La Lutte Contre La Fraude Et La Protection Des Intérêts Financiers De L’Union : Une Politique Intégrée Pour Protéger L’argent Des Contribuables

La lutte contre la fraude et pour la protection des intérêts financiers de l’Union européenne ont récemment acquis une place importante dans l’agenda européen. Il s’agit de contrôler l’utilisation de l’argent public de manière à renforcer la confiance des citoyens en luttant contre la fraude. En effet, le budget de l’Union européenne est en partie financé par un pourcentage du Revenu national brut (somme des revenus perçus et du solde des flux de revenus primaires avec le reste du monde) de chaque État membre. Les ressources apportées au budget européen par les États membres proviennent donc des contribuables nationaux. Pour rappel, le budget européen représente seulement 1% du Revenu national brut de l’Union dans son ensemble et s’élève à 145 milliards d’euros pour 2015. Selon les estimations, la fraude sur le budget européen serait de l’ordre de 500 millions à 3 milliards d’euros par an. Les États membres gèrent 80% des fonds de l’Union européenne et sont les principaux responsables de la lutte contre la fraude.

Dans sa communication du 26 mai 2011 sur la protection des intérêts financiers de l’Union européenne par le droit pénal et les enquêtes administratives, la Commission européenne justifie sa stratégie antifraude par le fait que depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, « l’Union européenne et les États membres ont l’obligation de combattre toute forme d’activité illégale affectant les intérêts financiers de l’Union. » L’article 325 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prévoit en effet que « l’Union et les États membres combattent la fraude et tout autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des mesures […] qui sont dissuasives et offrent une protection effective dans les États membres, ainsi que dans les institutions, organes et organismes de l’Union. » Partant, la communication de la Commission souligne que « la protection des fonds européens grâce à une action juridique efficace et uniforme dans l’ensemble de l’Union doit devenir une priorité pour les autorités nationales. » Il s’agit de renforcer les moyens de lutter contre le détournement des fonds européens.

Cet objectif est d’autant plus difficile à atteindre que la grande variété des systèmes et des traditions juridiques européens complique la protection des intérêts financiers de l’Union contre la fraude. Sans compter que le niveau de protection des intérêts financiers de l’Union par le droit pénal varie considérablement d’un État membre à l’autre. Les sanctions applicables à la fraude vont ainsi d’amendes légères à de longues peines de prison, tandis que les législations nationales ne prévoient pas systématiquement de sanctions en cas de corruption de fonctionnaires ou de titulaires de fonctions publiques. Exemple symptomatique de cette absence d’uniformité européenne, la Convention de 1995 relative à la protection des intérêts financiers de l’Union européenne et ses actes liés (c’est-à-dire les différents protocoles et la Convention du 26 mai 1997), qui contiennent

les premières dispositions en matière de protection pénale des intérêts financiers de l’Union, n’ont été pleinement mis en œuvre que par cinq États membres, alors même que tous les ont ratifiés. Les difficultés de mise en œuvre rencontrées par les États membres concernent notamment « les différences notables dans la définition des infractions de fraude et de corruption », et « le manque de considération pour les spécificités de la législation » de l’Union européenne.

A cela s’ajoute le fait que cette tâche soit rendue difficile dans la mesure où les délits portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne nécessitent souvent des enquêtes et des procédures couvrant plusieurs États membres. Pour l’heure, ces enquêtes sont menées par les ministères publics des États membres, dans le cadre de leur législation pénale respective. A cet égard, la Commission fait remarquer dans sa communication que « les autorités nationales compétentes ne semblent pas toujours disposer des ressources juridiques suffisantes et des structures appropriées qui leur permettraient d’engager des poursuites judiciaires adéquates dans les affaires affectant l’Union ». Elle déplore également que les autorités judiciaires nationales n’ouvrent pas systématiquement d’enquête pénale à la suite d’une recommandation de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) ; que les affaires de fraude au budget de l’Union fassent trop souvent l’objet d’un examen sommaire avant d’être classées sans suite ; que les enquêtes pénales impliquant plusieurs États membres aient tendance à être très longues et soumises à des normes différentes en matière de preuve, ce qui réduit les probabilités de condamnation ; mais aussi la longueur des actions pénale. Or, « chaque fois que les intérêts financiers de l’Union subissent un préjudice, tous les citoyens, en tant que contribuables, deviennent des victimes et la mise en œuvre des politiques de l’Union est compromise » fait valoir la Commission dans sa communication de 2011.

Pour y remédier, la Commission entend faciliter l’action des procureurs et des juges contre les fraudeurs où qu’ils se trouvent dans l’Union, y compris à l’étranger, à travers un renforcement des instruments existants, comme le Réseau judiciaire européen en matière pénale (RJE) ou le Réseau européen de formation judiciaire (REFJ). Le RJE a été créé le 29 juin 1998 par l’action commune 98/428/JAI du Conseil. Il s’agit d’ « un réseau de points de contact judiciaires entre les États membres » de l’Union européenne. Cela signifie que dans chaque État membre, une ou plusieurs personnes sont désignées comme « points de contact », comme intermédiaires, et chargées de faciliter la coopération judiciaire entre les États membres. Créé en 2000, le REFJ quant à lui « élabore des normes et des programmes de formation, coordonne les échanges et les programmes de formation judiciaire et renforce la coopération entre les organismes de formation nationaux ». RJE et REFJ sont donc des instruments de coopération judiciaire à l’échelle de l’Union européenne. En cela, ils constituent des outils importants de lutte contre la fraude et de protection des intérêts

financiers de l’Union. Ceci étant, le premier instrument de lutte contre la fraude demeure l’Office européen de lutte antifraude (OLAF).

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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