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Safe Harbour : faudra-t-il d’autres Max Schrems en Europe?

Le débat au sein de la commission LIBE du Parlement européen après l’arrêt de la Cour, deux thèmes dominent : nécessité d’une véritable révolution et critiques sévères à l’égard de la Commission Européenne.

Lundi 12 octobre 2015, les députés de la commission LIBE du Parlement européen ont animé un débat très vivant sur l’arrêt de la Cour de Justice du 6 octobre dernier, relatif à l’affaire Schrems. En lien avec les déclarations faites pendant ces derniers jours, ils ont exprimé des avis tout à fait positifs sur la sentence et ont rappelé à la Commission qu’il faut agir. Il faut agir très vite!

Tous les députés qui ont participé au débat ont souligné l’importance de l’action entreprise par Max Schrems, “citoyen courageux qui a commencé une véritable révolution”. Les députés lui ont exprimé leur gratitude pour avoir permis aux citoyens européens d’être redevenus des individus conscients de leurs droits fondamentaux.

En tant que citoyenne européenne, merci beaucoup Max Schrems!Le débat a été un moment important où les représentants des citoyens européens ont pu exprimer leurs opinions sur une affaire qui a fait récemment l’objet des premières pages de tous les quotidiens européens et ils ont pu aussi remettre directement en question la Commission Européenne. Tout ça en fonction des nombreuses et importantes conséquences générées par le jugement, sur le plan pratique (pour les entreprises), juridique, politique et même sur le plan des relations internationales. Un vrai tremblement de terre qui donne l’occasion de construire de nouvelles fondations légales. Des fondations solides qui soient invulnérables à n’importe quelle violation des droits fondamentaux. Les objectifs sont clairs mais la question du “comment ?” s’avère beaucoup plus complexe.

Le débat a été ouvert par le représentant du Service juridique du Parlement européen qui a donné des clarifications importantes sur le sens et la valeur de l’arrêt, et a souligné le rôle positif que le Parlement a joué dans l’affaire. En premier lieu, il a rappelé encore une fois que toute la législation secondaire de l’Union doit se conformer strictement aux dispositions de la Charte des droits fondamentaux, qui constitue une source de droit primaire et doit être pleinement respectée.

Donc, aucune loi ne peut autoriser des programmes de surveillance de masse, identifiés par la Cour comme des systèmes “d’accès généralisé à tous les contenus des communications électroniques”, ni au niveau des pays tiers, ni au sein de l’Union. Ce sont des systèmes qui, évidemment, portent atteinte aux droits à la vie privée et à la protection des données personnelles.

Un niveau de protection élevé doit être assuré tant au sein de l’Union que par les pays tiers. Le représentant du Service juridique a aussi clarifié le concept de protection adéquate, prévue par la Directive 95/46. Le niveau de protection ne doit pas être nécessairement identique à celui fourni par l’Union, mais équivalent et être garanti par l’ordre juridique des pays. De plus, ce cadre juridique (lois nationales ou engagements internationales) ne devrait pas établir des obligations seulement pour les entreprises, mais aussi pour les autorités publiques. En effet, l’invalidation du système s’est concentrée sur le fait que, en vertu de la législation en vigueur aux États-Unis, il permettait aux autorités nationales américaines d’accéder aux données de manière généralisée et sans aucune limitation ni garantie pour les citoyens.

C’est sur ce point que s’est concentrée la majorité des observations des députés qui ont participé au débat. Le problème principal reste au sein des États-Unis: “la Cour a jugé que l’ordre juridique américain n’offre aucune garantie”.

Une décision, pour être en cohérence avec la Directive 95/46 sur la protection des données, “doit faire en sorte que l’ordre juridique du pays tiers garantit un niveau de protection adéquat”.

Donc, comme cela été soulevé par plusieurs parlementaires, même si la Commission est en train de négocier un nouvel accord Safe Harbor, comment pourra-t-elle changer le système américain interne avec une nouvelle décision?

« On ne peut pas adopter une décision qui atteste l’adéquation de la protection fournie par les États-Unis s’il ne change pas leurs règles internes” a affirmé Jan Philipp Albrecht (Verts/ALE). La partie est complètement dans les mains des Américains. Ça c’est le seul message qui doit passer maintenant. Un message qui selon le député aurait du passer par la Commission directement après l’arrêt de la Cour.

Selon les mots de Sophie in’ t Veld (ADLE), qui a notamment critiqué la brièveté et l’absence d’exhaustivité de l’intervention de la Commission au sein du débat : “on parle d’un successeur de Safe Harbor ou d’un Safe Harbor amélioré. La semaine dernière la Commission aurait du vérifier si les 13 points [les 13 recommendations en négociation avec les États-Unis] étaient respectés et si cela était conforme à l’arrêt de la Cour.”

La députée libérale a souligné comment l’Union traite souvent ses relations avec le partenaire américain d’une façon tout à fait différente par rapport aux autres pays, notamment concernant des questions de nature politique. Dans ce cas, toutefois, il y a un arrêt juridique du côté européen. Les discussions demeurent donc au niveau politique mais il y a des nouveaux éléments de nature juridique qui doivent désormais être pris en compte.

Cela sera-t-il l’occasion juste pour hausser le ton face aux américains et élever le niveau des requêtes? Apparemment, il n’y a pas de stratégies alternatives. “On dit toujours qu’on a les mêmes valeurs, les mêmes droits. Qu’ils le démontrent !” a clamé in’ t Veld. C’est le moment !

La question semble tout sauf facile. Le triangle composé par le concept de sécurité nationale, les intérêts des entreprises et les droits à la vie privée et à la protection des données prend des formes différentes sur les territoires des deux partenaires. Du coté américain, la sécurité nationale semble constituer le sommet de la pyramide. Tandis que, du coté européen et notamment après l’arrêt, les données ont marqué une victoire importante sur les deux autres éléments.

Selon les paroles de l’avocat Thierry Dor, rapportées dans Le Monde le 12 octobre dernier : “Les américains seront pragmatiques. Si leurs entreprises font un énorme lobbying à Washington pour la mise en place d’un nouveau Safe Harbor, alors ils négocieront rapidement”. En effet, on ne doit pas oublier que les entreprises jouent aussi un rôle fondamental dans le triangle qu’on a introduit, surtout aux États-Unis.

“Comment sortir de l’impasse ?” ont demandé les députés à la Commission. Autrement dit : qu’a-t-elle l’intention de faire ? Les négociations sur le nouveau système Safe Harbor ne sont pas suffisantes en elles-mêmes.

Claude Moraes a avancé la nécessité d’une vraie stratégie politique : “on doit informer le Sénat américain, on doit négocier un changement de scénario maintenant”.

Le changement auquel le président de la commission LIBE a fait référence est nécessairement à insérer dans le cadre plus général d’un débat politique sur le concept de sécurité nationale et tout ce à quoi il touche. Dans ce cas, on fait notamment référence aux dérogations des droits fondamentaux, comme le droit à la vie privée et à la protection des données, qui sont autorisées par le législateur en fonction d’exigences supérieures de sécurité nationale.

“La Cour nous invite à assumer une approche plus universellea affirmé Marju Lauristin (S&D), qui, concluant son intervention au sein du débat, a ajouté: “c’est le début d’une sorte de révolution concernant tous les effets de la protection des données”.

Une révolution qui ne doit pas seulement se dérouler outre l’Atlantique, mais aussi et avant tout en Europe.

“Le concept de sécurité nationale est souvent utilisé comme excuse pour faire n’importe quoi avec les données, même en Europe” a dit Birgit Sippel (S&D).

Tout cela doit être repris par la Commission européenne, ouvertement critiquée par les députés non seulement pour la position qu’elle a maintenue pendant les 15 dernières années, mais aussi par rapport à sa réaction suite à l’arrêt.

Les députés n’ont pas tardé à rappeler que beaucoup de projets liés à la protection des données sont actuellement en cours de discussion au sein de l’Union. Quels sont les impacts de l’arrêt sur le projet du PNR européen, et sur le cadre réglementaire de la réforme sur la protection des données? Quels sont les impacts sur les autres accords et systèmes déjà approuvés par la Commission? Faudra-t-il les réexaminer?

La Commission ne s’est pas trop exposée durant le débat. Věra Jourová, Commissaire à la justice, consommateurs et égalité des genres, après une visite aux États-Unis, est attendue le 26 Octobre prochain au sein de la commission LIBE.

Aurions nous dû attendre Max Schrems pour que tout cela commence? On suppose que oui! Les faits le démontrent clairement.

Vu que les enjeux actuellement sur la tables et qui sont liés à la question sont nombreuses: est-ce que il faudra d’autres Schrems en Europe? Ou bien, les institutions seront-elles capables de construire les fondations solides dont on a parlé?

Seront-elles capables d’appliquer les législations européennes d’une manière tout à fait effective? On espère que oui!

“On a la responsabilité d’adopter des normes correctes” a rappelé par Sophie in’ t Veld au cours du débat.

En attendant, à nouveau, merci beaucoup Max Schrems!

Paola Tavola

 

Pour en savoir plus :

 

     -. Is the Safe Harbor paradox nearly coming to an end? The Advocate general of the ECJ states the invalidity of the EU-US decision at the basis of commercial data exchange. Will the Commission still ignore the Parliament calls for the suspension of the system? http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/09/27/is-the-safe-harbor-paradox-nearly-coming-to-an-end-the-advocate-general-of-the-ecj-states-the-invalidity-of-the-eu-us-decision-at-the-basis-of-commercial-data-exchange-will-the-commission-still-igno/

     -. “Safe Harbor” is anything but safe. When a citizen and the ECJ overcome the Institutions http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/10/09/safe-harbor-is-anything-but-safe-when-a-citizen-and-the-ecj-overcome-the-institutions/

     -. Committee on Civil Liberties, Justice and Home Affairs – meeting 12/10/2015 http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/content/20151006IPR96080/html/Committee-on-Civil-Liberties-Justice-and-Home-Affairs-meeting-12102015-(PM)

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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