Google : attention danger ! la Commission jette l’éponge ? dans un souci d’éviter un conflit juridique long, mais pouvant déboucher sur une amende sévère (maximum : 10% du chiffres d’affaires), soit plusieurs milliards ? Des remous en France , mais Google accepte d’afficher une condamnation par la CNIL française.

 L’enquête conduite par la Commission sur l’éventuel abus de position dominante de Google « se termine bien », une fois de plus, pour Google. Pour autant la messe n’est pas encore dite et des rebondissements sont encore possible : les plaignants (au nombre de 18 ne sont pas d’accord, il n’est pas impossible que le dispositif prévu ne fonctionne pas ou mal et crée de nombreux litiges. Google garde toute sa capacité pour gagner du  temps et « jouer la montre » comme il a toujours su le faire et cela sans  jusqu’auboutisme et sans chercher à heurter de front les institutions européennes. En un mot : Google a simplement convenu de faire des concessions sur la manière dont les résultats de ses concurrents s’affichent sur ses pages de recherche. Ce principe s’appliquera non seulement aux services de recherche existants, mais aussi à tout changement de présentation de ces services et aux services futurs. Il reste à transformer cette proposition en une obligation juridiquement contraignante suite à une décision de la Commission. Un mandataire indépendant choisi par la Commission contrôlera le respect des engagements. Quelle est la pertinence d’un accord qui ne concerne que les activités de Google sur le marché européen ?Seul l’avenir jugera.

C’est donc après une enquête de plus de trois ans, enquête à rebondissements et après d’âpres négociations que Joaqim Almunia, commissaire responsable de la concurrence, a manifesté son intention d’accepter les nouveaux engagements consentis par Google.

Pour répondre à l’accusation de mettre en avant les résultats obtenus à travers ses propres moteurs de recherche spécialisés au détriment de la visibilité  des moteurs de recherche verticaux concurrents dans les pages de recherche, Google s’est engagé à faire apparaître, à côté de ses propres liens et de manière clairement visible, ceux renvoyant à trois services concurrents. Ces liens seront sélectionnés de façon objective en fonction du nombre de requêtes des usagers ou sur la base d’une mise aux enchères pour les services commerciaux. Ils auront une présentation graphique comparable à ceux de Google.

Concernant le grief, accusation de reproduire sans autorisation les données récoltées sur les services concurrents, Google s’engage à donner aux fournisseurs de contenu (sans être pénalisé ou subir des représailles) de refuser que leurs contenus soient utilisés dans les services de recherche spécialisés de Google.

Répondant aux accusations de s’attribuer l’exclusivité publicitaire dans les pages de résultats de recherches intégrés aux sites web et de ne pas assurer la portabilité vers d’autres plateformes concurrentes des campagnes publicitaires sur sa plateforme AdWords ,Google s’engage à supprimer les clauses d’exclusivité dans ses accords avec les éditeurs pour la fourniture de publicité liée aux recherches et d’enlever les restrictions contractuelles qui interdisent aux développeurs de créer des outils permettant aux annonceurs de dupliquer les campagnes publicitaires sur des plateformes concurrentes de son servis AdWords.

Les prochaines étapes : ces engagements qui ne concernent que les activités Google sur le marché européen, c’est-à-dire les requêtes d’utilisateurs qui accèdent aux services de Google à travers un numéro IP européen, seront valables pendant cinq ans et seront surveillés par une entité indépendante nommée par la Commission qui informera régulièrement ce mandataire. La Commission insiste sur le caractère contrôlable et persistant de l’accord  dans un marché en évolution très rapide. C’est là l’enjeu de tout l’accord, le nœud du problème: Google a su jusqu’à maintenant contourner les contraintes qu’on tentait de lui imposer en  multipliant les innovations à un rythme accéléré. C’est là que réside le véritable « danger Google ».

 La Commission informera un par un tous les plaignants et indiquera les raisons pour lesquelles elle estime que les autres exigences formulées par les plaignants ne sont pas forcément justifiées .Elle examinera ensuit leurs observations avant de prendre la décision définitive, rendant ainsi ces engagements juridiquement contraignants au regard du droit européen.

Quel bilan tirer de cet accord ? Kent Walker, vice-président senior de Google, a déclaré : « Nous mettrons en place des changements significatifs dans la méthode de fonctionnement de Google en Europe. Nous avons collaboré avec la Commission européenne pour aborder les questions qu’elle se posait, et résoudre ce problème. » En acceptant les concessions, Google évite des années de litiges juridiques avec la Commission, qui auraient pu aboutir à une amende de plusieurs milliards d’euros. Google présente comme une concession l’acceptation d’un contrôleur indépendant. Les fournisseurs de contenu concurrents pourront refuser l’utilisation de leur contenu dans les services de recherche spécialisés de Google. S’ils ne souhaitent pas apparaître dans les encarts de publicité des pages de Google, ils ne seront pas rétrogradés dans les résultats de recherche ni dans les algorithmes qui déterminent l’ordre d’apparition dans les résultats de recherche. Voilà pour les concessions apparentes de Google.

En contrepartie et à première vue et sous bénéfice d’un inventaire plus poussé,  c’est une décision qui augmentera, peut-être,  les coûts de fonctionnement des concurrents, c’est l’argument avancé par Fairsearch, représentants des intérêts de plusieurs entreprises comme Microsoft. En effet, les concurrents sont tenus de payer pour obtenir un emplacement similaire à celui du propre matériel de Google, ce qui ne permet pas aux autres de rivaliser et d’offrir le choix aux consommateurs », selon FairSearch. D’autre part, l’accord est en partie fondé sur des éléments visuels, qui garantissent une combinaison des services de Google et des services concurrents dans les encarts de promotion publicitaire dans les pages de recherche. Les concurrents redoutent que Google change simplement la configuration de ces encadrés, ce qui rendrait l’accord obsolète. Les solutions présentées par la Commission ne seront-ils pas dépassés dans quelques semaines avancent d’autres concurrents. Par avance le commissaire Almunia a tenté de prévenir toute critique des accords : « les concessions faites par Google dissipent ces inquiétudes ». La consultation des 18 plaignants achèvera de dissiper, estime-t-il, les critiques et expressions diverses de scepticisme.

Cet accord sera-t-il autre chose qu’un armistice provisoire dans une guerre appelée à durer. Pour l’instant la barque est déjà lourdement chargée en conflits non résolus. Rappelons que Google fait l’objet d’autres enquêtes concernant notamment son système Androïd pour mobiles, son rachat de Motorola, ses évasions fiscales, et le respect de la protection des données à caractère personnel.

En France, où le fisc poursuit Google depuis plusieurs années pour un redressement fiscal supérieur à 1 milliard d’euros, l’annonce de la Commission a été plutôt mal perçue. « Le fait que Google soit la baleine dans la baignoire sur Internet saute aux yeux de n’importe quel internaute, et maintenant la Commission leur donne un blanc-seing ! » s’est-on étonné au ministère français des Finances. Le ton est monté ces dernières semaines entre le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg , et la Commission, au sujet des aides d’Etat. Arnaud Montebourg, qui tente de mettre en avant les entreprises françaises, reprocherait de son côté à Google une politique trop laxiste sur les données qu’il collecte. Il souhaiterait notamment que les données collectées en France soit stockées en France, par exemple.

Et la question de la fiscalité appliquée au géant de l’Internet reste totalement ouverte. Le projet français qui consistait à vouloir taxer les géants de l’Internet (et aussi les grandes firmes transnationales) a pour l’heure tourné court, mais la Commission européenne a mis en place un groupe de travail sur le sujet. La concurrence fiscale entre Etats européens pénalise les ressources des Etats, dont la France, où leur activité est importante. Un dossier multiforme qui dépasse la capacité de la seule Europe.

Google, dans un souci de toujours faire preuve d’un « fair play » apparent, vient d’afficher sa condamnation : rappelons que Google (cf. Nea say), condamné par la CNIL devait publier pendant 48 heures le communiqué de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés). Faisant appel, il estimait devoir s’en abstenir dans l’immédiat…il a finalement  (samedi 8 février, jour qui n’est pas le jour où le trafic est le plus important) mis en ligne sur sa page d’accueil française un encart mentionnant sa condamnation à une amende de 150.000 euros par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).La sanction pécuniaire prononcée par la Cnil était assortie d’une obligation de publier pendant 48 heures le communiqué. Google avait fait appel de cette décision d’obligation de publication, en déposant un référé devant le Conseil d’Etat. Mais vendredi, le Conseil d’Etat a rejeté la demande de Google. Un porte-parole de la firme américaine a indiqué immédiatement que Google se conformerait à l’injonction, mais entendait poursuivre son recours devant le Conseil d’Etat sur le fond. De son côté, la Cnil avait indiqué après la décision du Conseil d’Etat qu’il appartenait à Google de procéder à l’insertion du communiqué pendant 48 heures selon les modalités déterminées, sans préjuger du recours au fond. En conséquence, la page d’accueil google.fr présente un « communiqué » indiquant que « la formation restreinte de la Commission nationale de l’informatique et des libertés a condamné la société Google à 150.000 euros d’amende pour manquements à la loi « informatique et libertés », avec une adresse renvoyant au site de la Cnil. C’est le 8 janvier dernier, au terme de deux ans de procédure, que la Cnil avait infligé au géant informatique l’amende maximale de 150.000 euros pour sa politique de confidentialité des données jugée non conforme à la loi Informatique et Libertés. Le contentieux concerne la fusion, en mars 2012, d’une soixantaine de règles d’utilisation en une seule, regroupant les informations de services autrefois séparés comme la messagerie Gmail ou le réseau communautaire Google+. 150 000 euro , dérisoire a écrit il y a quelques semaines Nea say , mais c’est la maximum que pouvait infliger la CNIL

La solution obtenue par la Commission laisse les concurrents en colère : ils redoutent, pour commencer, à devoir se disputer aux enchères seulement trois places aux côtés des produits du géant Google. La mise au pas des géants du Net attendra ! Google pourra continuer à plaider sa bonne foi : ce qui compte c’est la confiance de nos utilisateurs pourra-t-il continuer à plaider. Et à propos du lourd dossier de l’évasion fiscale : nous collaborons avec le fisc et nous ne commentons pas les rumeurs pourra-t-il continuer à faire valoir.

Face à une telle puissance faut-il avoir peur de Google ? La question se pose répond le philosophe Michel Serres. Capacités de surveillance et de stockage énormes. Profits énormes, mais où passent ses investissements ? pas simplement à augmenter ses capacités de stockage,  avec Google Lab il se diversifie  dans une foule de services internet, mais une autre diversification apparait : la robotique et l’intelligence artificielle. Il contrôle déjà les industries clés du XXIè siècle. Le moteur de recherche va se transformer en intelligence artificielle, la santé, l’augmentation de la durée de la vie, la domotique, les objets intelligents, la voiture robot autonome. Il semble être entré de plein pied dans le « transhumanisme », idéologie née au milieu du siècle dernier, elle considère comme légitime d’utiliser tous les moyens scientifiques et technologiques pour augmenter les capacités de l’homme, son corps, son cerveau, son ADN, faire reculer la mort. Ce n’est plus de la science fiction. Google soutient cet idéologie et maîtrise toutes les technologies qui la sous-tendent : la robotique, l’informatique, les moteurs de recherche et l’intelligence artificielle, les nano-biotechnologies, le séquençage ADN. Google a été le premier à comprendre la puissance de la révolution des technologies NBiC qui font converger nanotechnologies, bio-ingénierie, informatique et cognitique qui vont  construire le XXIème siècle et donner une puissance extraordinaire : toutes ces technologies NBCI constituent une immense industrie qui est appelée à contrôler toutes les autres. Un vertige nous saisit : aucun concurrent pour lutter contre ce géant, plus puissante qu’un puissant Etat, une puissance unique dans l’histoire, une logique de prédateur, en avançant masqué, il va organiser le commerce dans le monde, faire pâlir d’envie les services de renseignements américains, mettre en jeu la souveraineté économique, fiscale des Etats, la souveraineté politique aussi des Etats, lorsqu’on observe le comportement, dilatoire, prudent des Institutions européennes on a parfois le sentiment d’avoir atteint ce stade ? N’est-il pas  trop tard ? Il n’est jamais trop tard et plus on tarde, plus la solution sera difficile à imposer, une solution dramatique : le démantèlement, comme le firent il y a un siècle les autorités américaines avec leur législation anti-trust ou les alliés vainqueurs de la dernière guerre mondiale en démantelant les cartels allemands rendus responsables de ces grandes tragédies.

Henri-Pierre Legros

Pour en savoir plus :

      -. Commission européenne : Regulations on antitrust: documents , portail de la concurrence (EN) http://ec.europa.eu/competition/antitrust/legislation/regulations..html

      -. Commission européenne : Antitrust: commitment decisions – frequently asked questions . Les décisions que la Commission peut prendre (EN) http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-13-189_en.htm?locale=en

      -. Commission européenne : Abus de position dominante: la Commission obtient de Google un affichage comparable de ses concurrents dans la recherche en ligne spécialisée (FR) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-14-116_fr.htm (EN) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-14-116_en.htm

      -. Dossier Google de Nea say  http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3054&nea=140&lang=fra&arch=0&term=0

      -. Synthèses de la législation de l’UE : concurrence (FR) http://europa.eu/legislation_summaries/competition/index_fr.htm (EN) http://europa.eu/legislation_summaries/competition/index_en.htm

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

Laisser un commentaire