Editorial n° 142 de NEAay: connaissez-vous la clause sociale horizontale de l’Union européenne?

Le Parlement européen a accueilli le 5 mars dernier les très pauvres, les exclus, les marginaux, les vulnérables, ceux en détresse. Le saviez-vous ? Connaissez-vous la clause sociale horizontale de l’Union européenne? Bien sûr que non !

Pourtant à Bruxelles le Parlement européen a accueilli dans ses murs la 13ème Université populaire quart monde et personne n’en n’a rien su. Une fois de plus le Parlement européen a démontré son incapacité à donner de la visibilité à ce qu’il fait et cela à quelques semaines des élections du 25 mai. Incapable de « vendre » l’Europe, il  rejoint l’immense cohorte de ceux qui sont incapables de « vendre » deux gouttes d’eau à un bédouin dans le désert. Le citoyen européen attend qu’on lui parle de l’Europe, son espérance et ses échecs, il est infiniment plus ouvert que ne le laissent entendre politiciens et médias, les uns et les autres trop souvent incompétents et ignorants. Ajoutons que le Comité économique et social européen (CESE) a lui aussi dans un passé récent accueilli ces mêmes Universités populaires ATD-Quart monde.

L’opinion publique admet spontanément, même si elle le regrette fortement, que l’Union européenne a beaucoup de pouvoirs dans le domaine économique, mais peu ou pas dans le domaine social. Cela fait partie des idées reçues fortement ancrées. Bien évidemment il n’en est rien et avancer l’absence de compétence en matière sociale pour ne pas agir, n’est qu’un réflexe paresseux qui refuse la solidarité. Une forte ignorance qui ne veut pas se soigner.

A l’évidence, toutes les mesures économiques ont des conséquences sociales : l’emploi et le chômage, les conditions de travail, les migrations, les mesures d’austérité, l’accès aux services de base comme l’eau, un droit fondamental vient de rappeler une « initiative citoyenne européenne (ICE). Pensons aussi à l’énergie. Toutes ces mesures relèvent des politiques économiques mais ont des effets considérables sur le bien-être des citoyens. Or la clause sociale horizontale est là pour assurer une cohérence forte entre tous les objectifs, les objectifs économiques comme les objectifs sociaux.

C’est ce qu’a voulu rappeler l’Université populaire Quart Monde le 5 mars dernier.

Les Etats membres de l’Union ont voulu renforcer par cette « clause sociale horizontale » le lien entre les différents domaines des politiques publiques et au sein de chaque niveau de compétences : c’est l’article 9 du Traité de Lisbonne qui l’a inscrit dans un texte quasi constitutionnel. Située à un tel niveau, l’obligation est forte, impérative. Quelle conclusion en tirons-nous ? Il faut s’interroger !Mais que dit cet article 9 ?

« Dans la définition et la mise en oeuvre de ses politiques et actions, l’Union prend en compte les exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale ainsi qu’un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine ».

Tout est dit dans cette clause sociale horizontale ; elle oblige l’Union européenne à prendre en compte, et dans toutes ses mesures sans exception, les conséquences sociales, à chaque fois qu’une nouvelle mesure est envisagée. L’Europe s’engage à en étudier l’impact social avant de prendre une décision. C’est l’obligation de l’étude d’impact social : pour mieux cibler les mesures et préserver les groupes vulnérables. Lorsqu’il y a plusieurs scénarios possibles, l’étude d’impact permet de choisir le scénario le plus avantageux, le moins nuisible pour les populations, notamment les plus défavorisées. Il existe un grand nombre d’études d’impact, mais trop souvent réduit à n’être qu’un pur exercice bureaucratique et procédural, condamné  à être ignorées par les décideurs. La mise en oeuvre en est biaisée.

Faire connaître cette clause sociale horizontale n’a pas été le seul mérite de cette université populaire : elle a permis de déployer une pédagogie innovante qui lui est propre,  en rassemblant dans un atelier de réflexion les personnes les plus directement concernées, les premières victimes, ceux qui ont fait et font l’expérience de la pauvreté, mais aussi les institutionnels de l’Europe (notamment les députés européens membre de l’intergroupe parlementaire du Parlement européen que préside Sylvie Goulard), les ONG solidaires et les citoyens engagés. La méthode est basée sur le croisement des connaissances et des compétences, la conviction que les pauvres et marginaux abîmés par la vie sont sources de connaissances, s’appuyer sur les vertus du savoir collectif qui peu à peu émerge des échanges, chacun avec ses mots, ses limites, ses maladresses, ses insuffisances. Tout être humain a un talent, une somme d’expériences à faire valoir.

C’est alors que nous nous retrouvons loin des clichés et des slogans : il faut avoir entendu un de ses blessés de la vie insister pour que la compétitivité des entreprises soit préservée et développée, que soient évitées les attitudes et les  mesures démagogiques, toutes illusoires. Un seul mot d’ordre : ne pas aller plus loin que ce que l’on est capable de comprendre ensemble.

De tout cela se dégagent quelques conclusions fortes, fortes de cette alchimie et de cette spontanéité, sans messages venus d’en haut : la crise est un paravent abusif trop souvent évoqué pour ne rien faire, une crise qui dure, sans fin et s’imposerait en tout lieu et en tout temps, n’a pas de sens. Certes nous sommes à une bifurcation de l’histoire, à un moment d’une profonde mutation, témoin de la fin d’un monde, mais ce n’est pas la fin du monde….. Ce fut une occasion  pour apprendre  la dure réalité du quotidien qui s’impose à tous et impacte le vécu. Le mérite d’une bonne pratique de « la clause sociale horizontale » est de prendre les problèmes le plus en amont possible, d’avoir des effets préventifs et pas seulement correctifs, de ne pas prendre en considération seulement le travail (sa rémunération, sa pénibilité, sa précarité) mais aussi le bien-être des gens trop souvent négligé. C’est une incitation à connaître et à connaître le concret. Ce qui améliore le sort des plus démunis, améliore aussi celui des autres.

La connaissance est le socle de tout, nécessité également d’impliquer les gens : la participation est la règle du succès. Mais la clause sociale horizontale c’est aussi le risque de l’horizontalité des projets avec leurs généralités qui fait perdre la spécificité des situations: mesures trop générales pas assez explicites, pas assez ajustées aux cas concrets rencontrés « sur le terrain ».  Une Europe vraiment sociale est encore possible. Cette journée donne véritablement du grain à moudre à ceux qui veulent animer la campagne électorale des européennes. Des propositions vont être rendues publiques et être adressées aux candidats.

Cet éditorial ne donne qu’un aperçu  de l’université populaire : pour en savoir plus rendez-vous sur http://www.atd-quartmonde.be/Retour-en-images-sur-l-Universite-populaire-Quart.html  Le retour en images donne une image plus complète, bien  au-delà de l’un des nombreux ateliers organisés dont il vient d’être rendu compte.

Henri-Pierre Legros

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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