Les migrants et réfugiés ont les mêmes droits que n’importe qui. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) vient de condamner l’Italie. Cet arrêt dit « arrêt Lampedusa » fera date !

La Cour n’a pas fait dans la nuance, nous sommes en présence d’un texte d’une extrême sévérité :la détention des requérants était illégal, les raisons leur en sont restées inconnues, ils n’ont pas pu la contester . Les conditions de détention ont porté atteinte à leur dignité. Leur expulsion a été collective. Les articles de la CEDH visés concernent le droit à la liberté et à la sureté, le droit d’être informé rapidement ,sur les faits reprochés , le droit de faire statuer à brefs délais sur la légalité de sa détention, l’interdiction d’expulsions collectives, l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants, droit à un recours effectif.

La Cour européenne des droits de l’homme a condamné l’Italie le 1er septembre pour rétention illégale, d’abord sur l’île de Lampedusa dans des conditions dégradantes puis sur des navires amarrés dans le port de Palerme, de migrants tunisiens irréguliers débarqués sur les côtes italiennes en 2011 et pour leur expulsion collective (affaire Khlaifia e.a. )

Les juges européens ont reproché à l’Italie la violation de plusieurs articles de la Convention européenne des droits de l’homme puisqu’elle a détenu ces migrants sans aucune base légale (violation de l’article 5§1) sans être informés des faits qui leur étaient reprochés (art5§2), ni avoir la possibilité de contester la légalité de leur détention (art 5§4).

Bien que tenant compte de la crise humanitaire exceptionnelle à laquelle l’Italie était confrontée à l’époque, en raison de la migration massive de tunisiens suite au printemps arabe, la CEDH a estimé par ailleurs que ces migrants avaient été détenus dans des conditions dégradantes (surpeuplement, conditions sanitaires et d’hygiène, manque de contact extérieur) portant atteinte à leur dignité dans le Centre d’accueil de Contrada Imbriacola, sur l’île de Lampedusa en violation de l’article 3 de la Convention et qu’ils avaient fait l’objet d’une expulsion collective interdite par l’article 4 du Protocole 0 la Convention . En effet bien que les intéressés aient été soumis à une procédure d’identification par les autorités consulaires tunisiennes et aient reçus des décrets de refoulement individuels, aucun entretien individuel n’a eu lieu et ces décrets étaient rédigés en termes identiques, sans référence à la situation individuelle et personnelle de chaque migrant.

De plus les migrants ont été expulsés sans avoir eu la possibilité d’introduire un recours qui puisse être considéré « effectif » dans la mesure où il aurait suspendu la procédure d’éloignement (violation de l’article 13 de la Convention combiné avec les articles 3 et 4 du Protocole N° 4).

Cet arrêt intervient à point nommé, à un moment où les pays européens font face à un afflux exceptionnel d’ immigrants provenant notamment de zones en guerre (Syrie, Iraq, Libye …)Ils sont obligés de leur trouver des installations provisoires d’urgence décentes alors ,qu’ils sont tentés de recourir à des procédures accélérées pour refouler ceux qui n’auraient pas la vocation à prétendre au droit d’asile. Le côté exceptionnel ne peut justifier les manquements, violations et défaillances de tout ordre qui ont été constatés.

L‘arrêt corrobore la jurisprudence de la Cour de l’UE qui a insisté dans plusieurs affaires sur l’importance de la procédure d’accueil respectant les droits des immigrants à un examen personnalisé de leur situation et à un traitement équitable, et sur le respect de leurs droits même en cas d’éloignement.

Compte tenu de l’actualité on peut s’étonner que l’arrêt de la CEDH n’ait pas reçu plus de publicité dans les grands médias !

Pour en savoir plus :

Communiqué de presse (EN) http://www.humanrightseurope.org/2015/09/italy-judges-say-unlawfully-detained-migrants-faced-degrading-conditions-at-lampedusa-reception-centre/ (FR) http://www.google.be/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&frm=1&source=web&cd=1&ved=0CCEQFjAAahUKEwjpjuzUsOXHAhUEPRoKHeznBLU&url=http%3A%2F%2Fhudoc.echr.coe.int%2Fapp%2Fconversion%2Fpdf%3Flibrary%3DECHR%26id%3D003-5158710-6376744%26filename%3DKhlaifia%2520et%2520autres%2520c.%2520Italie%2520-%2520Detention%2520et%2520expulsion%2520de%2520migrants%2520tunisiens%2520apr%25E8s%2520le%2520printemps%2520arabe.pdf&usg=AFQjCNFSpuSC4xtCVrbu_rk2rEpxc4bESg&bvm=bv.102022582,d.d2s 

Texte de l’arrêt (FR) http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-156517#{« itemid »:[« 001-156517 »]}

 Déclaration du Secrétaire général du Conseil de l’Europe (EN)http://www.coe.int/en/web/portal/-/migration-crisis-poses-serious-threat-to-the-respect-for-human-rights (FR) http://www.coe.int/fr/web/portal/-/unhcr-and-council-of-europe-leaders-stress-need-to-protect-human-rights-of-refugees

 Fact sheets de la CEDH du Conseil de l’Europe concernant sa jurisprudence sur les expulsions collectives http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Collective_expulsions_ENG.pdf

 Fact sheets de la CEDH du Conseil de l’Europe concernant les migrants http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Migrants_detention_ENG.pdf

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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