Application du droit de l’UE : l’heure est au bilan

Le 22 octobre dernier, la Commission rendait son 30ème rapport annuel sur le contrôle de l’application du droit de l’UE. La gardienne des traités y donne un aperçu général de la transposition des directives que nous relayerons, puis nous nous tournerons vers les deux thématiques qui nous concernent plus directement: la justice et les affaires intérieures. Transpositions, infractions, jugements phares, l’application du droit de l’UE reste un soucis permanent.

 Commençons par un état des lieux de la transposition du droit européen de manière globale. En 2011, il y avait 131 directives à transposer pour seulement 56 pour l’année 2012. De plus, les retards de transposition, dont la palme revient au secteur des transports, ayant occasionné l’ouverture d’une procédure pour y remédier ont diminué de 45% en une année. Attardons nous sur les lacunes liées à la transposition, et dans un premier temps aux solutions informelles. Il est nécessaire d’avoir bien en tête le fait que citoyens, entreprises et ONG introduisent également des plaintes devant la Commission. Les trois Etats membres les plus visés par ces acteurs sont l’Italie, l’Espagne et la France et , majoritairement,dans  les domaines de l’environnement, la justice et le marché intérieur et les services. Notons la prédominance des questions environnementales, qui, au coeur des valeurs post-matérialistes d’Inglehart, s’insèrent pleinement dans le débat politique. Ainsi, les pétitions déposées au Parlement européen concernaient elles aussi majoritairement l’environnement. En ce qui concerne les infractions potentielles constatées par la Commission, des échanges de vues ont été réalisées surtout avec la France, l’Espagne et l’Italie dans des domaines là encore tels que l’environnement, le marché intérieur et les services ainsi que les transports. Cela a concerné pas moins de 791 enquêtes ouvertes par la Commission. Citons l’initiative EU Pilot qui permet un gain de temps indéniable : ainsi, cette base de données permet de communiquer avec l’Etat en cause avant même que la procédure d’infraction soit ouverte de manière à voir si un simple dialogue n’est pas suffisant. Le taux de résolution pour 2012 est de 68,34% : cela fait donc d’EU Pilot un instrument utile, d’autant plus pour ceux qui déplorent le trop-plein bureaucratique de l’Union européenne. Passons désormais aux procédures d’infraction : leur nombre ne cesse de diminuer d’années en années et une grande majorité de procédures sont closes dès l’envoi de la lettre de mise en demeure. La Cour aurait au final rendu 46 arrêts sur l’année 2012, la plupart étant adressés à la Belgique, le Portugal et les Pays-Bas.

Maintenant, entrons dans le vif du sujet avec ce qui concerne directement : la justice et les affaires intérieures. Pas moins de 22 procédures d’infractions étaient encore ouvertes à la fin de l’année 2012 pour les affaires intérieures (majoritairement concernant l’immigration et l’intégration) et 61 dans le domaine de la justice (majoritairement pour la citoyenneté et la non-discrimination). La Commission a lancé 4 nouvelles procédures d’infractions dans le domaine des affaires intérieures contre la Belgique (directive sur la conservation des données), l’Italie (Régulation Dublin II, et les directives normes minimales pour l’accueil des réfugiés, la directive procédure d’asile et la directive qualification ainsi que la Charte des droits fondamentaux), l’Autriche et la Slovaquie (obstacles à leurs frontières). Dans le domaine de la justice, 26 nouvelles procédures ont été lancées : par exemple envers la République Tchèque et la Bulgarie pour un accès non-discriminatoire aux élections locales et européennes. Parmi ces procédures, sept ont fini devant la Cour : par exemple, le célèbre cas de la Hongrie pour une discrimination sur l’âge de départ à la retraite pour les juges. En ce qui concerne la transposition des directives, 13 cas de non-transposition étaient encore non réglés fin 2012 pour les affaires intérieures et 11 pour la justice. En ce qui concerne les affaires ayant mené à des sanctions financières, l’Allemagne pour sa mauvaise transposition de la Directive sur la conservation des données a été condamnée ainsi que Chypre et les Pays Bas pour leur mauvaise transposition de la Directive médiation, et Chypre à nouveau pour la directive sur les crimes environnementaux. Une centaine de plaintes ont été reçues pour les affaires intérieures notamment à propos des visas, de l’immigration, la gestion des frontières et la politique de retour : seules une petite dizaine ont été jusqu’à une intervention d’EU Pilot. Pour la justice, 491 plaintes ont été déposées notamment sur la libre circulation, les droits à la citoyenneté, la discrimination, les droits fondamentaux. La plupart des cas ont été réglés par la Commission, une vingtaine portés à la compétence d’EU Pilot. En ce qui concerne justement les interventions d’EU Pilot, 48% des cas ont été réglés pour les affaires intérieures pour un pourcentage quasi-semblable de 49% pour la justice.

 Finalement, le travail d’implémentation de la Commission a surtout porté sur :

       -. la surveillance des transpositions des directives Blue Card, sanctions employeurs, directive retour, infrastructuressensibles  résidents longue durée, regroupement familial

       -. les jugements sur la détention de données

       -. la transposition de la directive pour étendre la directive résidents longue durée aux bénéficiaires d’une protection internationale, à celle sur la prévention du trafic d’êtres humains et la directive qualification

      -. droit de contester une décision de refus de visas

       -. Totale implémentation de la « Free movement directive »

       -. Renforcer les droits politiques des citoyens

       -. Vérifier l’implémentation correcte de la « Gender Equality Directive ».

 En conclusion, de manière globale, des progrès substantiels ont été réalisés : les retards de transpositions se font moins sentir et EU Pilot obtient des résultats plus que satisfaisants. Si la justice et les affaires intérieures constituent notre domaine de prédilection, nous ne pouvons nier que c’est ici l’environnement qui occupe une place centrale dans ce rapport annuel : « l’environnement constitue parmi les 20 politiques sectorielles celle dans laquelle les infractions sont les plus nombreuses ». Finalement, espérons que cette tendance à la diminution des infractions ou du moins à leur règlement précoce s’inscrive dans la durée et fasse de l’application du droit de l’UE quelque chose de systématique plutôt que problématique.

  

Louise Ringuet

 

 Pour en savoir plus :

 

 Europa – Communiqué de presse – « Bilan 2012 de l’application du droit de l’UE par les Etats membres » – 22 octobre 2013 :http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-984_fr.htm

 Report from the Commission – 30th Annual Report on monitoring the application of EU law » :(FR)  :http://ec.europa.eu/eu_law/docs/docs_infringements/annual_report_30/com_2013_726_fr.pdf  (EN) :http://ec.europa.eu/eu_law/docs/docs_infringements/annual_report_30/com_2013_726_en.pdf

 Actu-environnement – « Application du droit de l’UE : l’environnement sur la sellette » – 25 octobre 2013 : http://www.actu-environnement.com/ae/news/droit-UE-infractions-Etats-membres-environnement-dechets-Commission-19792.php4

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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