Un devoir de mémoire à l’heure de la journée internationale des Roms.

«The Roma community still face exclusion, inequality and discrimination. Access to jobs,education, housing and healthcare remains unequal for many. The marginalisation and exclusion of Europe’s Roma needs to be addressed head-on. Change will not happen overnight, but the European institutions and Member States are committed to fighting discrimination and improving integration». (8 avril 2015, International Roma Day: Statement by First Vice-President Timmermans, Commissioner Thyssen , Commissioner Jourová and ommissioner Creţu)

 L’art. 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE énonce au premier paragraphe : « est interdite, toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle». Si on constate qu’ en Europe les Roms représentent la première minorité ethnique et qu’ un grand nombre d’entre eux est toujours victime aux différents degrés de préjugés et d’exclusion sociale, il apparaît que la lutte contre la discrimination des Roms est encore tout au début et elle doit être renforcée avec des actions plus efficaces.

On estime qu’il y a entre 10 et 12 millions de Roms sur le continent européen, dont environ 6 millions vivent au sein de l’Union Européenne, en particulier en Slovaquie (9,02%), en Roumanie (8,6%), en Bulgarie (10,33%), en Hongrie (7,49%), en Espagne (1,63%), mais aussi en France (0,62%).

Un devoir de mémoire

Le 8 avril 1971 les Roms fixaient leur journée internationale. Une journée importante pour se souvenir également du génocide durant la Seconde Guerre mondiale et des préjugés et discriminations dont ils sont encore victimes.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les «Tziganes» furent un des groupes persécutés par le Grand Reich. Les nazis les considéraient racialement inférieurs : ils ont subi des internements arbitraires, les travaux forcés et un génocide de masse. Le nombre des Roms tués pendant la deuxième guerre mondiale n’est pas connu avec précision, mais les historiens soutiennent que les Allemands et les alliés de l’Axe auraient exterminé environ 220 000 tziganes européens. Il s’ensuite que la citoyenneté européenne doit reconnaître un devoir de mémoire à l’égard d’une population qui représente la première minorité ethnique de l’Europe.

La condition des Roms est aujourd’hui infiniment regrettable, la marginalisation sociale et la pauvreté sont les plaies principales de la discrimination de cette population. Ils n’ont pas accès à un enseignement de qualité, ils ont des grandes difficultés d’intégration dans le marché du travail et souffrent d’une mauvaise santé. L’exclusion socio-économique des Roms n’est pas seulement une grande blessure portés aux droits fondamentaux de l’homme, mais il porte également des coûts élevés pour les finances publiques, à savoir une perte de productivité.

Les efforts de l’Union Européenne

Pour prendre des mesures qui soient effectives dans la lutte contre la discrimination, il faut bien comprendre les causes et l’étendue de ce problème, également l’impact des politiques et des pratiques . Dans ce cadre la Commission Européenne publie régulièrement des informations de ses activités contre la discrimination.

L’engagement de l’UE en faveur des Roms est relativement récent. Le 5 avril 2011, la Commission européenne adoptait une Communication visant à promouvoir des stratégies nationales d’intégration des Roms pour la période allant jusqu’à 2020. La Commission a pour la première fois placé la situation de l’intégration des Roms au centre d’un débat politique qui réunit toutes les forces à tous niveaux (UE, national, régional) pour atteindre l’important défi de lutter contre l’exclusion sociale de la minorité.

La stratégie Europe 2020 de l’UE vise à poursuivre une nouvelle route de croissance (une croissance intelligente, durable et inclusive), dont il est prévu l’exclusion de la marginalisation sociale des minorités. La nécessité d’une intégration sociale est contemplée dès sa naissance, par exemple les lignes directrices intégrées pour les politiques économiques et de l’emploi font référence aux Roms, ainsi comme la « plateforme pour la lutte contre la pauvreté et l’exclusion

sociale» analyse les modalités d’intégration dans le contexte de la politique globale de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. La Commission a communiqué les objectifs à atteindre dans les quatre domaines les plus essentiels pour l’intégration des Roms.

Tout d’abord l’accès à l’éducation, dont la Commission soutient l’importance de renforcer les liens avec les communautés grâce à des médiateurs culturels et scolaires, les associations et les communautés religieuses. Les enfants doivent être scolarisés et donc les États membres doivent garantir l’obligation d’éducation primaire, mais également il faut introduire des programmes de seconde chance pour les jeunes adultes déscolarisés. Le groupe de haut niveau sur la lutte contre l’illettrisme et la campagne

d’alphabétisation prévus par la Commission dans le cadre de l’initiative Europe 2020, «une stratégie pour les nouvelles compétences et les nouveaux emplois» définit l’importance de la lutte contre l’illettrisme parmi les enfants et les adultes.

 

L’accès à l’emploi est fixé comme l’objectif global de la stratégie Europe 2020. Des données fournies par la Banque mondiale et l’Agence européenne des droits fondamentaux ont souligné la situation déplorable des Roms, en raison de l’accès discriminatoire au marché du travail. L’objectif est de garantir une formation professionnelle mais aussi un accès aux outils permettant des initiatives en faveur

du travail indépendant.

 

Réduire l’écart en matière de santé entre les Roms et le reste de la population est un droit fondamental à garantir dans les faits. Un rapport des Nations Unies pour le développement a souligné que le taux de mortalité des enfants est de 2 à 6 fois plus élevés que ceux du reste de la population des Pays enquêtés. L’accès à des soins de santés, mais aussi à des soins préventifs préventifs est une cible essentielle.

La promotion non discriminatoire d’un accès au logement et aux services de base aux Roms doit s’inscrire également dans unz approche intégrée de lutte contre la ségrégation.

Pour réaliser des progrès majeurs en termes d’intégration des Roms, la Commission européenne encourage les États Membres à adopter des stratégies nationales d’intégration, c’est-à-dire des politiques d’intégration nationales, régionales et locales qui fixent des objectifs pour combler l’écart par rapport au reste de la population; recenser les micro-régions désavantagés et les quartiers frappés de ségrégation dont les communautés sont les plus défavorisées ; allouer un financement suffisant à charge des budgets nationaux et designer un point de contact national pour la stratégie nationale d’intégration des Roms. Les mesures adoptés par les États membres font objet de rapports annuels (adressés au Parlement européen et au Conseil) de la Commission sur les progrès accomplis concernant l’intégration de la population Rom dans les États membres et sur la réalisation des objectifs fixés. Ces rapports seront publiés jusqu’en 2020 et reprennent les informations fournies par chaque pays, les organisations internationales, les ONG et l’Agence européenne des droits fondamentaux. La Commission européenne a, donc, instauré un processus annuel global avec le but de coordonner et d’évaluer les efforts adoptés par les États membres.

 

Deux mois après, les bonnes intentions expliquées dans la communication de la Commission ont été avalisées par les dirigeants européens. Pour la première fois ils ont pris l’engagement historique d’améliorer la situation des communautés Roms.

Le 9 décembre 2013, le Conseil européen a adopté à l’unanimité une Recommandation visant à accélérer l’intégration socio-économique des communautés Roms en Union européenne.

La recommandation relative à des mesures efficaces d’intégration dans les États membres représente le premier instrument juridique adopté pour favoriser l’inclusion. Cet outil formule des orientations précises sur l’intégration socio-économique de cette minorité. D’abord elle recommande aux États membres de prendre des mesures efficaces dans les quatre domaines indiqués par la Commission. En plus la recommandation donne aussi des orientations par rapport aux politiques transversales

relative à l’intégration des Roms: garantit le caractère local des stratégies; faire respecter les règles de lutte contre les discriminations; adopter une approche d’investissements sociaux : protéger les femmes et les enfants; lutter contre la pauvreté.

Le 8 avril 2015

A l’occasion de la célébration de la 44eme journée internationale des Roms, La Commission européenne appelle à une action décisive pour favoriser leur intégration, dans le cadre du dialogue Europe 2020. Le vice présidente Timmermans et les Commissaires Thyssen, Jourová et Cretu ont souligné que le cadre financier 2014-2020 facilite l’utilisation des fonds européens à investir pour l’intégration socio-économique de la population rom, de plus la Commission s’engage à supporter la

mise en oeuvre des politiques nationales d’inclusion.

 

Les missions de l’organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) enla République de la Macédoine et la Serbie se sont aussi engagées pour promouvoir la journée internationale. Les chefs des missions à Skopje et en Belgrade ont rejoint les communautés des Roms pour célébrer et réfléchir sur la nécessité d’un aide commune, favoriser l’inclusion sociale et, de manière plus général, la promotion des droits humains. Cette journée a été aussi une occasion pour des ONG et des associations de discuter sur l’insuffisance des actions européennes.

À ce propos, Amnesty International a publié un rapport intitulé « Roma still waiting for adequate housing», où elle expose l’échec du projet de

relogement des familles roms expulsées de force du camp informel de Belvil, à Belgrade. Un projet financé pour un montant d’environ 3,6 millions d’euro par la Commission Européenne : «des millions d’euros ont été alloués et pourtant, trois ans plus tard, la majorité des familles roms expulsées de chez elles attendent toujours d’habiter un lieu qu’elles pourraient appeler maison», a déclaré Garui van Gulik, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

Le Conseil de l’Europe a également insisté sur la lutte contre l’anti-tziganisme en Europe, notamment contre les actes hostiles, comme les expulsions forcées par les autorités. À ce sujet, le secrétaire général M. Jagland et le président des Open Societies Foundations, M. Soros proposent de créer un Institut européen des Roms avec le but de lutter contre les préjugés et établir une confiance réelle avec la minorité. Ils ont déclaré: «un Institut rom ne sera pas une panacée pour tous les problèmes que connaissent les Roms, mais il peut, au fil du temps, favoriser le développement d’une confiance en soi comparable à celle que ressentent d’autres communautés. »

 

Un engagement nécessaire

Malgré les efforts de l’UE, les Roms restent toujours victimes du racisme et de la xénophobie. La journée internationale rappelle le devoir des institutions européennes de multiplier les forces pour lutter l’exclusion sociale et communautariser cette population.

L’intégration socio-économique représente une condition importante non seulement pour la lutte contre la discrimination, mais aussi pour favoriser les intérêts productifs des États membres. Les Roms constituent une grande partie de la population européenne et le droit d’être scolarisés et avoir accès au marché du travail ne peut pas être relégué au second plan.

 

Lors de la séance plénière du Parlement européenne du 25 mars 2015, l’anti-tziganisme en Europe et la reconnaissance de la journée de commémoration du génocide des Roms durant la Seconde Guerre mondiale ont été des points de l’ordre du jour. Beaucoup de députés ont soulignés que les Roms sont des citoyens européens et ils doivent bénéficier des mêmes droits, donc il faut construire des sociétés qui offrent des chances pour tous. Malheureusement pendant la plénière on a écouté également certains députés qui ont avalisé les clichés négatifs. La généralisation de certains discours ne fait qu’augmenter la haine et la violence «anti-tzigane». Discours qui devraient être dépassés et remplacés par la mémoire de la dette profonde qui pèse sur l’Europe : la mémoire ne peut pas être sélective.

 

 

Annalisa Salvati

  

Pour en savoir plus :

 

-. Statement by First Vice-President Timmermans, Commissioners Thyssen, Jourová and Cretu ahead of International Roma day on 8 April 2015

http://europa.eu/rapid/press-release_STATEMENT-15-4742_en.htm

-. Editorial du n. 103 de NEA say. Stratégie de l’UE sur l’intégration des Roms : les députés européens de la commission des libertès (LIBE) fixent des priorités au Conseil européen de juin. Un excellent rapport de Mme Jaroka http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=1962&nea=103&lang=fra&lst=0

 

-. Recommandation du Conseil relative aux mesures efficaces d’intégration des Roms dans les États membres, 9 décembre 2013 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/ALL/?uri=CELEX:32013H1224(01)

-. Communication de la Commission relative au cadre de l’UE pour les stratégies nationales d’intégration des Roms pour la période allant jusqu’à 2020, 5 avril 2011

http://eur-lex.europa.eu/legal-content/en/TXT/?uri=CELEX:52011DC0173

-. Rapport de Amnesty International publié le 8 avril 2015: «Serbia : Roma still waiting for adequating houses» : http://www.amnesty.be/doc/IMG/pdf/serbia_roma_still_waiting_for_adequate_housing.pdf

-. Initiatives du Conseil d’Europe, la journée internationale des Roms (le 8 avril 2015): http://www.coe.int/fr/web/portal/-/international-roma-d-1

-. Articles de Nea say consacrés aux Roms http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3470&nea=155&lang=fra&arch=0&term=0

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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