Les accords PNR entre l’UE et le Canada continuent à poser problème au sein du Parlement européen divisé (Commission LIBE 5 et 11 novembre)

Alors que la directive PNR avait été suspendu l’année dernière, celle ci fait de nouveau débat au sein du Parlement Européen. Présentée par la Commission européenne devant la Commission LIBE du Parlement européen le 5 novembre 2014. C’est Luigi Soreca, directeur de la sécurité interne de la DG Home de l’UE, qui s’est vue confier la responsabilité de représenter la Commission européenne pour renouveler la proposition de Directive relative au transfert des données des passagers dans le cadre de vols internationaux afin de lutter contre le terrorisme. Performance décevante de la Commission européenne qui a justifié la nécessité d’une telle réglementation sur les risques et la situation d’urgence de l’UE en matière de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme.

Timothy Kirkhope (ECR, UK) rapporteur a affirmé que l’UE doit mettre en place ses propres règles le plus tôt que possible pour prévenir le terrorisme .

Les raisons du blocage de la Directive en 2013:

Le 24 avril 2013 les députés avaient voté contre la proposition de la Directive PNR à 30 voix contre 25, en dénonçant l’absence de garanties concernant la proportionnalité du traitement des données des passagers et la nécessité du transfert. Les arguments en faveur avancés concernent la prévention du terrorisme, mais celui ci reste très fortement critiquable. De plus ce rejet de la Directive par la Commission LIBE intervenait juste après la déclaration de la CJUE qui venait d’invalider la Directive sur la Conservation des données de 2006 à des fins de prévention, de recherche, de détection et de poursuite des infractions grave notamment en matière de criminalité organisée et de terrorisme.

Sophie Int’Veld (ADLE, NL) alors rapporteur fictif avait affirmé que le dossier PNR est intimement liée à la protection des données et que donc il ne pouvait pas être adopté avant qu’une harmonisation de la protection des données soit adoptée.

Jan Phillip Albrecht avait souligné l’incompatibilité de cette directive avec certaines Constitutions et jurisprudences nationales ainsi que vis à vis de la l‘article 8 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’UE relatif à la protection des données à caractère personnel. Cependant il a affirmé que ceci ne voulait pas dire que l’échange de données entre Etats membre ne soit pas important.

Les députés, bien que majoritairement contre, restent divisés et les arguments retenus en faveur ou à son encontre restent discutables. Quelles sont les doutes qui persistent ?

L’utilisation des données des dossiers passagers est-elle proportionnelle à l’objectif poursuivi?

 Comme le souligne Sophia Ent’Veld rien n’a jusqu’à ce jour prouvé que de telles mesures aient permis de prévenir le terrorisme. Le transfert et le stockage des données est critiqué car il serait excessif et les garanties insuffisantes. En effet la proposition de la Commission prévoyait que les données puissent être stockées jusqu’à 5 ans. Cette mesure peut paraître excessive et c’est pourquoi les députés demandent que la Commission fournisse une analyse d’impact significative . Les députés ont critiqué les fondements de la Directive et le manque de preuve sur les résultats qui pourraient être engendrés par cette directive au delà de la protection des données.

Cornelia Ernst (GUE, ALL) a prié la Commission européenne de faire évaluer son impact par les services juridiques, sans quoi il serait inopportun de pouvoir considérer cette proposition au risque de paraître « ridicule ».

D’autre part l’anonymisation des données, prévue par la directive, n’est pas suffisante, selon certains, car de toute manière la propriété des données peut facilement être établie.

 La Directive sur la Conservation des Donnée déclarée invalide par la CJUE

 Lorsque les députés avaient rejeté la proposition de la Commission sur la Directive PNR on venait juste d’apprendre que la Cour de Justice avait déclaré l’invalidité de la Directive de 2006 sur la Conservation des données. Ce nouvel élément devait donc être pris en compte pour une future proposition PNR.

Les députés, ayant suivi l’affaire PNR, se sont donc indignés que la Commission européenne réitère sans changement sa proposition. Jan Albrecht ainsi que Sophie Int’Veld ont souligné la nécessité de tenir en compte de la sentence de la Cour de Justice sans quoi la proposition PNR ne serait pas légitime.

L’amélioration des échanges d’informations dans l’Union : Oui, mais pas au détriment de la protection des données

 Jan Phillip Albrecht (Vert, All) a affirmé le 11 novembre 2014 qu’il est « important de comprendre que personne ne s’oppose à un meilleur échange d’informations. » Selon lui les objectifs visés par la Directive PNR, c’est à dire la lutte contre le terrorisme, devrait d’abord se traduire par un échange d’informations entre Etats, avec si nécessaire des transferts de données. Cependant la Directive PNR ne prévoit pas un tel échange mais le stockage de données. Selon lui c’est cet échange d’informations qui ne fonctionne pas.

La protection des données un préalable à l’adoption de la Directive PNR ?

Certains députés ont souligné la nécessité d’adopter le paquet protection des données avant de se prononcer sur la Directive PNR. De plus plusieurs ont soutenu que l’adoption de cette réglementation ne changerait rien car certains Etats ont déjà adopté le PNR et pratiquent ces mesures (France, Royaume-Uni, Lithuanie, Estonie). Sophie Int’Veld s’oppose à cette directive en renvoyant la compétence aux Etats, car tous ne souhaitent pas prendre de telles mesures et y seraient de cette manière contraints.

L’adoption de la Directive PNR, souhaitée pour décembre, semble à ce stade être bloquée par manque de consensus en la matière. La discussion du paquet protection des données devrait permettre d’éclairer davantage les orientations politiques du Parlement européen en matière de protection des données mais aussi des suites à donner aux accords PNR. Les réunions de LIBE début décembre permettront, espérons le, aussi d’en connaître plus sur les intentions de la Commission européenne ou le nouveau commissaire , Avramopoulos, est attendu. Notons enfin que les menaces sont aujourd’hui beaucoup plus fortes qu’elles ne l’étaient il y a plus d’un an lors du premier débat ce qui ne manque pas d’influencer la teneur du débat.

Marie Anne Guibbert

 

Pour en savoir plus :

 

– Protection des données à caractère personnel : la nouvelle stratégie de la commission en matière de données des passagers aériens (PNR« européen ») ne donne pas le sourire au contrôleur européen – EU-Logos Athéna – 25/10/2014 – (FR)

 – Accord UE-Australie sur le traitement des données des dossiers passagers (données PNR) par les transporteurs aériens au service australien des douanes et de la protection des frontières – JOUE – (FR) (EN)

 – Lutte contre le terrorisme : débat sur l’utilisation des données des passagers de l’UE (PNR) – Communiqué de Presse – Commission LIBE – 11/1/2014 – (All languages)

 -Les discussions sur la proposition de directive PNR devront tenir compte de l’arrêt de la CJUE ayant invalidé la directive sur la protection des données, estime le gouvernement luxembourgeois – Europaforum- 14/10/2014 – (FR)

 – Réunion de la Commission LIBE – Parlement européen – 11/11/2014 – (All languages)

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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