Le nouveau visage du droit d’auteur en Europe

Julia Reda, membre du Parti Pirate européen, chargée par le Parlement Européen d’étudier comment modifier la législation actuelle, a rédigé une proposition de réforme du droit d’auteur au niveau européen: les citoyens et les auteurs sont les sujets à protégés dans un marché qui a évolué malgré le cadre réglementaire, un cadre réglementaire qui a jusqu’ici favorisé les géants de l’industrie. « Nous avons besoin d’une loi européenne commune sur le droit d’auteur : un document qui cherche un équilibre entre les règles et la créativité ».Rappelons que le droit d’auteur fait partie des priorités retenues par la Commission Juncker.

Jusqu’à maintenant l’Union Européenne est fondée sur plus de 28 lois sur le copyright. «Il est donc temps d’unifier l’ensemble » estime Julia Reda et elle travaille depuis longtemps à cet égard. Elle a déposé le 20 Janvier, 2015 son rapport sur la directive dite InfoSoc, qui depuis 2001 régit le droit d’auteur européen. Elle a été la seule députée du Parti Pirate à être chargée de préparer un rapport sur la mise en œuvre de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. Il s’agit d’un message fort envoyé à la fois aux ayants droit et à la jeunesse européenne, qui peut se sentir représentée par cette élue allemande. Mais c’était aussi un test pour vérifier la crédibilité du Parti Pirate et de ses propositions législatives.

À partir du moment où elle a été investie pour cette tâche, elle a été harcelé de demandes et de rendez-vous de divers groupes d’intérêt, au moins 86. Elle s’est attachée à un idéal de transparence aussi rare comme un diamant précieux , elle a , par exemple, tout noté minutieusement et puis a rendu publiques toutes les données.

La plupart des pressions provenaient des éditeurs, distributeurs, gestionnaires de droits, prestataires de services et intermédiaires, tandis que la catégorie la moins présente, paradoxalement, a été celle des auteurs. La liste des lobbyistes qui ont essayé d’influencer le rapport de Reda est disponible dans un tableur posté sur le net. Parmi les lobbies, il est flagrant de remarquer les grand acteurs mondiaux tels que Google, Apple, Intel, Samsung, et même la Fédération International de l’Industrie de la pornographie et Walt Disney.

Même si la députée a fait un excellent travail, en donnant corps à une demande de Transparency International sur l’adoption d’un footprint ou empreinte législative (une proposition de document dans lequel chaque politiciens devrait prendre note de la date, du lieu, de l’interlocuteur et du sujet de la conversation avec tous les lobbyistes), nous devons pousser afin que son exemple soit adopté par tous les députés élus au parlement national, et en particulier au Parlement européen. En effet, si celles-ci sont les données pour un seul député européen pendant quelques mois, on peut imaginer ce qui peut se dérouler autour de 751 députés pour un mandat complet.

Dans son rapport, Julia Reda focalise son attention sur deux points faibles de l’état actuel de la législation du droit d’auteur de l’UE. Le premier est qu’il existe une directive qui date de 2001, c’est-à-dire datant d’une autre époque digitale, avant les réseaux sociaux et youtube, et avant l’existence d’outils qui avec leur capacité de « partager », affectent de manière significative la question du droit d’auteur. Pour cette raison, la directive de 2001 est tout à fait insuffisante pour répondre aux besoins d’aujourd’hui.

Plus grave encore,un deuxième point faible : le fait de ne pas avoir une loi commune. Chacun des 28 États a des lois différentes de sorte que souvent en ouvrant une page Web on peut lire : « Ce contenu n’est pas disponible dans votre pays » qui, d’après Reda, ne devrait pas arriver dans un marché commun, comme celui de l’UE. En outre, dans certains États, il est interdit de publier des photos de bâtiments publics, des photogrammes de films ou d’autres variations qui impliquent une difficulté à comprendre si nous faisons quelque chose d’illégal ou pas. La députée souligne que ce ne sont pas seulement les utilisateurs ordinaires qui ont des difficultés, mais aussi les archives et les bibliothèques: ils n’arrivent pas toujours à déterminer les œuvres protégées du droit d’auteur et surtout quand il s’agit d’actes qui, par définition, sont dédiés à la préservation et la diffusion. Et puis on a les œuvres numériques comme les livres électroniques qui sont souvent considérés par la loi de manière différente par rapport aux œuvres matérielles comme les livres en papier.

Le rapport, disponible en ligne, permet de vérifier que le Parti Pirate n’est pas favorable à une suppression des droits d’auteur comme leurs détracteurs aiment à le prétendre, mais à une simple adaptation qui prend mieux en compte les besoins du public et des entreprises. Ce rapport propose d’établir une zone unique avec quelques règles claires et avec l’objectif de libérer toute la créativité possible. Une idée novatrice qui vise à unifier, après des années d’anarchie authentiques, tous les règlements sur le droit d’auteur mis en œuvre par les pays membres. Il propose d’agir sur divers leviers permettant de renforcer les droits des utilisateurs. Julia Reda incite notamment à promouvoir le domaine public, en ramenant la durée des droits de 70 à 50 ans après la mort de l’auteur. Elle demande également à ce que les exceptions au droit d’auteur figurant dans l’actuelle directive deviennent toutes obligatoires, de manière à ce qu’aucun citoyen de l’Union ne soit lésé par une législation nationale trop restrictive.  Dans le domaine de la recherche et de l’enseignement, Julia Reda propose d’élargir l’exception pédagogique actuellement existante et d’introduire une nouvelle exception en faveur de l’exploration de données (Text et Data Mining). Elle demande également à ce que les bibliothèques puissent mettre à disposition des œuvres sous forme numérique, dans le prolongement de leurs missions traditionnelles d’accès à la culture.

Ainsi dès le début de son rapport, Julia Reda convient que « le cadre juridique européen sur le droit d’auteur et les droits voisins est central pour la promotion de la créativité et de l’innovation », mais aussi elle reconnaît « la nécessité pour les auteurs et les artistes-interprètes d’être dotés d’une protection juridique pour leur œuvres créatreices et artistiques ». Elle inclue même la reconnaissance du rôle et de la nécessité de rémunérer les producteurs et les éditeurs, ce qui n’est pas la position la plus répandue au Parti Pirate. Mais même si la députée européenne cherche à ménager les ayants droit en s’abstenant de propositions révolutionnaires qui n’auraient aucune chance d’être adoptée, son rapport reste rempli de propositions qui visent avant tout à rééquilibrer les droits.

Les points principaux sur lesquels se base le rapport de la députée allemande sont les suivants :

  • Interdire les limitations à l’exploitation du domaine public, que ce soit par l’utilisation de mesures techniques (Digital Rights Management DRM) ou contractuelles, et reconnaître le droit des auteurs de renoncer à leurs droits en faveur du domaine public ;
  • Harmoniser les durées de protection des droits dans toute l’Union Européenne, sans excéder la durée de 50 ans post-mortem  prévue par la convention de Berne (actuellement le droit européen pousse la protection de base à 70 ans après la mort de l’auteur) ;
  • Rendre obligatoires toutes les exceptions au droit d’auteur prévues par la directive de 2001, qui laisse à présent une marge d’appréciation aux Etats ;
  • Intégrer l’audiovisuel dans l’exception de courte citation ;
  • Expliciter le fait qu’un lien hypertexte n’est pas une communication au public susceptible de faire l’objet d’un droit exclusif (comme dans l’arrêt Svensson de la CJUE) ;
  • Admettre le « droit de panorama », c’est-à-dire la possibilité de diffuser des photos ou vidéos d’œuvres, surtout architecturales, visibles en permanence dans l’espace public ;
  • Reconnaître que l’exception de caricature, de parodie et de pastiche s’applique quelle que soit la finalité du détournement ;
  • Autoriser le « data mining » et le « text mining » pour collecter automatiquement des données dès lors que l’utilisateur a la permission de lire l’œuvre ainsi exploitée ;
  • Elargir l’exception pour l’éducation et la recherche à toutes les formes d’éducation, y compris non formelle, en dehors des seuls établissements scolaires ou universitaires ;
  • Affirmer un droit au prêt de livres numérisés par les bibliothèques, quelle que soit le lieu d’accès ;
  • Harmoniser les régimes et critères pour l’exception de la «  copie privée » et la rémunération correspondante ;
  • Rendre obligatoire la communication du code source ou des spécifications d’interopérabilité des DRM.

De plus, Julia Reda a exprimé son souci sur les accords internationaux qui limitent les possibilité de manœuvre législative, il faut, donc, veiller que le PTCI (partenariat transatlantique de commerce et d’investissement), AETC (accord économique et commercial global UE-Canada) et d’autres accords ne nous privent pas de la possibilité de faire une réforme sensée du droit d’auteur : le risque si nous n’agissons pas en temps, est de se retrouver avec des lois faibles mais écrites sur une pierre dure des traités de demain. Malheureusement pour la société civile il est difficile de réagir à temps, vue que les négociations se déroule dans le secret du moins jusqu’à une date récente. Quant aux tentatives faites par l’Espagne et l’Allemagne d’imposer une « taxe Google », quand Google voulait faire apparaître des nouvelles sur Google News, ils ont échoués. Julia Rada est préoccupé que Günter Oettinger, Commissaire de l’UE pour l’économie et la société numérique, a fait comprendre qu’il voulait appliquer un régime similaire à l’échelle européenne : « Je ne suis pas d’accord du tout, il faut faire payer aux « géants » leurs taxes etempêcher les échappatoires, au lieu de le faire en limitant le partage des informations en ligne ».

Enfin, Julia Reda, s’est exprimé aussi sur l’arrêt italien d’Agcom (autorité des garanties dans la communication) qui avec un règlement sur le droit d’auteur s’est réservé le pouvoir d’intervenir en bloquant certains sites sans qu’il y ait une intervention des autorités judiciaires. «  Je pense que les blocages en ligne sont une mauvaise idée en général. L’État ne devrait pas encourager les fournisseurs d’Internet à mettre en place des censures ou de dresser des listes de sites bloqués sans supervision judiciaire. Il y a de nombreux cas de sites parfaitement légaux qui ont fini dans ces listes. Lorsque le commissaire Oettinger présentera sa proposition de réforme dans quelques mois, elle a annoncé qu’il allait envisager l’introduction d’un amendement pour empêcher cette pratique .

(Irene Capuozzo)

 

Pour en savoir plus :

  • Eur-Lex – Directive 2001/29/CE – 22/05/2001 – (FR) (EN) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX:32001L0029&from=FR
  • Draft Report on the implementation of Directive 2001/29/EC of the European Parliament and of the Council of 22 May 2001 on the harmonisation of certain aspects of copyright and related rights in the information society – Julia Reda – 14/01/2015 – (EN)
  • Liste des Lobbies publiée par Julia Reda – (EN)
  • Report :EU copyright rules are maladapted to the increase of cross-border cultural exchange on the web – Julia Reda – 19/01/2015 – (EN)
  • Rapport : Les règles applicables au droit d’auteur Européen et échanges culturels transfrontaliers sur le web – Julia Reda – 20/01/2015 – (FR)
  • Blog officiel de Julia Reda – (EN)
  • com – Arrêt Svesson – Légalité des liens hypertextes : d’importantes nuances à apporter – 13/02/2014 – (FR)
  • com – Droit d’auteur : les propositions du rapport de l’eurodéputée pirate Julia Reda – 19/01/2015 – (FR)
  • net – Réforme du droit d’auteur : le Parlement européen doit suivre le rapport Reda ! – 20/01/2015 – (FR)
  • com – La violente attaque des ayants droit contre l’eurodéputée du Parti Pirate – 22/01/2015 – (FR)
  • Traduction italien – français de parties de l’article tiré par Repubblica.it (Entretien avec Julia Reda) – « Copyright nell’Ue, le vecchie regole non bastano più » – (IT)

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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