Audition sur les droits fondamentaux : arrêtons la procrastination, privilégions l’action !

Le 5 novembre dernier, Louis Michel, lors de l’audition sur les droits fondamentaux par la commission LIBE du Parlement européen (libertés civiles, justice et affaires intérieures) a donné le ton : loin d’être une « enceinte aseptisée », le Parlement doit prendre ses responsabilités. Si certains s’obstinent à freiner le changement en proposant une réforme des traités, peut-être faudrait-il leur rappeler qu’il serait bon de saisir toutes les opportunités que ceux-ci offrent déjà. Cohérence, coordination seront les maîtres mots d’un panel d’intervenants qui ont fait de ces trois heures d’audition un hymne à l’action.

 Pour Louis Michel, l’objectif est simple : il faut garantir que l’Union européenne respecte ses engagements concernant les droits fondamentaux. Faut-il encore rappeler l’article 2 du TUE sur lequel nous avions conclu notre article sur la présentation du projet de rapport de Louis Michel ? Nous allons prendre cette peine, cela aura le mérite d’ajouter une pointe de lyrisme à notre article : « L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’Etat de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux Etats membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes. »

 Difficile aujourd’hui, aussi isolé qu’on puisse l’être, d’être passé à côté des crises institutionnelles et constitutionnelles qui ne semblent épargner que peu d’Etats membres. Le temps est donc venu d’être plus incisif, cette réunion veut donner l’impulsion forte.

 Jagland, secrétaire général du Conseil de l’Europe a ouvert le panel des interventions. Il rappelle que les 28 Etats membres ont signé la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. Le Conseil de l’Europe suit la mise en oeuvre de la Convention au sein de ses différents comités comme le comité contre la torture, ou contre la traite des êtres humains, entre autres. En cas de mise en oeuvre lacunaire par les Etats membres, des moyens sont mis en oeuvre pour rétablir la situation. De plus, un rapport annuel est publié. La particularité du Conseil de l’Europe est qu’il n’a pas d’intérêts à défendre, son but est juste d’inciter les Etats à respecter leurs obligations, de leur fournir des indicateurs et une assistance concrète. Jagland confirme son soutien total à l’initiative de Louis Michel : la coopération doit être de mise entre Conseil de l’Europe et Parlement européen. Ainsi, il faut développer une coopération multi-niveaux et une responsabilité conjointe, le tout en complète cohérence. On le verra, beaucoup insisteront sur le fait que si coopération entre les différentes institutions il doit y avoir, l’accent doit être particulièrement mis sur la cohérence, sans contradiction entre les deux systèmes juridiques afin de ne pas nuire aux systèmes existants et pour éviter le « forum shopping ». Si Louis Michel a fait d’ores et déjà allusion à la nécessité d’une telle coopération avec le Conseil de l’Europe, Jagland précise que cette idée n’est pas nouvelle, déjà le 19 mai 2010 le Parlement avait fait part de son souhait d’une coopération accrue dans une résolution : « Alors que l’Union voit son système de protection des droits fondamentaux complété et renforcé par l’intégration de la Charte des droits fondamentaux dans son droit primaire, son adhésion à la Convention sera un signal fort de la cohérence entre l’Union et les pays appartenant au Conseil de l’Europe et son régime paneuropéen en matière de droits de l’Homme ». Le Conseil de l’Europe partage les inquiétudes du Parlement européen concernant le brûlant dossier de la protection des données. Ainsi, les révélations d’Edward Snowden ont allumé une brèche dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme qui se consume au rythme de la lenteur des réactions. Pour Jagland, les systèmes de surveillance doivent résulter d’une loi très claire (celle-ci ne pourrait avoir lieu que dans une limite de temps précise, la divulgation des informations récoltées serait importante), de procédures examinant les données collectées (les personnes ayant fait l’objet de surveillance devant disposer de possibilités de recours) et doivent rendre des compte devant le Parlement, non devant l’exécutif.

 Sur cette intervention, la première session, a pu s’ouvrir, celle-ci s’intitulant : « Respect, protection et promotion des droits fondamentaux dans l’Union européenne : l’état d’avancement et les solutions possibles ».

 Paul Nemitz (directeur de la direction Droits fondamentaux et citoyenneté de l’Union européenne de la Commission) a ouvert le débat en renvoyant à la longue tradition de protection des droits fondamentaux notamment au travers de la jurisprudence existante. Il est content de voir que la Charte de l’Union européenne guide les propositions et actes législatifs adoptés au travers notamment d’analyses d’impact. De plus, la Cour de justice de l’Union européenne fait référence à la Charte déjà dans une centaine d’arrêts ce qui est fortement encourageant. Il se félicite également du Portail e-justice permettant une meilleure information des citoyens. On observe une prise en considération croissante des citoyens européens de la construction européenne : la Commission recevrait ainsi environ 5000 lettres dont le sujet serait lié à la Charte mais dont trois quarts porteraient sur des cas ne relevant pas du droit de l’Union. Ainsi, une limite est rappelée par Paul Nemitz : les Etats membres se doivent de respecter la Charte de l’Union européenne pour les droits de l’homme uniquement pour ce qui relève de l’application du droit européen. Dans ce cadre, un système de protection des droits fondamentaux existe : la Commission peut effectivement prendre des sanctions de non-conformité (cf. procédures d’infraction) qui peuvent conduire à des arrêts de la Cour de Justice). Cette précaution permet de créer un climat de confiance réciproque entre les Etats membres. La question est également posée de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention : rappelons qu’un projet de traité d’adhésion a été adopté le 5 avril 2013 après trois années de négociations. De nombreuses étapes restent néanmoins à franchir avant l’adhésion à proprement parler. Quel serait l’apport d’une telle adhésion ? Tout simplement, cela permettrait aux particuliers et entreprises de soumettre les actes des institutions de l’Union au contrôle qui s’exerce déjà sur celles des Etats. Ainsi, « le simple fait que le juge international puisse intervenir en cas de besoin, qu’il puisse être saisi par les particuliers, opère à lui seul déjà comme facteur de crédibilité, car c’est dans la mesure où elle accepte de s’ouvrir à ce contrôle externe que l’action politique devient crédible et acceptable pour l’opinion publique, qu’elle assure sa cohérence avec son propre discours sur le respect des droits fondamentaux ». Deux défis sont finalement posés par Paul Nemitz : le premier est de donner à l’Union les instruments pour réagir quand les valeurs européennes sont en danger. En ce sens, il renvoie au discours sur l’Etat de l’Union de José Barroso qui souhaitait déjà jeter un pont entre persuasion politique et action. Second défi, l’approfondissement du rôle de la Commission européenne. A ce titre, il se réjouit des futures assises de la justice le 21 et 22 novembre prochain : « Shaping justice policies in Europe for the years to come ».

 Milasiuté (présidente du groupe de travail du Conseil sur les droits fondamentaux, les droits des citoyens et la libre circulation des personnes) est ensuite invitée à s’exprimer. Elle précise que les grandes questions sont divisées en deux aspects : le premier concerne le travail thématique et l’autre un ensemble de débats plus horizontaux (en effet, souvent une grande question a des répercussions sur l’autre). Elle évoque les grands dossiers qui rythment son activité. D’abord, la question de la FRA (Agence fondamentale pour les droits fondamentaux) : le travail de cette agence se doit d’être consolidé. Le groupe ad hoc sur les droits fondamentaux est ainsi chargé de définir les grandes règles qui constitueront le socle de la FRA. Si l’avenir de l’agence doit faire l’objet de réflexions , le travail de celle-ci doit également être exploité en participant à sa structuration. Ensuite, elle évoque également la priorité de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention. Dans un même esprit, l’application de la Charte de l’UE doit être scrupuleusement vérifiée dans une réflexion qui soit inclusive. Elle cite le rapport de l’Union européenne sur la citoyenneté du 8 mai 2013, se félicite de la résolution du Parlement européen sur « l’intensification de la lutte contre le racisme, la xénophobie et les crimes inspirés par la haine » du 14 mars 2013 et se réjouit de la conférence annuelle sur les droits fondamentaux à Vilnius du 12 et 13 novembre sur « Combating hate crime in the EU ». Puisqu’on est du côté des dates, elle annonce le débat du 21 novembre à Strasbourg sur « des cas de violation des droits de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit ». L’élément devant sous-tendre l’ensemble des discussions étant pour elle la continuité.

 Puisqu’il a été question  de la FRA dans l’intervention précédente, relayons maintenant les propos de Morten Kjaerum, directeur de l’agence. L’apport de la FRA est pour lui évident : si avant on parlait surtout de la législation et des institutions, il y avait de vraies lacunes quant au travail sur le terrain. Parmi les mesures concrètes auxquelles  la FRA s’attelle  : les crimes inspirés par la haine, la question des minorités (25% des minorités ethniques auraient été confrontées à des crimes dictés par la haine au cours des deux derniers mois), le rapport sur l’antisémitisme en Europe de l’année prochaine, la décision-cadre sur le racisme et la xénophobie. Le soucis porte sur la multiplication des données : FRA, Commission, Conseil de l’Europe recueillent un grand nombre de données. Mais qu’en est-il du développement d’indicateurs communs ? Sa conclusion est simple : l’Union européenne doit se doter d’une vision plus globale impliquant de la cohérence.

 Jääskinen (avocat général à la Cour de justice de l’Union européenne) vient clore la première session d’interventions. Il affirme qu’une bonne coopération s’est installée entre la Cour de Justice et la Cour européenne des droits de l’homme. La Cour reçoit de plus en plus de questions préjudicielles sur l’interprétation de la Charte : 18 en 2010 pour 41 en 2012. Cependant, on observe une certaine confusion : beaucoup oublient que la Cour de Justice n’est pas compétente en ce qui concerne l’application de la Charte en dehors du droit européen. De ce fait, nombre de questions préjudicielles sont jugées irrecevables. Il est nécessaire que les magistrats nationaux s’habituent aux limites. Il faut également différencier Charte de l’UE et Convention des droits de l’Homme, et ce, par l’approche globale, l’accès à des procédures de recours. Il est nécessaire de sélectionner des juges supplémentaire pour le tribunal général : trop de dossiers sont aujourd’hui ouverts, or comme il le rappelle si bien « la charité bien ordonnée commence par soi-même ».

 C’est ainsi que la deuxième session portant sur : « Quel mécanisme pour protéger les valeurs de l’Union européenne ? Pourquoi est-ce nécessaire ? » s’est ouverte.

 Muiznieks (commissaire aux droits de l’homme, Conseil de l’Europe) a insisté sur l’indépendance de l’institution par rapport au Conseil de l’Europe. Il en est déjà à plus d’un an de son mandat de six années, et met en évidence le caractère non contraignant, la priorité au dialogue qui tombe sous le coup de sa fonction. Finalement, c’est le rôle de médiateur qu’il est appelé à jouer au travers d’échanges épistolaires et de différents rapports. Le sujet redondant depuis le début de son mandat est celui de l’impact de la crise sur les personnes les plus vulnérables notamment les roms ou les personnes LGBT. Parmi ses remarques, il met l’accent sur les trop longues périodes de détention autorisées par les textes européens (18 mois), sur l’inapplication de la stratégie-cadre pour les roms notamment. Pour lui l’Union a d’ores et déjà beaucoup de compétences en ce qui concerne les droits humains, elle doit donc s’atteler à faire plus et mieux (discriminations hommes/femmes, protection des données,asile…). De même, elle ne doit pas hésiter à coopérer avec le Conseil de l’Europe et à insister sur la bonne application des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme.

 Ziemele (juge à la Cour européenne des droits de l’homme) commence par un ensemble d’observations. D’abord, elle se félicite de l’adoption de la Charte qui a permis de renforcer le processus d’intégration de l’Union européenne. Chaque décision doit être appréciée suivant les principes de la Charte. Cependant, les compétences de l’UE sont limitées : la protection des droits fondamentaux de la Charte est donc corrélée au processus d’intégration. Pour elle, il est impératif de donner un rôle plus central à la FRA et de développer une approche plus cohérente notamment en ce qui concerne les demandeurs d’asile. Elle est persuadée que l’adhésion de l’UE à la Convention permettrait une synergie entre deux systèmes : harmonisation, orientations claires ne peuvent pas faire de mal à une Union européenne qui reposerait sur un socle de normes minimales. Cependant, elle reste convaincue que cette adhésion prendra du temps. Pendant cet intervalle, pas question de chômer : l’adhésion de l’UE à la Convention ne doit pas être le seul instrument de protection des droits de l’Homme au sein de l’Union européenne. Des mécanismes doivent être mis en oeuvre par les institutions pour évaluer l’efficacité des mécanismes de prévention et de sanction. Elle doit développer des procédures plus rationnelles et coopérer intensément avec d’autres organes des droits de l’Homme.

Après l’ensemble de ces interventions, une série de questions-réponses a eu lieu. Morvai (NI) a défendu la liberté d’expression et d’association : pour elle, il faut intégrer les différentes revendications dans le processus décisionnel. Elle déplore le fait qu’en Serbie ou en Slovaquie il ne soit guère possible de s’exprimer en hongrois dans la rue : l’accent doit donc être mis sur les communautés ethniques. Une autre intervention a fait état du fait qu’il paraissait plus facile de condamner des Etats hors UE pour la non-conformité de leur action par rapport aux droits fondamentaux plutôt que de discuter des lacunes intra-européennes. Pour le député Kirkhope (Conservateurs et Réformistes), la prudence doit guider le Parlement : celui-ci ne doit pas se doter des prérogatives d’une Cour or c’est bien la direction que semble prendre le rapport, regrette-t-il. De même, en ce qui concerne la question des Roms, la question ne doit selon lui pas être traitée que de l’extérieur : il est nécessaire de lutter contre le trafic, l’enlèvement d’enfants à l’intérieur même des communautés. Lunacek (Verts/ALE) met également en évidence la difficulté pour l’Union européenne de battre sa propre coulpe : pourtant, telle une famille en crise, il est temps de s’asseoir autour de la table et de discuter des problèmes. C’est en cela qu’elle aime le rapport de Louis Michel : celui-ci fournit une bonne base, offre le siège de chacun à la table des discussions. Ainsi, si au niveau des questions économiques on a des recommandations pays par pays, il serait bon de développer la même chose pour les droits fondamentaux. Sur cette base, la commission LIBE  serait à même de faire des recommandations. De même, les meilleures pratiques apparaîtraient plus clairement. Le député européen de Jong de la GUE voudrait une adhésion de l’Union européenne à la Charte sociale européenne. Quant au député européen Brons (NI), il  compare le rapport de Louis Michel à un voeu pieu : partout en Europe des droits fondamentaux sont violés. Il évoque notamment l’interdiction d’un parti politique par la Belgique, la même volonté s’est exprimée en Allemagne. Il conclut sur le constat d’une approche sélective qui serait opérée en matière de droits de l’Homme.

 La juge Ziemele a répondu à l’intervention de la GUE : pour elle, les mécanismes tendent à se multiplier, l’adhésion à la Charte sociale impliquerait d’élaguer nombre de mécanismes pour qu’on sache clairement de quoi il ressort. De ce fait, peut être un renforcement et une rationalisation des mécanismes existants seraient-ils suffisants. Ainsi, elle souligne que l’adhésion de l’UE à la Convention permettra déjà de couvrir de nouveaux aspects. En ce qui concerne les interventions des Non-inscrits, Muiznieks tient à remettre les choses au clair : liberté d’expression n’est pas chose semblable à l’incitation à la haine. Si la liberté d’expression est garantie, l’incitation à la haine est quant à elle couverte par une jurisprudence assez développée. En ce qui concerne les minorités ethniques, il évoque un manque de jugements pilotes, souvent par manque de volonté politique. Le problème des lobbys doit également être apprécié par leurs tentatives répétées de contourner les règles. Il est donc impératif d’avoir en tête les intérêts de chacun : Etats, lobbys, institutions. Pour Niemitz, l’Union européenne devrait adhérer à la Convention des Nations Unies sur les handicapés.

 Louis Michel a tenu lui aussi à s’exprimer en conclusion. Il est notamment revenu sur l’intervention de Kirkhope : pour lui, il n’est nullement question pour le Parlement de juger mais d’utiliser son droit et devoir de contrôler la mise en oeuvre par les Etats membres des différentes dispositions des traités. En ce sens, être parlementaire c’est d’abord et avant tout avoir un avis et c’est sur base de l’expression de cet avis que l’audition a pu être organisée : le Parlement, loin d’être une enceinte aseptisée se doit d’être une enceinte engagée. En ce qui concerne l’intervention de Mme Lunacek, Louis Michel a renouvelé son intention de réaliser un tableau de bord sur les pratiques au niveau des droits de l’homme des différents Etats qui sera mis en annexe de son rapport. Pour l’anecdote, Brons n’aurait pas dû s’aventurer sur le terrain de la Belgique, a-t-il ajouté : Louis Michel a tenu a rappeler, avec sa rhétorique habituelle, que en Belgique, nul parti n’avait été interdit (il était ici question du Vlaams Block devenu Vlaams Belang).

 Pour lui, deux solutions : une attente de 10 à 30 ans pour une modifications des traités ou un approfondissement des possibilités offertes par les traités actuels. La deuxième est de loin la plus raisonnable.

 Le deuxième groupe a ensuite eu l’occasion de s’exprimer sur la question : « Quelles sont les attentes au niveau du renforcement de la protection des droits fondamentaux dans l’UE ? ». Nicolas Beger (directeur du bureau des institutions européennes d’Amnesty international) met en avant la nécessité d’un plan global pour l’UE. La question est : « Comment réagir quand les Etats membres agissent en dehors de tout cadre ? ». On l’a vu, le caractère flou de ce pan a autorisé des incidents tels que celui de Lampedusa, il est nécessaire de rompre le flou existant. Cet aspect doit être ajouté en « caractère gras » dans le rapport. Grabbe (directrice de Open Society European Policy Institute et Open society Foundations EU Affairs) a trouvé dans le rapport de Louis Michel une excellente base : alors qu’il serait facile de se cacher derrière la crise économique pour l’inaction, celui-ci met en évidence de nombreux points cruciaux, dans une période où les valeurs de l’UE sont gravement menacées. Pour elle, de nombreuses choses existent déjà. Inutile donc de polémiquer sur de nouvelles adhésion ou une réforme des traités avant d’appliquer les textes, le tout devant être pris en main par la Commission. Ainsi, un Etat de droit est avant tout le lieu d’une législation bien appliquée. Un dialogue structuré doit être instauré pour assurer le suivi des recommandations avec des mesures strictes d’application s’assurant que les gouvernements aient la même interprétation des textes. Il est impératif d’avoir de la rigueur dans le respect des droits. Cataldi (directeur groupe FREE) déplore le manque de solidarité à l’oeuvre dans l’application du système commun d’asile. Pour lui, un bureau devrait concrètement s’occuper de la répartition de la charge en fonction des capacités d’accueil. De même, tout amalgame doit être évité : un migrant économique n’est pas un demandeur d’asile. L’asile est une protection que chaque Etat partie à la Convention de Genève se doit de respecter : ainsi, la majorité des migrants ne peuvent même retourner dans leur pays. Il faut que des accords soient réalisés avec les pays de transit. Pour Carrera (directeur du programme JAI au CEPS), il y aurait une relation triangulaire entre Etat de droit et droits fondamentaux et démocratie. Nous réaliserons d’ailleurs un article consacré au rapport en lui-même, qui ici ne pourra être abordé que brièvement. Ce rapport fait un constat simple : nous disposons déjà d’un cadre multi-niveaux au sein de l’Union européenne basé sur une évaluation des Etats membres. Pour lui, la clé est juste dans une application qui soit plus efficace et une cohérence retrouvée. Les compétences doivent, elles aussi, être clairement établies. Il faut ainsi être capable de répondre à la question de savoir qui est compétent pour le suivi des Etats membres ? Est-ce la FRA, la Commission, le Parlement ? Il faut bien être conscients que les dispositions de la Charte de l’UE sont déjà couvertes par la plupart des constitutions nationales, pourquoi ne serait-il donc pas possible d’aller plus loin à ce niveau ? Pour lui, il est donc tout à fait possible de procéder à de grands changements sans amender les traités. Une évaluation périodique des droits de l’Homme est également vivement souhaitée, la Cour de Justice devant elle aussi jouer son rôle pour déceler les cas de violations des droits fondamentaux.

 En conclusion, nombre d’éléments ont été abordés lors de cette audition. Tous les intervenants ont insisté sur les opportunités qu’offraient d’ores et déjà les traités en matière de droits de l’homme. Il est donc question de les saisir plutôt que de s’en remettre à une modification des hypothétique des traités ce qui prendrait des décennies. L’adhésion à la Convention a été encouragée par chacun des intervenants  et cela dans un processus de coopération accrue avec le Conseil de l’Europe. Cependant, cela ne saurait se réaliser sans un effort intensif vers plus de cohérence. Plusieurs ont demandé à ce que le rôle de la FRA soit plus clairement défini. Finalement, chaque institution est appelée à se recentrer sur son rôle, à saisir toutes les opportunités offertes par les traités. Nous pouvons dire que le projet de rapport de Louis Michel fait l’unanimité quant à son opportunité : cette audition a permis de réunir tous les concernés, et de leur faire comprendre que désormais, plus aucune fuite de responsabilité ne sera tolérée.

 

 Louise Ringuet

  

Pour en savoir plus :

 Programme de l’audition publique sur les droits fondamentaux – 5 novembre :http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+COMPARL+LIBE-OJ-20131105-1+01+DOC+PDF+V0//FR

 Europa – Portail e-justice :https://e-justice.europa.eu/home.do?action=home&plang=fr

Cour européenne des droits de l’homme – Dean Spielman – 6 septembre 2013 :http://www.echr.coe.int/Documents/Speech_20130906_Spielmann_Helsinki_FRA.pdf

 Assises de la Justice – 21-22 novembre 2013 – « Shaping Justice policies in Europe for the years to come »  : http://ec.europa.eu/justice/events/assises-justice-2013/index_en.htm

 Europa – Rapport 2013 sur la citoyenneté de l’Union – 8 mai 2013 :  http://ec.europa.eu/justice/citizen/files/com_2013_269_fr.pdf

 Résolution du PE du 14 mars 2013 sur l’intensification de la lutte contre le racisme, la xénophobie et les crimes inspirés par la haine :      http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2013- 0090+0+DOC+XML+V0//FR

 Conférence des droits fondamentaux – FRA : http://fra.europa.eu/fr/event/2013/conference-des-droits-fondamentaux-2013

 En savoir plus sur le Commissaire aux droits de l’homme :http://www.coe.int/t/commissioner/Activities/mandate_fr.asp

 Convention relative aux droits des personnes handicapées et Protocole facultatif : http://www.un.org/french/disabilities/default.asp?id=1413

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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