Le marché unique numérique, 2014 pourrait bien être l’année de la création d’un cadre règlementaire nécessaire à sa mise en place. La Présidence Grecque en avant-poste assurera la fin de chantier.

La Commission LIBE du Parlement européen (Libertés publiques, justice et affaires intérieures) a eu un premier débat, le 8 janvier, sur ce dossier auquel elle est associée en raison de ses compétences sur la protection des données et la lutte contre la cybercriminalité, notamment. Avant de se pencher sur l’ambition européenne de créer un marché unique numérique, il n’est pas inutile de retracer les « grandes étapes de la construction européenne » en la matière.

C’est en 2010 que Neelie Kroes  (la Commissaire au numérique)  propose  une  « Stratégie du numérique » (initiative lancée officiellement avec la communication de la Commission du 19 mai 2010) constituant l’un des sept piliers de la stratégie Europe 2020. Une stratégie  portant l’objectif de mieux exploiter le potentiel des technologies de l’information et de la communication (TIC) et ce en vue de favoriser l’innovation, la croissance économique et le progrès. Cette stratégie ferait suite à une demande croissante des européens (particuliers et entreprises) friands de nouvelles technologies numériques et souhaitant avoir  le choix le plus large.

  Neelie Kroes rappelait à cette époque que : « comptant des millions de clients, le marché européen avait pour principale défaut sa division géographique, cela impliquant aussi divers  frais et accords pour les milliers d’opérateurs télécoms du continent, créant par-là de nombreuses différences tarifaires selon les pays, certains pays restant mieux lotis que d’autres». Au  grand regret de Neelie Kroes,  le budget de l’Union européenne n’a  pas suffisamment suivi cette tendance du développement du numérique, alors que le secteur des TIC  représentait en 2012 déjà, pas loin de 6 % du PIB de l’Union et un peu moins de 10 millions d’emplois dans toute l’UE. Aussi, d’après certaines estimations, l’UE pourrait voir son produit intérieur brut augmenté de 4% si elle daignait prendre les mesures nécessaires à l’établissement  d’un marché unique du numérique moderne. A l’Europe de tirer parti  du nouveau paysage informatique ainsi que du nouvel environnement de partage de l’information. Plus personne ne doute sur le fait que le numérique doit favoriser l’économie. Une règlementation uniforme et moderne de la protection des données au sein de l’UE, c’est précisément à cela qu’il faut travailler, si nous désirons renforcer la confiance et aider à la croissance dans le marché unique du numérique (propos de Viviane Reding).

Ainsi, alors que le marché unique fêtait ses 20 ans en 2012, celui-ci semblait alors encore loin d’être achevé pour notre Commissaire qui récemment a fait part de  sa ferme intention de ne prendre sa retraite qu’une fois avoir mis fin à tous les obstacles du marché unique.

La Commission s’est engagée pour  2013-2014 à adopter  une « stratégie numérique révisée », reprenant sept grands points dont :

–          Créer un nouvel environnement réglementaire stable pour le haut débit

–          Créer de nouvelles infrastructures de services publics numériques

–          Lancer une grande coalition sur les  compétences  et les emplois numériques

–          Proposer  une stratégie de l’UE  en matière de cybersécurité (définition d’une stratégie cybersécurité et établissement  d’un centre européen de lutte contre la cybercriminalité)

–          Mettre à jour le cadre du droit d’auteur

–          Donner  un coup d’accélérateur à l’informatique en nuage, nous permettant à la fois de trouver notre place dans un marché mondial en pleine expansion et conserver la maitrise de nos données

–          Lancer la nouvelle stratégie industrielle électronique

Néanmoins, il reste dans beaucoup d’Etats membres,  des mesures à prendre pour développer les réseaux à haut débit, promouvoir l’inclusion numérique ou encore améliorer les services d’administration électronique.  Le marché unique numérique continue de faire face à une série d’obstacles tels que : le cloisonnement des marchés, leur manque d’interopérabilité, la cybercriminalité, la faiblesse des investissements pour la recherche et l’innovation, l’absence de compétences numériques (on estime presque 30 % le nombre d’européens n’ayant jamais utilisé internet)…

Une vision européenne d’un marché unique numérique ouvert, compétitif mais protecteur de la vie privée et facteur d’inclusion sociale  peine à se bâtir.

Face à cette perte de vitesse de l’Union dans les services de communication, la nouvelle Présidence grecque a inscrit parmi ses priorités : de progresser dans le secteur des télécommunications pour achever le marché unique numérique.  Les ministres responsables lors du dernier « Conseil télécoms » (sous Présidence Lituanienne datant du 5 décembre) ont à ce propos sommé cette dernière à approfondir le débat sur certains points spécifiques du paquet proposé par la Commission européenne.  La Présidence grecque « travaillera à promouvoir toutes mesures nécessaires à la création du cadre pour le marché unique numérique, de même qu’à la publication d’une feuille de route pour la stabilité et le développement de ce marché ».

Toujours à l’Agenda du numérique et du côté parlementaire, la commission Itre devrait se prononcer fin février 2014 sur le rapport rendu par Pilar del Castillo (PPE,espagnole) , un rapport qui insiste sur la nécessité d’accès de tous les citoyens au très haut débit (soit réduire la fracture numérique par la formation à l’utilisation et un accès aménagé pour des personnes âgées ou handicapées…), mettant en complément l’accent sur la formation au TIC  tout au long de la vie.  En d’autres termes, le rapport se fixe comme objectif de diminuer de moitié « l’illettrisme numérique » et d’édifier une société de la connaissance européenne d’ici 2015.

Sous la Présidence grecque, devrait également être adopté la proposition de règlement du Parlement et du Conseil sur l’identification /l’authentification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques dans le marché intérieur, un règlement considéré aujourd’hui comme vital pour garantir une certaine sécurité des transactions électroniques transfrontières et garantir le respect des droits des consommateurs.  En effet, instaurer un climat de confiance dans l’environnement en ligne s’avère être essentiel  à tout développement économique futur.  Chaque consommateur, chaque entreprise ou chaque administration n’ayant que très peu confiance, hésiteront tous à exécuter des transactions par voie électronique et à adopter de nouveaux services. Nombreuses consultations ont révélé qu’une grande majorité des parties prenantes reconnaissant la nécessité de mettre à la disposition de l’UE, un cadre transnational et intersectoriel complet pour des transactions électroniques sûres, fiables, aisées recouvrant l’identification, l’authentification et les signatures électroniques.

Les discussions avec le Parlement entamées sur ce dossier en novembre dernier progressent bien ; l’objectif étant de parvenir à un accord final en première lecture avant la fin de la législature actuelle, en avril 2014.

Parallèlement, la nouvelle Présidence s’attachera à achever les travaux  sur la directive en matière de cyber-sécurité  prévoyant un ensemble de mesures destinées aux domaines « critiques » de l’énergie, des transports et de télécommunications en vue de protéger l’Internet ouvert et les libertés en ligne. Neelie Kroes avait d’ailleurs expliqué comme suit que : « Plus on a recourt à l’internet, plus on se montre exigeant en ce qui concerne sa sécurité. Un Internet sûr, c’est la garantie que nos libertés, nos droits et nos possibilités d’activité économique sont protégés, Il est temps d’agir et il faut le faire de manière coordonnée.» Cette Directive de la Commission devrait donc aussi par ailleurs encourager à une meilleure coopération entre Etats-Membres en matière de gestion  de risques et des rapports d’incidence aux autorités nationales.

Enfin, la Grèce devrait se charger de réviser à mi-parcours la stratégie numérique pour l’Europe, analysant la position que défendra celle-ci lors de la prochaine conférence mondiale de l’Union internationale des télécommunications (ITU).

Au même titre que l’union bancaire, l’un des plus importants projets portés par l’UE au cours des mois qui suivront, sera la création d’un « marché unique des télécoms » pour  faire de l’Europe, un continent connecté (terme emprunté à José Manuel Barroso).

Géraldine Magalhães

Pour en savoir plus :

      -. Bulletin Quotidien Europe n° 10992 – « Le marché unique numérique sera la priorité clé de la Grèce », 9 janvier 2014 ;

      -. Commission Européenne-Communiqué de Presse- « Vers le marché unique du numérique », 19 /09 /2013 ; http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-13-729_fr.htm

      -. Nouvelle Europe- A.Delbarre« Le marché unique numérique, un chantier en cours de construction », 12 septembre 2013 ;http://www.nouvelle-europe.eu/le-marche-unique-numerique-un-chantier-en-cours-de-construction

      -. Eurlex- Document de travail des services de la commission résumé de l’analyse d’impact accompagnant la proposition de règlement du Parlement Européen et du Conseil sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur /* SWD/2012/0136 final – COD 2012/0146 */ ;http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2012:0238:FIN:FR:PDF

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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