La France réforme son droit d’asile

Après plusieurs mois de tractation entre l’Assemblée nationale et le Sénat, la réforme sur le droit d’asile a finalement été adoptée. Cette dernière doit permettre à la France de mettre sa législation en conformité avec le droit européen. L’autre ambition affichée est la réduction du délai de traitement des demandes. Il faut dire que le temps d’attente moyen est actuellement supérieur à 2 ans.

 

Définitivement adoptée, mais pas encore promulguée, la réforme du droit d’asile doit donc permettre une amélioration du délai de traitement des demandes. L’objectif est une réduction des délais à 9 mois à l’horizon 2017 contre un peu plus de 2 ans actuellement. Il faut dire qu’avec le développement des conflits, notamment en Syrie, en Érythrée, en Irak, mais également en Ukraine, les demandeurs d’asile n’ont jamais été si nombreux.

 

Le leitmotiv du texte pourrait se résumer par « protéger mieux en protégeant plus vite ». Il est vrai que la réduction des délais d’attente devrait avoir un certain nombre d’externalités positives, comme l’amélioration du taux d’hébergement des demandeurs dans les structures adéquates et donc, l’accueil des personnes dans de meilleures conditions. Il faut dire que les structures sont actuellement saturées, notamment en région parisienne, ce qui conduit à la création de camps sauvages comme à Calais.

 

Ce texte arrive à point nommé puisque des députés européens, emmenés par l’anglais Kirkhope, ont demandé à ce que la Commission poursuive la France « pour son incapacité à traiter les demandeurs d’asile campant à la frontière ». La situation est en effet extrêmement tendue à la jonction franco-anglaise, Londres souhaitant la mise en place d’une zone sécurisée dans le port de Calais, et de nombreux pays, à l’image de la Slovaquie, ayant demandé aux autorités françaises de régler la situation. Il faut dire qu’avec 5000 migrants à Calais, la situation est particulièrement critique.

 

Par ailleurs, la Cour nationale du droit d’asile et l’office français pour les réfugiées et les apatrides voient également leurs moyens renforcés.* Les personnes en recherche d’une protection n’auront plus à attendre d’avoir une domiciliation pour déposer leur demande. Ce gain de temps doit s’accompagner d’un gain financier pour l’état, puisque plus les demandes trainent plus elles sont onéreuses. Cette amélioration des moyens permettra également de renforcer les garanties procédurales des demandeurs d’asile qui verront leurs requêtes traitées dans de meilleures dispositions ; enregistrement plus rapide, présence d’un conseil lors de l’entretien avec l’officier de protection, meilleure prise en compte des vulnérabilités, etc. Le texte généralise en outre l’effet suspensif des recours contre les décisions de refus.

 

L’autre chantier important en matière de gestion de demandeurs d’asile concernait le désengorgement de la région parisienne. En effet, presque 60% des demandeurs d’asile sont répartis sur un peu moins de 2 % du territoire (L’Île-De-France). La réforme prévoit donc la possibilité de répartir les demandeurs sur l’ensemble du pays et de supprimer les allocations aux étrangers qui refuseraient de se rendre dans un lieu donné**. L’objectif est à terme de généraliser les modèles des centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA).

 

Si les Républicains et le FN ont parlé d’occasion manquée et ont refusé de voter la réforme, en raison de l’absence d’organisation systématique du retour des déboutés, les associations l’ont globalement bien accueilli. Certaines sont cependant sceptiques et ont peur que la nouvelle loi mélange vitesse et précipitation au détriment des demandeurs. La présidente de la Cimade, Geneviève Jean, se demande par exemple si « accéléré ne va pas dire expéditif ? » Il est vrai que pour être traitées de façon convenable, les demandes nécessitent souvent des examens approfondis. L’instauration de la nouvelle procédure accélérée, en remplacement de l’actuelle procédure prioritaire, soulève à ce propos un certain nombre de questions.

 

À mi-chemin entre espoir et scepticisme, il ne sera possible de se prononcer sur l’efficacité du texte qu’une fois les décrets d’applications publiés. En attendant, on pourra toujours se féliciter que le palais Bourbon ait consacré la reconnaissance des violences faites aux femmes, comme un motif potentiel d’asile.

 

Aurelio Volle

 

 

* L’OFPRA obtiendra une cinquante agents et son indépendance est consacrée.

** L’allocation temporaire d’attente pour les demandeurs d’asile est de 330 euros par mois

 

Pour en savoir plus :

 

     -. Sur la réforme : http://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-discussion/projet-loi-relatif-reforme-asile.html?xtor=EPR-56#content

 

     -. Sur le CADA : http://sante.lefigaro.fr/social/insertion/centres-daccueil-pour-demandeurs-dasile/quest-quun-centre-daccueil-demandeurs-dasile-cada

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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