Politique de coopération et gestion des flux migratoires : un accord cadre de partenariat et de coopération avec l’Indonésie.

 Ce premier accord de ce type témoigne de l’importance sans cesse grandissante des relations entre l’Union européenne et l’Indonésie. Il réaffirme l’engagement de cette dernière à respecter la promotion et la protection  des principes démocratiques et des droits de l’homme fondamentaux et ce conformément à la Déclaration Universelle des droits de l’Homme des Nations-Unies. L’Indonésie est aujourd’hui le siège d’un Islam modéré, démontrant la sortie du pays de deux longues périodes autocratiques. On peut sans retenue la qualifier de « démocratie réussie », a attesté  la députée portugaise Ana Gomes (Groupe de l’Alliance  Progressiste des Socialistes et Démocrates).

 Il est donc important, pour elle, de mettre en lumière le processus de transformations démocratiques de ces 15 dernières années, après 32 ans passés sous la botte de Suharto (l’ex-dictateur indonésien). L’essor de l’Indonésie parait plus que jamais tenir à sa capacité à consolider sa démocratie et à soutenir une croissance durable (car en dépit de la crise mondiale, la croissance indonésienne a su se maintenir grâce à la demande intérieure, portée par une importante classe moyenne). Aussi, seul pays de l’ASEAN ayant gagné son ticket d’entrée au G20, l’Indonésie s’affirme de plus en plus sur la scène internationale et devient presque le passage obligé entre l’Asie du Sud-Est et le reste du monde.

 Malgré qu’il reste des efforts à fournir pour se hisser au niveau de grands pays émergents (la Chine, le Brésil, l’Inde), l’Europe ne doit plus négliger celle qu’on nomme dans la presse « la troisième démocratie musulmane de la planète » avec ses 240 millions d’habitants, musulmans à 90%. (4ème marché mondial).L’APC demeure ainsi l’occasion unique de renforcer la coopération politique, régionale et mondiale entre deux partenaires partageant les mêmes valeurs d’égalité, de respect mutuel, de l’état de droit et des droits de l’homme. Du fait de l’importance géopolitique de l’archipel et de son potentiel économique, Ana Gomes a instamment inviter l’Europe à prendre conscience du partenaire stratégique qu’est l’Indonésie, recommandant simultanément que s’organisent  régulièrement des visites de haut niveau entre le Président de la Commission, la haute représentante de l’Union/vice -présidente de la Commission et les députés du Parlement européen (sous-entendant ici même de débattre sur des facilitations de visas de façon à intensifier les échanges entre personnes).

L’accord-cadre de novembre 2009, répond donc à la volonté de l’UE de s’engager avec les pays tiers dans une relation plus globale, par le biais d’insertion de clauses politiques.

Parmi ces clauses, c’est l’article 34 de la proposition du Conseil relative à la conclusion d’un accord-cadre global de partenariat et de coopération entre la Communauté européenne d’un part, et la République d’Indonésie, d’autre part et son contenu ,qui fut le principal objet du débat de la commission LIBE  à la date du 17 novembre 2013. Cet article stipule, en effet, que les parties réaffirment l’importance de bénéficier d’une meilleure gestion concertée des flux migratoires, si bien qu’elles se disent prêtes à s’engager dans un dialogue approfondi sur toutes questions relatives aux migrations et plus particulièrement l’immigration clandestine, le trafic des migrants et la traite des êtres humains.

 En revenant sur certains faits historiques, du fait de son passé colonial et de ses évolutions économiques et démographiques depuis l’indépendance, l’Indonésie est devenue malgré elle, un pays cosmopolite et de ce fait,  confrontée aux multiples défis d’accueil et d’intégration de personnes étrangères, a souligné Ana  Gomes.  Elle a pris pour illustrer son propos l’exemple de la minorité chinoise en Indonésie, une immigration fort ancienne. L’enracinement des Chinois a jadis fait suite à l’arrivée de pèlerins bouddhistes ensuite de marchands chinois au cours du 1er millénaire de notre ère, une présence qui a fini par fortement gonfler au cours de la période coloniale hollandaise, les Européens aimant bien s’entourer de membre des communautés chinoises. Un archipel qui a eu pour habitude d’assimiler les chinois aux trois termes de richesse, de  corruption et d’antinational, se gaussant de son unité dans la diversité…

 Sans oublier que l’Indonésie , compte tenu de la perméabilité de ses frontières, constitue aussi un point de transit important, un pays source majeure de la migration vers l’Australie pour de nombreux ressortissants afghans, sri-lankais et Irakiens en quête d’une vie meilleure au pays des kangourous. L’immigration s’impose dès lors à ce pays (devenu un passage exigüe entre deux terres faisant communiquer deux mers) comme un problème politique central, sachant le nombre d’embarcations faisant naufrage au bord du rivage indonésien, suscitant un débat public véhément au sein du pays même.

 L’Union européenne en accord avec ses valeurs, a montré l’exemple de la générosité en voulant soutenir par cet accord de coopération avec l’Indonésie, le développement et renforcement des systèmes de contrôles frontaliers venant lutter à ses côtés contre l’immigration clandestine. Bien entendu se pose l’éternelle question des problèmes humains et éthiques qu’engendrent de telles procédures d’interpellation et de renvoi des migrants en situation irrégulière. Outre le fait qu’une décision de réadmission prive souvent les personnes concernées de droits de recours effectifs, une telle procédure accélérée a permis à certains Etats-membres (ceux principalement soumis à une forte pression migratoire en raison de leur position géographique), de rapatrier des migrants sans vérification juste et préalable de la présence ou non de critères favorables à l’octroi du statut de réfugié ou de leur appartenance à un groupe vulnérable.

  A ce propos, la Commission, le Conseil et le Parlement ont certifié que de tels accords de réadmission avec l’Indonésie se feraient en prenant pleinement compte des droits de l’homme du migrant en situation  irrégulière concerné. Pour mieux comprendre et évaluer ceux-ci, le Parlement européen se dit prêt à recueillir des données  relative à ses effets induits et à suivre de très près leur mise en œuvre par la Commission (dixit Ana Gomes). 

Bien que le cadre institutionnel dans lequel s’inscrit la négociation des accords de réadmission ne permette pas l’intervention directe du Parlement européen à ce stade, l’importance des enjeux (en autres respects celui  des droits de l´Homme) justifie pleinement que le Parlement européen soit mieux informé.

 

Géraldine Magalhães

 

 Pour en savoir plus :

 

      -.Parlement européen- (2009-2014), Commission des Affaires étrangères, Projet de rapport intérimaire sur la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d’un accord-cadre global de partenariat et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Indonésie, d’autre part (COM(2013)0230 – C70000/2013 – 2013/0120(NLE)), 5/09/2013, Rapporteur: Ana Gomes; http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-%2F%2FEP%2F%2FNONSGML%2BCOMPARL%2BPE-513.093%2B01

       -. Eurolex- Proposition de Décision du Conseil relative  à la conclusion d’un accord-cadre global de partenariat et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Indonésie, d’autre part /* COM/2013/0230 final – 2013/0120 (NLE) */ ; http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2013:0230:FIN:FR:HTML

       -. Assemblée nationale- Constitution du 4 octobre 1958 (14ème législature), Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 juillet 2013, Rapport, n° 1241 fait par Avi Assouly (député), http://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r1241.asp

Persée- Revue Française de Science Politique, « Les Chinois en Indonésie », 738p,http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1967_num_17_4_393036

       -. IRIN- « Indonésie : Recrudescence significative de l’immigration clandestine » ;http://www.irinnews.org/fr/report/84855/indon%C3%89sie-recrudescence-significative-de-l-immigration-clandestine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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