Etats de droit : il y en a et il y a les autres. La grande fracture géopolitique. Le cas polonais : Commission européenne et Conseil de l’Europe ne lâchent rien.

L’intérêt de la publication des Panama Papers est qu’elle révèle une ligne de fracture dans la géopolitique, une ligne qui n’apparait pas au grand jour, comme au temps de la guerre froide entre l’est et l’ouest, c’est celle qui sépare les Etats de droit des autres. Or c’est la ligne de fracture la plus lourde de conséquences dans le domaine des relations internationales. Elle s’insinue dans des espaces qu’on croyait assez homogènes comme l’Union européenne, or il n’en est rien nous le constatons. Chaque jour apporte sa preuve : des membres de l’Union sont quasi en sécession. Quel autre mot appliquer lorsqu’on constate qu’un gouvernement refuse de publier et d’appliquer un arrêt du tribunal constitutionnel ?

Sans Etat de droit, il n’y a pas de développement économique durable, pas de système économique profitable à l’ensemble de la population de façon équitable. Dans une économie de marché, sans Etat de droit, c’est la loi de la jungle qui prévaut , le règne de mafias, des prédateurs de tout acabit. Qui peut rassurer les investisseurs qui nourrissent les investissements productifs indispensable au développent économique ? Personne si non l’Etat de droit etc …La Rand corporation a mené une étude pour le compte du Parlement européen sur le coût de la « non-Europe » en matière de corruption et a évalué ce coût comme se situant entre 179 et 990 milliards d’euros. Il recommande pour tous les membres de l’UE le mécanisme de contrôle actuellement utilisé pour la Bulgarie et la Roumanie (cf. « pour en savoir plus » .Le blanchiment d’argent, la corruption, la crises des migrants, le terrorisme international sont des phénomènes interdépendants , sans un Etat de droit fort, il est facile d’imaginer les conséquences. Les conséquences de l’absence d’un Etat de droit sont lourdes, visibles et pour autant une solution au problème opposant la Pologne à l’Union européenne ou au Conseil de l’Europe n’apparait pas après les visites en Pologne du président de la Commission européenne et du secrétaire général du Conseil de l’Europe. Ces deux visites étaient très attendues.

Ces deux visites avait comme but comment sortir de cette crise en Pologne, crise constitutionnelle et politique alors qu’aucune solution ne semble émerger depuis son éclatement en novembre 2015 ? Toutes les parties sont d’accord pour dire qu’il faut poursuivre le dialogue, même si des divergences fondamentales persistent. Maigre succès….

Franz Timmermans après s’être entretenu avec plusieurs Ministres et le président du Tribunal constitutionnel , a insisté sur l’urgence pour que tous les arrêts de cette juridiction soient publiés. C’est un préalable pour une sortie de crise et l’application du bon fonctionnement de l’Etat de droit, a-il dit. Faut-il rappeler que le droit à une bonne administration fait partie des droits fondamentaux du citoyen et de la Charte européenne. Il est claire que dans la ligne de mire du vice-président de la Commission se trouve l’arrêt du 9 mars. La bataille autour de cet arrêt domine et l’emporte sur toute considération. La première Ministre, Beata Szydlo, empêche toujours sa publication, refus que l’opposition politique la majorité des juges du Tribunal et de nombreux observateurs estiment être une action anticonstitutionnelle. « Anticonstitutionnel »  est aussi le reproche qu’avait fait le Tribunal dans l’arrêt, envers la réforme de son propre fonctionnement qu’avait décidée le gouvernement de Szydlo, a travers une loi adoptée par le Parlementpolonais. Selon le gouvernement polonais, le Tribunal n’avait pas le droit de se prononcer sur une loi qui réformait son fonctionnement, encore moins avant de l’avoir appliqué. En conséquent, l’arrêt du 9 mars n’est tout simplement pas un juge ment légal.

Si la situation est complexe, pour Franz Timmermans il ne fait aucun doute : cet arrêt doit être publié et appliqué, le Tribunal s’étant correctement basé sur la seule constitution pour déterminer la légalité de la réforme voulue par le parti au pouvoir, le fameux parti Droit et Justice (PIS) .Ses interlocuteurs du gouvernement ne partage évidemment pas cette opinion et misent sur un dialogue politique impliquant les partis politiques polonais où le Pis occupe une position fortement majoritaire, tout en réitérant la légitimité de la décision de ne pas publier l’arrête du 9 mars. Position confirmée par une lettre du ministre des affaires européennes adressée à la Commission. La Commission, elle, a la volonté de poursuivre le dialogue. D’autres voyages à Varsovie sont prévus car la Commission privilégie des contacts directs plutôt qu’un échange de lettres. Dans l’immédiat aucune décision dans le cadre du mécanisme dit « Etat de droit » n’est pour l’instant prévue. Le secrétaire général du Conseil de l’Europe a aussi fait le voyage de Varsovie : son inquiétude est grande. Il ne l’a pas cachée : en l’état actuel la Pologne ne fonctionnait pas comme un Etat de droit. La séparation des pouvoirs n’y fonctionnait plus. Si ce conflit n’est pas rapidement résolu, le risque existe que la Cour européenne des doits de l’homme soit saisie. Pour lui la solution du conflit devrait passer par des négociations au niveau du Parlement polonais avec comme point de départ la publication de l’arrêt du 9 mars qui a remis en cause la réforme du Tribunal proposée par le nouveau gouvernement et la nomination des trois juges choisis par le Parlement précédent. De telles négociations entre le Parti Pis, Droit et Justice,, mais ont donné peu de résultats au pouvoir et l’opposition ont été entamées et ont fait l’objet de discussions entre Jagland et plusieurs ministres ces discussions semblent se déplacer du juridique vers le politique. C’est ce point qui est mis en avant de plus en plus par le gouvernement polonais. Un gouvernement qui insiste sur le besoin de trouver un compromis à travers une solution négocié entre les partis politiques polonais. Concédons que ce conflit n’est pas banaL .. . D’autres surgiront inévitablement.

La Pologne peut elle demeurer longtemps dans cette situation au point d’apparaitre comme un pays en crise permanente, condamné de ce fait à devenir un pays de seconde zone ?

Pour en savoir plus :

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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