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Refonte du Code des visas : changements à la marge loin de la polémique autour de la crise migratoire

Le 1er avril 2014, la Commission présentait au Parlement européen et au Conseil une proposition de règlement modifiant du règlement (CE) n°810/2009 du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (« Code des visas »). Ce Code fixe les conditions et les procédures de délivrance des visas par les consulats des États membres. La proposition de la Commission fait suite aux conclusions du rapport d’évaluation effectué deux ans après l’entrée en vigueur du règlement le 5 janvier 2010.

Le but de cette refonte est de prendre « en considération l’importance accrue accordée aux retombées économiques de la politique en matière de visas sur l’ensemble de l’économie de l’Union » et en particulier dans le secteur du tourisme. De l’avis de la Commission, « tout en préservant la sécurité aux frontières extérieures de l’espace Schengen (…) les modifications proposées facilitent les voyages effectués de façon légitime et simplifient le cadre juridique dans l’intérêt des États membres ».

Entre autres, deux mesures de cette proposition sont destinées à faciliter les contacts familiaux en faveur des parents proches rendant visite à un citoyen de l’Union.

Le rapporteur pour le Parlement européen, Juan Fernando López Aguilar (Espagne, S&D), qui a présenté son projet de rapport sur la proposition de la Commission lors de la commission LIBE ce lundi 14 septembre, y a également vu l’occasion d’actualiser le Code des visas pour « corriger les problèmes de fonctionnement apparus au fur et à mesure de sa mise en œuvre » et d’ « adapter la politique des visas de l’Union européenne à l’augmentation des échanges humains du fait de l’interdépendance croissante » des sociétés.

Enfin, le rapporteur a considéré que c’était « le bon moment pour envisager d’améliorer le système des visas humanitaires comme voie d’accès légale à l’Union européenne » à côté des autres voies d’accès déjà existantes.

Le projet de rapport de Mr Aguilar (Espagne, S&D) est le fruit de longs mois de travaux, durant lesquels ont participé les rapporteurs fictifs (un équivalent du rapporteur dans chaque autre groupe politique, sur le modèle des « shadow rapporteurs » britanniques), des acteurs universitaires et du secteur humanitaire lors d‘une audition publique et le personnel du réseau consulaire des États membres grâce à des missions d’observations. Mr Aguilar n’a pas manqué non plus de prendre en compte les observations des représentants des États membres, des services de la Commission et des particuliers, qui ont à juste titre attiré son attention sur des points spécifiques du Code des visas suscitant les préoccupations.

Le document de travail de la commission LIBE souligne notamment que « tant les demandeurs individuels que les professionnels ont estimé que certaines procédures de traitement des demandes étaient longues, lourdes et coûteuses ». Mr Aguilar (Espagne, S&D) en a conclu la nécessité de « faciliter les procédures d’obtention des visas » sans pour autant « relâcher l’attention sur les critères de sécurité publique » et de prévention de la migration irrégulière. À cet égard, le rapporteur a souhaité attirer l’attention sur la différence entre faciliter les procédures d’obtention de visas et faciliter les conditions d’octroi de visas, Mr Aguilar s’étant refusé à proposer des modifications dans ce dernier domaine. C’est ainsi qu’il s’est contenté de reprendre les deux volets de propositions de la Commission, l’une en matière d’assouplissement de la procédure et l’autre en matière d’organisation du travail consulaire.

L’assouplissement des procédures de délivrance des visas

Mr Aguilar (Espagne, S&D) a vivement salué la proposition de la Commission et a annoncé soutenir pleinement les assouplissements procéduraux introduits : l’abrogation de la règle selon laquelle les demandeurs de visas doivent systématiquement déposer leur demande en personne, afin de permettre une meilleure couverture géographique des demandes ; la possibilité de mener les entretiens avec les demandeurs par des moyens modernes de communication ; un allongement des délais de dépôt de la demande de 3 à 6 mois avant le départ ; des aménagements et précisions en matière de visas à entrées multiples ou encore des facilités pour les parents proches d’un citoyen de l’Union.

Mr Aguilar n’a pas moins estimé nécessaire de proposer un certain nombre d’amendements. Concernant la modernisation de la procédure de demande de visa, qui fait l’objet d’une attention particulière de la part de la commission LIBE, Mr Aguilar a proposé de permettre aux demandeurs qui le souhaitent de pouvoir remplir en ligne le formulaire de demande de visas (amendement de l’article 11 de la proposition de la Commission) et la possibilité, en retour, pour les consulats, d’accepter ces demandes en ligne (amendement de l’article 8 de la proposition de la Commission).

Cependant, la Commission a fait savoir qu’une distinction était nécessaire dans la pratique entre remplir un formulaire en ligne et l’envoyer en ligne. En effet, si le premier amendement proposé par le rapporteur lui semble tout à fait recevable, la Commission a estimé que l’envoi du formulaire par voie postale était inévitable dans la mesure où tout demandeur doit joindre à ce formulaire les documents justificatifs exigés par la procédure.

En ce qui concerne la procédure, Mr Aguilar (Espagne, S&D) a proposé de consolider la proposition de la Commission relative au délai de dépôt de la demande : il a estimé en effet qu’il devrait être possible de déposer une demande de visas au consulat jusqu’à 9 mois avant la date de départ prévue, et non 6 mois comme cela est proposé par la Commission. Il a justifié cet amendement par les nouveaux modes de comportement en matière de voyage, et notamment le fait que « les billets d’avion internationaux sont souvent beaucoup moins chers lorsqu’achetés à l’avance ».

La proposition de la Commission de délivrer des visas à entrées multiples et à validité plus longue sur des critères clairement définis a été tout aussi favorablement accueillie par la commission LIBE. Le Code des visas actuel prévoit que « les demandeurs dont le consulat connaît l’intégrité et la fiabilité devraient, dans toute la mesure du possible, bénéficier d’une procédure simplifiée ». L’article 24 ajoute que « le demandeur établit la nécessité ou justifie son intention de voyager fréquemment et/ou régulièrement, en particulier du fait de sa profession ou de sa situation familiale » et qu’il « établit la preuve de son intégrité et de sa fiabilité, notamment par l’usage légal de visas uniformes ou de visas à validité territoriale limitée délivrés précédemment ».

La Commission a proposé que l’on remplace l’expression trop vague de « voyageurs de bonne foi » par « voyageurs réguliers enregistrés dans le VIS », les « voyageurs réguliers » devant être définis comme les « demandeurs qui ont auparavant fait un usage légal d’au moins trois visas au cours des 12 mois précédant la date de la demande ». Le rapporteur a simplement proposé d’assouplir cette définition en y « incluant les ressortissants de pays tiers qui ont fait un usage légal de deux visas obtenus au cours des 18 derniers mois ». Un amendement jugé acceptable par la Commission.

Mr Aguilar (Espagne, S&D) a considéré que la proposition de la Commission était une bonne manière de « tirer parti de l’utilisation de plus en plus prononcée » qui est faite du Système d’Information sur les Visas (VIS). Il s’agit d’un système d’échange de données sur les visas entre les États membres de l’espace Schengen, auxquels se sont associés la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Lichtenstein. Le VIS contient notamment l’état civil et les empreintes digitales des demandeurs d’asile et de visa, informations recueillies dans les postes consulaires ou aux points de passage des frontières extérieures. Les principaux objectifs du VIS sont de simplifier les procédures de demande de visa, de faciliter les contrôles aux frontières extérieures et de renforcer la sécurité dans l’Union dans le cadre de la politique pour l’établissement d’un espace de liberté, de sécurité et de justice. Le VIS est à distinguer du Système d’Information Schengen (SIS) qui concerne la coopération judiciaire et policière européenne.

Ainsi, la Commission a proposé de permettre aux « voyageurs réguliers enregistrés dans le VIS » de se voir délivrer des visas à entrées multiples pour une durée qu’il reste à déterminer : un an à la première demande puis trois ans pour les voyageurs fréquents (option minimale) ou cinq ans dès la première demande (option maximale).

Dans sa proposition de règlement du 1er avril 2014, la Commission a estimé que « la baisse du nombre de demandes de visa dans le cadre du régime de visas à entrées multiples laisse certes présager une diminution, pour les États membres, des recettes provenant des droits de visa, mais la délivrance de visas à entrées multiples réduira également les coûts, puisque les autorités devront traiter moins de demandes de visa; les bénéfices économiques excèdent donc nettement les coûts estimés ». La Commission a ajouté que les visas à entrées multiples n’auraient qu’un très faible impact en matière de sécurité dans la mesure où ceux-ci ne seraient délivrés qu’aux voyageurs enregistrés dans le VIS et identifiés comme sûrs et non aux primo-demandeurs.

Par ailleurs, la proposition de la Commission du 1er avril 2014 contenait certains assouplissements procéduraux pour faciliter les contacts familiaux « en faveur, d’une part, des parents proches rendant visite à un citoyen de l’Union résidant sur le territoire de l’État membre dont il a la nationalité et, d’autre part, des parents proches d’un citoyen de l’Union vivant dans un pays tiers [et] qui souhaitent se rendre avec [celui-ci] dans l’État membre dont il a la nationalité ».

Une proposition soutenue par le rapporteur, qui a déploré à ce sujet le nombre important de plaintes de membres de la famille de citoyens de l’Union quant au rejet de leur demande de visa, le plus souvent non-motivé. Ces membres de la famille sont généralement des « enfants mineurs de parents divorcés ou des grands-parents » rendant visite à leurs petits-enfants, des situations que le droit de l’Union se doit de réglementer de manière plus juste. Mr Aguilar (Espagne, S&D) a néanmoins souhaité que la Commission adopte certaines dispositions supplémentaires qui permettent de garantir qu’aucun frais ne puisse être exigés à cette catégorie particulière de demandeurs, qu’ils puissent bénéficier de facilités pour obtenir des visas à entrées multiples et qu’ils se voient justifier de manière plus détaillée le refus d’un visa.

Dans le même esprit, le rapporteur a proposé qu’une nouvelle disposition du Code des visas rende obligatoire l’existence d’une procédure de traitement des plaintes dans chaque consulat. Il a soutenu cette proposition en tant que « pratique de bonne gestion administrative » et pour son importante en termes d’image pour les États membres comme pour l’Union. Clarifier la procédure de traitement des plaintes et la rendre obligatoire pourrait également permettre de « réduire le nombre de recours présentés par d’autres voies, qui constituent une charge de travail supplémentaire pour les consulats et [qui] sont souvent présentés uniquement par manque [d’information] ».

Plus généralement, le projet de rapport de Mr Aguilar (Espagne, S&D) a généreusement salué les propositions de la Commission en vue d’améliorer la diffusion de l’information auprès des demandeurs et du public. Il a aussi réaffirmé la demande ancienne du Parlement européen de voir le site internet sur les visas Schengen accessible dans toutes les langues de l’ONU, contre seulement cinq actuellement.

Un assouplissement des procédures relatives à l’organisation du travail consulaire

La proposition de règlement de la Commission comprenait également toute une série de suggestions concernant la révision des procédures relatives à l’organisation du travail des agents du réseau consulaire européen. Plus particulièrement, la Commission estime dans sa proposition de règlement que « le recours à un prestataire de services extérieur ne doit plus être la solution de dernier ressort des États membres ». Une initiative à laquelle s’est clairement opposé Mr Aguilar (Espagne, S&D), tout en étant parfaitement « conscient tant des contraintes budgétaires qui pèsent sur les activités des administrations des États membres que des avantages à tirer d’une coopération avec les prestataires de services extérieurs ». Il a cependant estimé que confier des « tâches de service public » à des « entreprises » ne devait constituer qu’un choix de dernier ressort pour les États membres comme le Code des visas le prévoit actuellement.

Il s’agit d’une réserve émise de longue date par le Parlement européen, en particulier « du fait du caractère sensible des données traitées, du risque accru de corruption et de l’absence d’État de droit dans de nombreux pays tiers ». Dans son document de travail du 23 février 2015, Mr Aguilar s’était déjà inquiété de la mauvaise application de cette disposition du Code en observant que « les États membres optent, dans la plupart des cas, pour une coopération avec un prestataire de services extérieur sans étudier d’autres possibilités ». Parallèlement, le rapporteur a appelé la Commission à renforcer la surveillance des prestataires, d’autant plus que ces dernières années « certains États membres ont systématiquement omis de transmettre [à la Commission], comme demandé, les contrats avec les prestataires de services extérieurs ».

Des préoccupations partagées par Heinz K. Becker (Autriche, PPE) qui a déclaré qu’une « flexibilisation des fournisseurs de services extérieures » ne devait pas aboutir à une « décentralisation complète » de la procédure de délivrance des visas.

La Commission s’est voulue rassurante sur ce point en rappelant qu’ « aucune décision n’est prises sans consulter le consulat » et que les prestataires ne procèdent qu’à une gestion administrative des demandes.

Enfin, la Commission avait proposé en avril 2014 d’abroger les formes existantes de coopération entre États membres (centres communs de traitement des demandes de visas) pour instaurer à la place le nouveau concept de « centre de visas Schengen ». Elle y a ajouté celui de « représentation obligatoire », selon lequel « si un État membre compétent pour traiter une demande de visa n’est ni présent ni représenté (en vertu d’un accord de représentation) dans un pays tiers déterminé, tout autre État membre présent dans ce pays tiers serait tenu de traiter les demandes de visa pour son compte ».

Le rapporteur accueilli favorablement les propositions relatives à la « représentation obligatoire » tout en proposant d’y ajouter un « critère de distance de sorte à réduire davantage la charge imposée au demandeur ». Ainsi, si un État membre est représenté dans un pays tiers mais que le domicile du demandeur est éloigné de plus d’une certaine distance de cette représentation, alors le concept de « représentation obligatoire » devra quand même s’appliquer.

Mr Aguilar (Espagne, S&D) a par contre rejeté la proposition de la Commission de supprimer les formes de coopération déjà existantes entre États membres, considérant au contraire qu’il fallait pousser au renforcement de ces formes embryonnaires de coopération européennes en matière de visas, avec l’idée derrière de ne « pas perdre de vue l’objectif à long terme de voir les visas Schengen traités par un guichet unique dans tout pays tiers ». C’est également la raison pour laquelle il a proposé un nouvel article sur les centres de visas Schengen afin de préciser leur rôle et leur fonctionnement aux côtés des formes de coopération entre États membres déjà existantes.

L’épineuse question des « visas humanitaires »

La question des « visas humanitaires » s’est révélé être l’objet de désaccords plus persistants. Mr Aguilar (Espagne, S&D) a convenu dans son projet de rapport que « le Code des visas ne saurait être la seule solution aux difficultés que rencontrent actuellement les personnes demandant une protection internationale » mais qu’il n’en demeurait pas moins « convaincu de la nécessité de fournir aux personnes qui fuient les persécutions des voies d’accès sûres et légales au territoire de l’Union, la délivrance d’un visa Schengen [pour des raisons humanitaires] étant l’une de ces voies ». Il a également manifesté sa préoccupation de fonder un éventuel « visa humanitaire » sur des « bases juridiques solides ». À cette fin, il propose de développer les dispositions déjà présentes dans le Code des visas en « accordant une plus grande latitude au personnel consulaire pour que celui-ci puisse tenir compte des besoins de protection [des demandeurs] ». Une telle modification du Code doit, à son avis, être l’occasion de « rappeler les obligations internationales contractées par les États membres ».

Des considérations que ne partage pas le Parti Populaire Européen (PPE), qui s’est exprimé par la voix de son rapporteur fictif, Heinz K. Becker (Autriche, PPE), qui a déclaré : « les dispositions actuelles sur le visa humanitaire suffisent ». Quant à la Commission, elle a considéré que le Code des visas n’était pas le bon instrument pour gérer les flux migratoires, et qu’une telle modification aurait des impacts trop importants sur le Régime d’Asie Européen Commun (RAEC) pour être entreprise séparément.

Le PPE a également considéré que « la refonte du Code des visas doit servir [prioritairement] à renforcer la création d’emplois dans le secteur touristique » et a salué à ce propos la proposition de la Commission de permettre aux États membres de délivrer des visas aux frontières extérieures au titre d’un régime temporaire et pour des raisons touristiques, par dérogation aux dispositions générales du Code.

La date butoir de dépôt des amendements a été fixée au 25 septembre 2015 à midi. De plus, la présidence luxembourgeoise a annoncé que la refonte du Code des visas serait à l’ordre du jour du prochain débat d’orientation politique en Conseil JAI qui se tiendra les 8 et 9 octobres. Il faudra donc attendre cette date pour connaître la nature exacte du futur règlement de modification du Code des visas.

Neuf nouveaux accords relatifs à l’exemption de visa de court séjour avec des États tiers

Par ailleurs, la rapporteur Mariya Gabriel (Bulgarie, PPE) a présenté lors de la commission LIBE du 14 septembre son projet de recommandation sur le projet de décision du Conseil concernant la conclusion, au nom de l’Union européenne, de neuf accords relatifs à l’exemption de visa de court séjour, respectivement avec le Commonwealth de Dominique, la République du Vanuatu, la République de Trinité-et-Tobago, l’État indépendant du Samoa, la Grenade, la République démocratique de Timor orientale, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines et les Emirats Arabes Unis (EAU). Tous ces États, à l’exception des EAU, sont partis à l’Accord de Cotonou (accord de coopération dans divers domaines entre l’Union européenne, ses États membres et les membres du groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique) et sont des pays en voie de développement.

L’objet de ces accords relatifs à l’exemption de visa est de transférer ces États tiers de la liste négative à la liste positive du règlement CE n°539/2001, c’est-à-dire en fait concrètement de les inscrire sur la liste des pays exemptés de l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieurs de l’Union européenne. Ce régime de déplacement sans obligation de visa a également vocation à s’appliquer aux ressortissants de l’Union européenne lorsqu’ils se rendent sur le territoire des États susvisés. Dans les deux cas, ces accords ne s’appliquent que pour un séjour d’une durée maximale de 90 jours tous les 180 jours. Cette exemption de visa bénéficie à toutes les catégories de personnes voyageant pour quelque motif que ce soit.

La signature de ces accords a eu lieu le 28 mai 2014 à Bruxelles entre chacune des parties et la Commission. Ces accords sont ensuite entrés en vigueur de manière provisoire, en attendant l’approbation définitive ou le rejet du Parlement européen. De plus, celui-ci ne peut proposer aucun amendement. Cette entrée en vigueur provisoire a été largement critiquée par les députés européens, certains considérant qu’il s’agissait d’un contournement des pouvoirs du législateur. La Commission a justifié sa décision par l’existence d’un précédent en la matière.

Mme Gabriel (Bulgarie, PPE) a souhaité mettre l’accent dans son travail de rapporteur sur l’importance symbolique et politique que revêt chacun de ces accords, en considérant qu’il s’agissait « autant d’un aboutissement dans l’approfondissement des relations » entre ces États et l’Union européenne qu’un « moyen supplémentaire de renforcer les relations économiques et culturelles » et une « occasion de poursuivre le dialogue sur des questions prioritaires pour l’Union » comme le respect des droits et libertés fondamentaux. Ont ainsi été mis en avant la possibilité d’approfondir le dialogue dans le domaine des violences domestiques et de genre avec le Samoa, le Vanuatu, le Timor-Oriental et les Émirats arabes unis.

Concernant ce dernier État, bien que la rapporteur ait salué dans son projet de recommandation la création du groupe de travail technique EAU-UE sur les droits fondamentaux et le bon déroulement des négociations sur la question, la rapporteur fictive Sylvie Guillaume (France, S&D) a fait état de ses doutes sur la pertinence d’un accord d’exemption de visa de court séjour avec les Émirats arabes unis dans la mesure où ils sont encore « loin, par euphémisme » des standards européens en matière de droits fondamentaux, droits des travailleurs migrants, droits des femmes et de liberté d’expression.

De tels accords ont également été envisagés comme une occasion d’approfondir la coopération avec des pays qui ont des « intérêts communs » avec l’Union en matière de lutte contre le terrorisme et de lutte contre la traite d’êtres humains (EAU, Trinité-et-Tobago), de lutte contre les réseaux criminels (Commonwealth de Dominique) et de lutte contre le trafic de drogue et la peine de mort (Trinité-et-Tobago).

Mme Gabriel (Bulgarie, PPE) a ensuite insisté sur « l’absence de risques sécuritaires » que ces accords d’exemption de visa représentaient pour l’Union européenne dans la mesure où les demandeurs de visas Schengen en provenance de tous ces États tiers peuvent être considérés comme des « voyageurs de bonne foi » au regard des chiffres enregistrés par le VIS. Ainsi, par exemple, le taux de refus de visa pour la Sainte-Lucie était de l’ordre de 0,6% en 2014 et 26% des demandeurs ont obtenu des visas à entrées multiples. Un ordre de grandeur que l’on retrouve pour la République du Vanuatu (respectivement 0,01% et 36,6%) ou encore la République de Trinité-et-Tobago (respectivement 0,3% et 40%).

Dans le cas particulier des EAU, Mme Gabriel a tenu à souligner que ceux-ci « ne présentent aucun risque lié à l’immigration clandestine, à l’ordre public ou à la sécurité et ont fourni aux institutions européennes les éléments nécessaires à ce propos ». De plus, même si le taux de refus des demandes de visa était de 7,6% en 2014, « il convient de noter que le taux de refus a été divisé par deux depuis 2010 ».

Autant la refonte du Code des visas telle qu’elle semble se profiler que les neufs nouveaux accords d’exemption de visas de court séjour semblent confirmer le fonctionnement actuel de l’espace Schengen et de la politique commune des visas, tant du côté de la Commission que du Parlement européen. De plus, ces ajustements, essentiellement procéduraux et à la marge, ne concernent que les voyageurs « légitimes », laissant dans l’ombre la gestion des réfugiés internationaux, d’autant plus qu’une révision des dispositions du Code relatives aux « visas humanitaires » n’a pas semblé soulever beaucoup d’enthousiasme. En fait, durant la plénière, les députés ont semblé débattre de la réforme avec détachement par rapport au vacarme médiatique et politique actuel autour de la crise migratoire.

L’avenir dira si cette équanimité, et par-là même cette relative passivité, était une bonne ou une mauvaise chose.

Lauriane Lizé-Galabbé

Pour en savoir plus :

       -. Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au code des visas de l’Union (Code des visas) du 1er avril 2014 (FR, EN)

http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1442321664187&uri=CELEX:52014PC0164

-. Pour connaître la genèse de la proposition de la Commission

http://europe-liberte-securite-justice.org/2014/04/07/de-nouvelles-regles-de-delivrance-des-visas-schengen-un-assouplissement-pour-une-meilleure-competitivite-et-croissante-europeenne

     -. Document de travail sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Code des visas de l’Union (Code des visas) du 23 février 2015 (FR)

http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2014_2019/documents/libe/dt/1051/1051030/1051030fr.pd

     -. Projet de rapport sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au code des visas de l’Union (code des visas) du 31 août 2015 (FR)

http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=COMPARL&reference=PE-557.179&format=PDF&language=FR&secondRef=03

     -. Pour accéder aux accords d’exemption de visa de court séjour (FR)

-. Pour accéder aux sept accords d’exemption de visas avec les sept pays ACP

http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2015/05/28-jha-eu-visa-waiver-agreements/

-. Pour accéder à l’accord d’exemption de visas avec le Timor-Oriental

http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2015/05/26-visa-waiver-timor-leste/

-. Pour accéder à l’accord d’exemption de visas avec les Émirats arabes unis

http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2015/05/06-eu-signs-visa-waiver-agreement-united-arab-emirates/

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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