Une analyse des pratiques et politiques sur les mineurs non accompagnés.

Introduction

Les événements de ces dernières années ont montré que l’arrivée de mineurs non accompagnés n’est pas un phénomène passager mais une caractéristique de longue date de la migration vers l’Union européenne qui ne cesse de prendre de l’ampleur. En 2014, les données statistiques ont témoigné d’ une augmentation depuis 2010 avec 24 075 mineurs, soit plus du double par rapport à 2013. C’est, donc, claire que ce phénomène est de plus en plus visible et nécessite un cadre juridique particulier, car le jeune âge de ces mineurs et leur manque d’expérience les exposent souvent à des violations de leurs droits.

 

Les résolutions du Conseil de l’Europe et les directives du Parlement européen mises en oeuvre, ne suffisent pas à garantir les droits de ces migrants, surtout quand les procédures d’identification d’âge, le traitement offert et les structures d’accueil varient d’un État membre à l’autre. À ce titre, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant garanti par la Convention internationale des droits de l’enfant et qui est le fondement de tous les volets d’action prises au niveau européen, n’est pas toujours respecté.

Le but de ce dossier sera, donc, celui de faire une analyse du phénomène en examinant quelles sont les mesures protectrices réellement prises en faveur des MIE en Europe.

Avant de fournir un aperçu des projets de développement mises en oeuvre par les États membres, il est, d’abord, nécessaire comprendre pourquoi les MIE arrivent sur le territoire de l’UE.

 

Les motivations de la migration des MIE

Les raisons qui sont à l’origine du départ des MIE de leur pays peuvent être multiples et elles différent selon qu’on parle de MIE demandeurs d’asile ou MIE ne demandant pas d’asile.

Pour ce qui concerne les MIE demandeurs d’asile, ils échappent souvent de leurs pays d’origine par crainte de persécution, d’atteintes graves, ou violations des droits de l’homme. Ils viennent principalement de pays où la sécurité est extrêmement précaire et les violations des droits de l’homme fréquentes comme en Afghanistan, Érythrée, Syrie, Somalie, Gambie et Maroc.

Les MIE ne demandant pas l’asile, par contre, arrivent généralement en Europe à la recherche d’une vie meilleure : d’un emploi, d’une éducation. Toutefois, certains quittent leur pays pour rejoindre leurs familiales qui sont déjà sur le territoire européen et pour faire ça, ils évitent l’identification dans le premier État membre dans lequel ils arrivent afin de pouvoir continuer leur voyage vers l’État qui leur intéresse, en risquant souvent de devenir victime de traite des êtres humains ou d’exploitation.

Demande d'asile de mineurs non accompagnés

Qu’est-ce que l’UE a fait pour prévenir les migrations ?

Le Plan d’action pour les mineurs non accompagnés (2010-2014), qui proposait une approche commune à l’échelle de l’Union européenne, reconnaissait que « la prévention des migrations périlleuses et la traite des enfants constituent la première étape d’une lutte efficace contre le phénomène de la migration des mineurs non accompagnés ». Dans ce but, plusieurs États membres ont financé des projets de prévention et de développement dans les pays tiers afin d’agir sur les causes qui, comme on a vu, sont à la base des migrations. Ils ont investi sur :

 

L’éducation en construisant des centres d’hébergements et d’éducation dans les pays d’origine dans l’espoir de réduire la pauvreté et augmenter, ainsi, les chances de trouver un emploi (un projet qui a été bien pratiqué surtout par la Belgique, la France, la Hongrie, le Luxembourg et la Slovénie) ;

 

La prévention du recrutement des enfants soldats. La prévention de la traite des êtres humains à travers des projets de formation d’un personnel spécialisé dans la détection de situation de risque.

 

La sensibilisation des enfants et leur famille aux phénomènes migratoires et aux risques liés à la migration clandestine ; des actions de renforcement des capacités des autorités nationales.

 

Dans le Rapport de mi-parcours 2012, la Commission a déclaré qu’une coopération stable de l’UE et de ses États membres avec les pays tiers contribuera certainement à une meilleure compréhension de leurs besoins et donnera ainsi un meilleur appui à la conception et à la mise en oeuvre de futurs projets. Mais, elle tient aussi à souligner, que la voie à suivre ne devra pas se limiter tout simplement à des mesures de préventions mais il faudra surtout agir concrètement sur d’autres questions pertinentes telles que le rétablissement des liens familiaux, le rapatriement des enfants en tout sécurité et réduire les risques d’être à nouveau victime de la traite des êtres humains.

 

En plus ce qui est important à ce titre, c’est que l’UE et ses États doivent continuer d’aborder la problématique de la migration des mineurs non accompagnés dans le contexte de la coopération au développement. En effet, un partage plus poussé des informations sur les initiatives menées et les actions planifiées est vital pour optimiser l’utilisation des ressources disponibles, en vue aussi des discussions sur le cadre budgétaire de l’UE « Un budget pour la stratégie Europe 2020 » qui devra conduire à une meilleure coordination des fond externes1.

 

1 “Un budget pour la stratégie Europe 2020”, communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, COM(2011).

2 Au titre de l’art 13 du Règlement (CE) No 562/2006 du Parlement Européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (Code frontières Schengen). L’Irlande et le Royaume-Uni ne sont pas liés par ce Règlement.

http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32006R0562&from=FR

 

Quels sont les procédures d’accueil assurées aux MIE et quelles lacunes législatives de l’UE ?

Lorsque les MIE arrivent aux frontières de l’UE, conformément au règlement Schengen2, doivent satisfaire aux conditions d’entrée qui sont les mêmes pour les ressortissants de pays tiers :

 

– Visa en cours de validité et ;

 

– Un titre de voyage en cours de validité.

 

Concernant les MIE demandeurs d’asile, la situation est assez favorable puisque, au titre de la Convention de Genève (art 33) et de la CEDH, les MIE demandant à entrer sur le territoire d’un État concerné ne peuvent faire l’objet d’une procédure d’éloignement si cette dernière enfreint le principe de non refoulement (l’art 33 de la Convention de 1951 stipule : « Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. »).

Ainsi, l’entrée sur le territoire de l’UE pour eux est toujours accordée indépendamment du fait qu’ils satisfassent ou pas les critères requis.

Par contre, pour les MIE qui ne sont pas demandeurs d’asile une distinction peut être établie en fonction de la législation en vigueur dans les États membres qui les accueillent.

Il y a des États (c’est le cas de l’Allemagne, Autriche, Belgique, Croatie, Estonie, Finlande, France , Grèce, Irlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Slovénie, Suède et Norvège) dont la législation leur permet de refuser l’entrée à tous les ressortissants des pays tiers qui n’ont pas de documents, y compris les MIE ne demandant pas d’asile.

 

Ainsi, il y en a des autres, (Bulgarie, Espagne, Hongrie et Italie) qui disposent d’une politique particulière envers les MIE pour des raisons humanitaire et qui accordent toujours aux MIE ne demandant pas d’aile le droit d’entrer sur leur territoire, que les critères d’entrée soient respectés ou non.

En cas d’absence de politique particulière, les MIE ne demandant pas d’asile et n’obéissant pas aux conditions d’entrée sur le territoire, peuvent être contraints au retour dans leurs pays d’origine, conformément aux conditions décrites dans la Directive « retour »3

3Directive “retour » : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:348:0098:0107:FR:PDF

4 Partenariat de mobilité entre le Royaume du Maroc et l’Union européenne et ses État membre du 1er mars 2013; des négociations sont en cours avec la Tunisie.

C’est donc claire que si déjà normalement les MIE représentent un groupe de RPT (ressortissants de pays tiers) particulièrement vulnérable, qui doit faire face à beaucoup de difficulté en entrant sur un territoire européen et qui doivent lutter toujours pour voire leurs droits fondamentaux respectés , ce discours sera amplifié pour les MIE ne demandant pas d’asile, car ils sont très souvent assimilés à des adultes et de ce fait, ils sont considérés comme des migrants irréguliers pour le pays d’accueil.

La question de la protection des mineurs migrants reste préoccupante au regarde des politiques européennes qui encouragent les États de transit à amplifier la surveillance de leurs frontières afin de décourager les migrants de tenter la traversée. À cet effet, l’UE a prévu des partenariats avec des pays tiers4, exigeant qu’ils concluent des accords de réadmission, coopèrent avec l’agence européenne pour la gestion des frontières extérieures (FRONTEX) et augmentent leurs capacité de gestion des frontières en contrepartie d’avantages politiques ou financiers (accords de facilitation de délivrance de visas et assistance financière). Devant ces politiques, on reste un peu perplexe, car il semble quasiment que l’UE soit en train de faire un pas en arrière en ce qui concerne la protection des droits fondamentaux des mineurs avec un tournée vers le renforcement des frontières, surtout après avoir promu différents outils juridiques relatifs exactement à la protection de l‘enfance.

 

La détermination de l’âge et la tutelle des MIE

Une fois qu’ils entrent sur le territoire, les MIE peuvent être amenés à rencontrer différents représentants de la police ou garde-frontières lorsqu’ils traversent les frontières des États.

Le rôle des autorités d’identifier l’identité et l’âge d’un mineur est essentiel pour décider s’il peut ou non entrer et/ou les procédure/traitements afférents. En effet, si le migrant est reconnu mineur, il pourra en règle général être assisté d’un tuteur ou d’un représentant légal administrateur ad hoc et jouir de certaines garanties devant les autorités nationales.

Aussi dans ce cas, les méthodes varient d’un État membre à l’autre. En général, les autorités nationales se réfèrent à des tests médicaux combinés à des entretiens afin de vérifier l’âge du migrant. Toutefois, la Résolution du Parlement du 12 septembre 2013 a retenu ces techniques médicales inadaptées. Elles ont été retenues aussi dangereuse pour la santé (lors de l’usage des rayons X) et pas fiables, vu la marge d’erreur possible (la datation de l’âge par des tests

radiologiques présente une marge d’erreur d’au moins deux ans). Le risque, c’est de déclarer des mineurs de 15-16 ans abusivement majeurs et d’enfreindre leurs droits.

Un autre problème qui émerge sur la protection des mineurs demandeurs d’asile, et qui a été aussi soulevé dans la dernière réunion de la Commission LIBE du 16 juillet, c’est qu’il y a des lacunes au niveau de la collaboration et coopération entre les Agences Nationales qui s’occupent des mineurs. Ce qui est certain, comme le directeur de l’EASO a dit, c’est que l’UE a essayé de faire si que les États membres, par des directives, appliquent des normes au niveau internationale pour la protection des mineurs et en particulier des mineurs demandeurs d’asile. Intéressante, à cette égard, c’est l’étude de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) en collaboration avec l’EASO (Bureau européen d’appui pour l’asile) et Frontex pour la création d’un module de formation complémentaire sur les droits fondamentaux des mineurs au service des Pays membres, particulièrement sur les aspects des compétences des agents en charge d’asile et des autorité de contrôle aux frontières.

 

Comment des solutions pérennes sont-elles mises en place par les États membres ?

Dans la majorité des États (membres), la législation ne définit pas de solution pérenne pour les MIE après réalisation d’une évaluation individuelle des besoins dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Cependant, certains États prévoient à l’avenir d’y remédier. La majorité des Pays s’efforcent de déterminer des solutions pérennes pour les MIE, notamment l’intégration, le regroupement familial ou le retour. Une procédure de détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant existe dans plusieurs États (membres) pour appuyer la décision de l’autorité compétente concernant une solution pérenne à apporter aux MIE, mais celle-ci n’est pas systématiquement rapportée. Les autorités chargées de déterminer la solution pérenne ainsi que le délai pour prendre cette décision diffèrent selon les États (membres).

 

En conclusion

Si on parcourt en bref les étapes de ces migrations, on se rende compte que, malgré les importantes améliorations de l’acquis communautaire en matière d’asile, notamment les garanties de procédures (droit à la représentation juridique, droit d’être entendu, droit au regroupement familial ou règles relatives à la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant dans les procédures), des lacunes potentielles subsistent dans la législation et les sortes de ces mineurs migrants changent selon qu’ils arrivent dans un État membre où il y a une législation plus favorable plutôt que dans un autre où la législation est quasiment mute sur le thème.

Face à ces lacunes législatives, le Parlement a adopté en 2013, un Rapport d’initiative sur la situation des mineurs non accompagnés au sein de l’Union européenne.

Premièrement, ce rapport, qui déplorait l’éparpillement des dispositions européennes relatives aux mineurs non accompagnés, demandait très clairement et instamment à la Commission de réaliser, à l’intention des États membres et de tous les professionnels du secteur, un « manuel » qui contiendrait ces différentes bases juridiques, afin de faciliter leur application par les États.

Deuxièmement, ce rapport demandait à la Commission d’élaborer des lignes stratégiques pour les États membres qui, fondées sur leurs meilleures pratiques, prendraient la forme de prescriptions minimales communes et porteraient sur chaque étape du processus, depuis l’arrivée du mineur sur le territoire européen jusqu’à ce qu’une solution durable soit trouvée pour lui, afin de lui assurer une protection adéquate.

 

Mais jusqu’à maintenant, la Commission a rien fait. Comme a déclaré aussi la Rapporteur du PE sur la situation des MIE, Nathalie Griesbeck, « Le Parlement Européen a demandé il y a près de 2 ans maintenant, très clairement et à une très large majorité des lignes stratégiques concrètes sans aucun retour de la part de la Commission européenne! » À sa demande, un débat aura donc lieu sur cette question, en présence de la Commission européenne, en commission parlementaire LIBE le 3 septembre prochain.

 

Cristina De Martino

 

Pour en savoir plus :

 

Plan d’action pour les mineurs non accompagnés (2010-2014) : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV:jl0037

 

Rapport à mi-parcours relatif à la mise en oeuvre du Plan d’action pour les mineurs non accompagnés : http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/e-library/docs/uam/uam_report_20120928_fr.pdf

Convention de Genève 1951 : https://www.admin.ch/opc/fr/classifiedcompilation/19510156/201206140000/0.142.30.pdf

Résolution du Parlement 12 septembre 2013 : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2013-0387+0+DOC+XML+V0//FR

Rapport d’initiative sur la situation des mineurs non accompagnés au sein de l’Union européenne : http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/content/20121213AVI04594/html/Nathalie-Griesbeck-situation-des-mineurs-non-accompagn%C3%A9s-au-sein-de-l’UE

Politiques, pratiques et données statistiques sur les mineurs isolés étrangers dans les États membres de l’UE et en Norvège :  http://www.immigration.interieur.gouv.fr/Europe-et-International/Le-reseau-europeen-des-migrations-REM/Les-etudes-du-REM/Politiques-pratiques-et-donnees-statistiques-sur-les-mineurs-isoles-etrangers-en-2014

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

Cet article a 7 commentaires

  1. Épreuve andre

    Je suis un mineur de 13 ans d’âge, j’habite en Allemagne sont entre de mes poser beaucoup des questions

  2. Épreuve andre

    Il mon rencontré avec un passport je suis sans parents,je suis congolais ma mère à une double nationalité

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