Syrie : « Tragédie de notre siècle » .En face l’aide humanitaire se déploie tant bien que mal.

Alors que pas une seconde ne s’écoule sans que ne soit publié un nouvel article sur une hypothétique intervention en Syrie sous le leadership américain, c’est officiel, le pic des deux millions de réfugiés a été atteint. Face à un tel chiffre, des questions : Qui accueille cet afflux de population ? Quels sont les défis  lancés ? des question concernant l’aspect financier ? D’où les fonds proviennent-ils ? : Quelle la nature de l’aide ?

 Le pic de réfugié atteint est sur toutes les lèvres et il fait l’objet de déclarations multiples tentant au mieux de dépeindre l’atrocité qui s’y cache. D’après les Nations-Unies, un tiers de la population syrienne peut désormais être considérée comme réfugiée. Naturellement, la question se pose : mais où sont donc allés tous ces individus, où ont-ils trouvé refuge ? D’abord, les pays limitrophes à la Syrie ont naturellement accueilli énormément personnes. Le 3 septembre, Euronews nous informait de la décision du président de la région autonome kurde d’Irak, Massoud Barzani d’ouvrir sa frontière. Résultat, plusieurs dizaines de milliers de réfugiés sont arrivés aux portes de cette région. De même, au Liban, entre 500 000 et 600 000 réfugiés syriens s’y seraient installés. Le Liban est d’ailleurs le seul pays à ouvrir complètement ses frontières : cela , on s’en doute, exerce une forte pression sur le pays. La Jordanie accueille, elle aussi, environ 500 000 réfugiés : la vie et la morphologie du pays s’en trouve chamboulée. Au camp de réfugiés de Za’atri, la vie s’organise tant bien que mal,au point que ce soit devenu l’un des plus grands centres urbains de Jordanie et le deuxième plus grand camp de réfugiés au monde après Dadaab au Kenya. En Egypte, c’est plus de 300 000 syriens qui ont trouvé refuge : cependant, là aussi, des tensions internes apparaissent. Ainsi, les syriens sont accusés de soutenir les partisans de Mohamed Morsi. On le voit, sous couvert de problèmes internes déjà existants, l’accueil des réfugiés syriens rencontre des résistances. Enfin, la Turquie, a elle accueilli en vertu de la politique d’externalisation de l’asile de l’Union européenne plus de dix fois le nombre de syriens ayant déposé une demande d’asile en Europe. Guterres, Haut Commissaire des Nations Unis pour les réfugiés l’affirme lui-même : « L’Union européenne avait d’abord exhorté la Turquie à garder ses frontières ouvertes aux syriens qui souhaitent déposer une demande d’asile tout en concentrant des ressources sur le contrôle des entrées irrégulières à ses frontières extérieures ».

 On l’aura compris, la pression qu’exerce les réfugiés sur ces Etats est forte, ce qui les pousse à réguler le flux de personnes entrants sur leur territoire, leur proportion atteignant au Liban notamment près de 20% de la population.

 Qu’en est-il de l’accueil de ces individus en Europe ? L’Allemagne et la Suède hébergent à eux-seuls près de deux tiers des syriens à la recherche de protection. D’ailleurs, saluons la décision de la Suède qui, le 3 septembre dernier a décidé d’accorder l’asile à tous les demandeurs syriens. Elle a accueilli d’ores et déjà, depuis 2012, 14 700 demandeurs d’asile contre 5 000 en Allemagne admis pour motifs humanitaires. De manière plus globale, entre janvier et mai 2013, 11 386 syriens ont déposé une demande d’asile dans l’Union européenne selon le HCR pour 22 000 demandes déjà au cours de l’année 2012. Face à cela, selon Antonio Guterres, Haut commissaire des Nations-Unies pour les réfugiés « il est désormais crucial que l’Europe montre l’exemple ». Il s’agit pour lui du « premier test en grandeur réelle pour montrer que le régime d’asile européen commun peut fonctionner correctement ». Pourtant, jusqu’à aujourd’hui de nombreuses incohérences persistent : nous l’avons dit, l’Allemagne et la Suède accueillent la majorité des réfugiés. Déficience de solidarité donc, le taux de reconnaissance varie lui aussi beaucoup d’un Etat à l’autre : « trop d’Etats ne parviennent pas à fournir un accès rapide et équitable aux procédures d’asile » selon Guterres. De même, un recours excessif à la détention est souvent utilisé. Il s’agirait finalement d’une forme, selon le constat pessimiste quoique réaliste de Judith Sunderland, chercheuse senior de la division Europe de l’Ouest, de « loterie européenne » : « Les syriens demandant l’asile dans l’Union européenne sont confrontés à une loterie de la protection selon le pays qu’ils atteignent. L’Union européenne devrait s’assurer que les réfugiés syriens et d’autres qui ont besoin de protection puissent trouver un refuge sûr dans tous les EM de l’UE comme ils ont pu le faire dans les pays limitrophes de la Syrie ». Espérons que l’exemple suédois ait un effet de contagion et crée l’effet domino de solidarité que nous attendons tous depuis l’émergence de ce qu’on aime à appeler sans l’avoir encore atteint : le système européen d’asile.

 Nous avons donc dépeint l’accueil des réfugiés syriens dans les pays limitrophes à la Syrie mais aussi dans l’Union européenne. Attardons nous maintenant sur la qualité de ces réfugiés, sous-entendu la vulnérabilité exacerbée de beaucoup d’entre eux. Ainsi, selon l’Unicef, ce serait plus d’un million d’enfants syriens qui auraient dû fuir leur pays natal depuis le début du conflit. De même, selon le Haut Commissaire aux droits de l’homme, pas moins de 7000 enfants auraient été tués depuis lors. On tremble face aux mots prononcés par Kristalina Georgieva, commissaire européen à l’aide humanitaire : « Si nous cherchons un visage pour la crise syrienne, il ne s’agira ni d’un soldat ni d’un rebelle mais celui d’un enfant ». En effet, si la vulnérabilité d’un enfant dans une telle position ne mérite pas d’explication, on craindra d’autant plus les menaces qui pèsent sur tout réfugié : exploitation sexuelle et traite notamment. De même, dans une perspective plus globale, pensons au fait que ces enfants, occupés à trouver une porte vers la survie, sont pendant ce temps privés de toute forme d’éducation.

 Face à l’ensemble de ces constats subsiste une interrogation : quels sont les moyens mis en place pour aider ces réfugiés ? L’action du Haut Commissariat des réfugiés est ici importante. Ainsi, 11 000 familles de réfugiés et de demandeurs d’asile reçoivent une aide financière mensuelle. Le Programme alimentaire mondial met également à disposition des cartes de rationnement aux familles réfugiés. De même, « environ 50 000 familles syriennes touchées par la crise reçoivent des articles non alimentaires de base » souligne le HCR sur son site. C’est plus de 123 millions de dollars qui ont, selon le rapport global 2012 du HCR, ont été dépensés pour l’opération réalisée en République arabe syrienne. Pour 2013, le budget devrait être augmenté de 30% : ainsi, si le nombre de réfugiés risque de s’amoindrir cette année, les besoins des familles ne peuvent être plus grands au fur et à mesure que la crise s’installera dans le long terme. L’Union européenne est, elle aussi, un grand donateur dans cette crise via ECHO. Jusqu’à présent, elle aurait donné 1,3 milliards d’euros : « grâce à l’aide européenne, 10 millions de syriens ont accès à de l’eau salubre et 3 millions à de l’aide alimentaire ». Une aide est spécifiquement apportée aux communautés d’accueil au Liban et en Jordanie : « à ce stade les fonds mis à disposition par l’UE sont ventilés comme suit : 47% pour le territoire syrien, 23,1% pour la Jordanie, 24,3% pour le Liban, le reste étant partagé entre l’Irak et la Turquie ». Finalement, si l’on ne prend pas l’aide européenne dans sa globalité, c’est aux Etats-Unis que revient la palme du plus grand donateur suivi de la Commission européenne (843 millions d’euros), du Koweït, des pays européens, du Japon, Canada, etc. Il ne faut guère oublier face à cela l’aide des différentes associations et ONG qui par leur engagement sur le terrain apportent elles aussi leur pierre au défi humanitaire syrien.

 Finalement, tout comme la question de l’intervention pose débat, il n’y a pas une seule réponse à la crise humanitaire syrienne : chacun tente d’accueillir au mieux le flot de réfugiés qui frise même le tsunami pour certains pays limitrophes. Au niveau européen, le système européen d’asile est à peine mis sur pied que le voilà déjà mis au défi. Si l’aide comprend l’accueil de réfugiés, elle demande des fonds : le HCR multiplie ses appels à une aide renforcée, face à des pays qui se mobilisent de façon inégale mais au moins ont-ils le mérite de se sentir concernés. Cet article aura tenté d’apporter un autre regard que simplement considérer les interventionnistes et les non-interventionnistes qui se déchirent au sein d’un vaste débat d’idées dont l’issue est incertaine ; pourtant c’est l’ampleur du défi humain qui mérite ici d’être mise au premier plan.

 Louise Ringuet

  Pour en savoir plus :

 

 

Site du UNHCR, Profil d’opérations 2013, République arabe syrienne :http://www.unhcr.fr/pages/4aae621d5b3.html

 

UNHCR – Rapport global 2012 du HCR :http://www.unhcr.fr/51efd161b.html

 

UNHCR – Rapport global 2013 du HCR :http://www.unhcr.fr/50c5bc220.html

 

Bruxelles 2 – « Deux millions de syriens réfugiés ! », 3 septembre 2013 :http://www.bruxelles2.eu/zones/syrie/syrie-le-cap-des-deux-millions-de-refugies-franchi.html

 

Euronews – « Le flot de réfugiés syriens en Irak ne cesse de s’intensifier » – 3 septembre 2013 : http://fr.euronews.com/2013/09/03/le-flot-de-refugies-syriens-en-irak-ne-cesse-de-s-intensifier/

 

Euractiv.com – « La commissaire à l’aide humanitaire incite l’ONU à agir en Syrie » – 19 août 2013 :http://www.euractiv.com/node/529851?utm_source=EurActiv+Newsletter&utm_campaign=eb63782a04-newsletter_dernieres_infos&utm_medium=email&utm_term=0_bab5f0ea4e-eb63782a04-245376069

 La Libre.be – « La Suède accorde l’asile à tous les demandeurs syriens » – 3 septembre 2013  http://www.lalibre.be/actu/international/la-suede-accorde-l-asile-a-tous-les-demandeurs-syriens-5225fb3f3570c7737d1af796 Le Monde.fr – « Afflux de réfugiés kurdes syriens au Kurdistan irakien », 26 août 2013 : http://istanbul.blog.lemonde.fr/2013/08/26/afflux-de-refugies-kurdes-syriens-au-kurdistan-irakien/

RFI – « Liban : des réfugiés affirment que l’armée syrienne freine la fuite de la population », 31 août 2013 :  http://www.rfi.fr/moyen-orient/20130831-liban-refugies-affirment-armee-syrienne-freine-departsUnicef.fr

http://www.unicef.fr/contenu/actualite-humanitaire-unicef/urgence-syrie-un-million-d-enfants-refugies-2013-08-26 – « Urgence Syrie : un million d’enfants réfugiés », 26 août 2013 :  – « Les chefs du HCR et du PAM se félicitent de l’ouverture des fronières aux réfugiés syriens au Kurdistan iraquien » – 30 août 2013 : UNHCRhttp://www.unhcr.fr/5220b7a1c.html

UNHCR – « Un an après : le camp de réfugiés de Za’atri, en Jordani, se transforme en grand centre urbain » – 29 juillet 2013 : http://www.unhcr.fr/51f7b4c3c.html

 UNHCR – « Le chef du HCR exhorte l’Europe à faire davantage pour les demandeurs d’aisle syriens » – 19 juillet 2013 : http://www.unhcr.fr/51e80b06c.html

Commission européenne- Aide humanitaire et protection civile en Syrie :http://ec.europa.eu/echo/aid/north_africa_mid_east/syria_fr.htm

 

Le Monde.fr – « En Egypte, les réfugiés syriens ne sont plus les bienvenus » – 30 juillet 2013 :http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/07/30/en-egypte-les-refugies-syriens-ne-sont-plus-les-bienvenus_3455368_3218.html

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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