, je suis kidnappé »», raconte son oncle, Ahmed Hadjarab. Ce retraité français habitant en Alsace lui parle épisodiquement, via Skype, grâce à la Croix-Rouge. Son neveu, en grève de la faim depuis le 8 février, est nourri de force depuis le 22 mars. Décrire ce qu’il subit c’est décrire des actes de torture, dénoncés dans une vidéo de Reprieve, vue 5 millions de fois sur YouTube.Faut-il rappeler que nourrir de force viole l’éthique médicale et le droit international et rien ne peut justifier ce traitement cruel, inhumain et dégradant contraire aux conventions internationale. La preuve en estqu’ une juge du district de Columbia, Gladys Kessler, s’est montrée sensible : le 8 juillet, elle a condamné l’alimentation forcée, la qualifiant de «douloureuse, humiliante et dégradante». Mais elle a rejeté la demande, déposée par Nabil Hadjarab et trois détenus, de l’arrêter : la juge ne peut intervenir sur cette question, Guantánamo étant en partie une zone de non-droit. La magistrate a suggéré le nom d’une personne habilitée à agir : Barack Obama. «Nous forçons des détenus en grève de la faim à manger… Est-ce là ce que nous sommes ? déplorait le président américain, le 23 mai. Notre sens de la justice est plus fort que ça.»

 . Mais Obama n’a pas agi et les grévistes n’ont obtenu qu’une chose : pendant le ramadan, , l’alimentation forcée se déroule après la rupture du jeûne… Puis un juge d’appel a désavoué Kessler, estimant la nutrition forcée humaine : il s’agit d’empêcher les détenus de mourir. Selon un document, révélé par WikiLeaks, du ministère de la Défense américain autorisant sa libération, le 22 janvier 2007, il ne pose plus qu’un risque «moyen» pour les Etats-Unis. Il aurait fait partie d’une branche d’Al-Qaeda et suivi un entraînement en Afghanistan, où il a été arrêté, en décembre 2001, par les forces afghanes, avant d’être remis aux Américains à Kaboul. Auparavant, il aurait utilisé des réseaux extrémistes en Europe. Mais sans procès ni mise en examen, impossible de savoir si cette version, livrée sans preuve, est exacte. Sa défense la conteste, affirmant qu’il n’a pas eu d’activité combattante mais faisait partie de ces détenus torturés puis envoyés à Guantánamo sans connaître leur rôle. «Il a été vendu pour une prime, assure Reprieve. A Bagram, ils ne savaient pas qui ils avaient entre les mains.»

Le matricule 238 aimerait éviter un transfèrement vers l’Algérie : il n’a plus de famille là-bas, craint d’être incarcéré à son arrivée, et de subir des mauvais traitements. Il préférerait la France, pays de ses frères et soeurs, tous français, où il a vécu quand son oncle l’a recueilli, enfant et orphelin. Ce serait possible : deux Algériens de Guantánamo ont été accueillis par Paris en 2009. Son oncle a multiplié les requêtes en ce sens et a rencontré début juillet l’ambassadeur chargé des droits de l’homme, François Zimeray, ancien député européen. «Cette réunion a donné un espoir, et ce serait vraiment décevant s’il allait en Algérie et pas en France», affirme l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), qui le soutient.

 Les procureurs du tribunal spécial de Guantanamo veulent accélérer les procédures afin que le procès des auteurs présumés des attentats du 11-Septembre débute en septembre 2014. Les procureurs du tribunal spécial de Guantanamo poussent en faveur d’une accélération des procédures afin que le procès proprement dit des auteurs présumés des attentats du 11-Septembre débute en septembre 2014. Le président du tribunal militaire, le colonel James Pohl, entendra leurs arguments lors d’une semaine d’audiences préliminaires sur la base navale américaine de Guantanamo Bay, à la pointe orientale de Cuba.

 Toutes les six semaines environ ont des audiences préliminaires longues d’une semaine consacrées pour la plupart à l’examen de recours de la défense.Certaines audiences ont été annulées en raison de problèmes informatiques ou pour cause de tempête tropicale sur la base des Caraïbes. D’autres se sont détournées de leur but initial pour se pencher sur le fait de savoir si les militaires ou des hommes du renseignement avaient espionné les conversations entre les prévenus et leurs avocats.

Les procureurs demandent désormais au colonel Pohl de fixer des dates butoirs pour le dépôt de nouveaux recours, d’organiser des audiences préliminaires plus longues, d’une durée d’un mois, pour écluser les dossiers en suspens, afin que le tribunal soit prêt à sélectionner un jury le 22 septembre 2014.

 Cette situation suscite bien évidemment les critiques des organisations de défense des droits de l’homme, certaines l’assimilent à de la torture. Le porte-parole de la prison a d’ailleurs reconnu l’importance du mouvement qui a commencé le 6 février dernier, une grève sans précédent par sa durée et son ampleur. Le président américain, Barack Obama a fini par prendre la parole le 30 avril dernier pour réitérer sa promesse de fermer Guantanamo. « Cette idée que nous maintiendrions pour toujours un groupe d’individus qui n’ont pas été jugés, c’est contraire à qui nous sommes, c’est contraire à nos intérêts et il faut que ça cesse. » Concrètement, il a promis de relancer ses tentatives pour amener le Congrès à fermer la prison. Il a nommé un nouvel envoyé spécial sur les rapatriements, pour remplacer Dan Fried, le haut fonctionnaire du département d’État qui avait quitté son poste sans successeur en janvier, après avoir obtenu de « reloger » 71 détenus dans 28 pays. Pour faire avancer ce dossier, le président a aussi levé le moratoire sur le transfèrement de 56 détenus yéménites « libérables ». Sur les 166 prisonniers, 86 ont reçu le feu vert des autorités militaires américaines pour un transfèrement vers leur pays d’origine.

Pourquoi Barack Obama n’a-t-il pas tenu sa promesse de fermer le camp ?La prison de Guantanamo a été créée sur un simple décret signé en 2001 par George Walter Bush. Pourtant, fermer cette prison située sur l’île de Cuba et qui n’a aucune base légale est plus complexe. Dès son investiture en 2009, Barack Obama avait promis de fermer Guantanamo.Le problème est de trouver une solution pour des détenus, dont certains sont considérés comme dangereux pour les États-Unis. Arrêtés sans mandats et emprisonnés sans procès, la plupart seraient libérés s’ils étaient confrontés à la justice civile. Quant à ceux qui pourraient être renvoyés dans leur pays d’origine, ceux-ci rechignent souvent à accueillir des » terroristes potentiels ». L’UE n’a pas fait preuve d’une grande générosité en la matière pour les accueillir. Obama fait porter la responsabilité de l’échec au Congrès. Il est vrai que les élus républicains, mais aussi beaucoup de démocrates ont empêché le président d’agir en lui refusant des fonds, d’abord destinés au transfèrement des détenus, puis à la construction d’une prison alternative dans l’Illinois. Mais pour les organisations de défense des droits de l’homme, Barack Obama n’a pas fait preuve du « leadership » nécessaire. Surtout, depuis 2012, il a la possibilité de procéder par dérogation – pour autant que le secrétaire à la défense garantisse que la libération du détenu est conforme à l’intérêt national. D’après un sondage de février 2012 publié par ABC et le Washington Post, 70 % des Américains sont « plutôt opposés » à la fermeture. C’est peut-être là que réside le nœud du problème.

 Douze ans après les attentats du 11 septembre, le monde a du mal à liquider l’héritage légué par George W Bush : le 11 septembre prochain le Parlement européen, en séance plénière, examinera les rapports de Juan Fernando Lopez Aguilar sur les allégations de transport et de détention illégale de prisonniers par la CIA dans des pays européens. Peut-on espérer un quelconque progrès ?

 

Pour en savoir plus :

      -. Site de Reprieve http://www.reprieve.org.uk/guantanamo/

       -. Dossier Guantanamo de Nea say http://www.eu-logos.org/eu-logos-nea-recherche.php?q=guantanamo&Submit=%3E

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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