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Présentation du rapport actualisé d’Eurojust concernant les combattants étrangers

Le 20 avril 2016 était à l’ordre du jour de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) la présentation de la Présidente d’Eurojust, Michèle Coninsx, du rapport actualisé concernant le phénomène des combattants étrangers ainsi que la réponse de la justice pénale. Un mois à peine après les attentats de Bruxelles, c’est un sujet des plus importants dont la commission LIBE est particulièrement investie puisque c’est aussi un point capital de la future directive, actuellement en préparation, concernant la lutte anti-terroriste. La présentation de ce rapport et les arguments de la Présidente de l’Agence Eurojust étaient donc fortement attendus par l’ensemble des députés européens puisque le débat pour la future directive avait lieu le lendemain.

Michèle Coninsx a insisté sur un point particulièrement important : si les attentats des 13 novembre et 22 mars derniers ont accéléré les débats et négociations, Eurojust travaille sur le phénomène des combattants étrangers depuis 2012 et entend poursuivre cette voie afin de trouver des solutions pour lutter au mieux contre le terrorisme.

Le rapport présenté aux députés lors de cette réunion de la commission LIBE est donc un rapport actualisé, contenant principalement ce qui avait déjà été prévu par une réunion de juin 2015. La Présidente a mis le point sur deux éléments à prendre en compte, le premier est qu’il faut accorder une place majeure aux victimes de tels actes. En effet, il faut être en mesure de rendre la justice et de traîner devant les tribunaux les personnes ayant commis des actes terroristes, ce pourquoi Eurojust entend travailler de façon ardue afin aboutir à des mesures dans les plus brefs délais.

Ensuite, il faut prendre en compte que, puisqu’il s’agit d’enquêtes et de procédures pénales, souvent en cours, la Présidente a précisé qu’il est impossible pour Eurojust de révéler autre chose qu’une version restreinte de ce rapport, et ce, pour ne pas compromettre les enquêtes en cours. Il en va du succès de ces procédures, mais également du respect de la déontologie. C’est donc un rapport limité qui transcrit le fruit des conclusions de procureurs hautement spécialisés dans les questions de terrorisme. L’objectif est de se concentrer sur les résultats en continuant les travaux commencés en 2012, en prenant en compte les nouvelles menaces suites aux derniers événements tragiques.

Eurojust est un organe judiciaire qui sert de point de contact stratégique et tactique pour rassembler les divers organismes luttant contre le terrorisme. Le problème est complexe, il faut l’aborder de façon dynamique en choisissant une approche commune et complète en vue de l’endiguer.

Michèle Coninsx a voulu donné un exemple de la façon dont les discussions se construisaient et évoluaient pour trouver des solutions. La question s’est posée de savoir s’il était utile de condamner les combattants étrangers à des peines de prison. Ce n’est pas une question anodine car nous savons que les prisons sont des incubateurs et des viviers de futurs combattants étrangers. Cependant, la Présidente a insisté sur le fait que les prisons pouvaient tout de même avoir un effet de dissuasion. Ce sont les enquêtes après les attentats de Bruxelles qui ont pu révéler cela car il est apparu clairement que les kamikazes voulaient justement être kamikaze pour être certains de ne pas finir enfermés en prison.

L’objectif d’Eurojust est d’arriver à un cadre juridique et judiciaire commun pour faire face aux lacunes actuelles. Pour cela, les résolutions du conseil de sécurité des Nations Unies ainsi que les décisions du Conseil de l’Europe peuvent être des outils pris en compte. De plus, la future directive de lutte contre le terrorisme va également être un outil nécessaire à l’élaboration du cadre commun car les définitions établies en 2002 (et affinées en 2008) ne suffisent plus à combler les brèches des différents systèmes européens. Les initiatives nationales sont utiles mais ne suffisent pas, il est nécessaire d’avoir une véritable politique européenne globale pour arriver à une cohérence dans les moyens d’action.

Le rapport actualisé d’Eurojust insiste sur les différents points à prendre en considération dans l’élaboration de ce cadre juridique commun :

  • Une politique concernant les personnes qui reviennent des zones de conflits (indicateurs de risques, évaluation des risques). Actuellement, les procédures sont trop différentes d’un État à l’autre et ne permettent pas la cohérence dans cette évaluation des dangers.
  • Une meilleure prise en compte des vétérans : c’est-à-dire des personnes qui ont un casier judiciaires (pas forcément à cause d’un délit grave) et qui font des allers/retours. Ce sont des personnes qui présentent plus de risque d’être impliquées dans des groupes terroristes, donc il faut les surveiller avec plus d’attention.
  • Une meilleure approche de la déradicalisation : il faut prendre en compte toutes les phases, à savoir avant le procès, pendant le procès, et après le procès.
  • Il est nécessaire de s’attaquer aux racines mêmes du problème de la radicalisation. Il faut prendre en compte tous les moyens de preuves, et en particulier les preuves numériques qui sont les plus difficiles à obtenir et pourtant, les groupes terroristes se développent de plus en plus sur les médias sociaux.
  • Une recherche d’alternatives, quand cela est possible, à la condamnation.

Après la présentation de ce rapport actualisé, les parlementaires semblaient satisfaits et plusieurs questions sont ressorties. Des précisions ont été demandées quant au fait d’interdire les voyages. La députée allemande et rapporteur de la directive concernant la lutte contre le terrorisme, Monika Hohlmeier (PPE) a notamment signalé qu’il fallait interdire uniquement les voyages dont nous étions en possession de preuves qu’il s’agissait de voyages effectués en lien avec une organisation terroriste. Elle a précisé qu’il fallait aussi prendre en compte la protection des enfants qui peuvent faire face à des situations abusives provoquées par des personnes radicalisées. C’est pourquoi, la déradicalisation est un objectif de la plus haute importance et la députée a invité Eurojust à présenter des mesures qui pourraient être prises de concert entre les États membres et les institutions européennes pour arriver à des mesures législatives concrètes en plus de la directive pénale en préparation.

D’autres députés ont également appuyé sur l’importance de l’échange d’informations entre les États membres. La nécessité de la coopération entre les agences telles que Frontex, Eurojust et Europol a été mise en avant, mais également l’utilisation, encore trop rare selon certains, des équipes communes d’enquêtes qui nécessiteraient peut être une révision à laquelle Eurojust pourrait participer.

Les députés, tel que Nathalie Griesbeck (ADLE), ont insisté sur le fait que la coopération était plus que nécessaire et que les États devaient travailler main dans la main car toute l’Europe est désormais concernée par le phénomène des combattants étrangers.

Plusieurs questions adressées à la Présidente d’Eurojust ont également tourné autour des définitions. Est-ce que l’on peut lier le terrorisme au crime organisé (notamment pour ce qui est de la traite des êtres humains ou du blanchiment d’argent) ? Faut-il une nouvelle définition en Europe du terrorisme ? Ne faudrait-il pas définir ce qu’est Daesh (organisation ? Mouvement en état de guerre?) ?

Enfin des précisions ont également été demandées quant aux mesures alternatives pour la prévention de la radicalisation ainsi que sur les moyens proposés pour véritablement aboutir à une cohérence entre les divers systèmes pénaux des États membres.

Pour conclure le débat, Michèle Coninsx a souhaité répondre aux questions des députés pour approfondir ce qu’elle avait déjà énoncé en présentation de ce rapport. Si les travaux ont bien commencé en 2012, la Présidente précise qu’il est vrai que nous connaissons aujourd’hui une menace sécuritaire sans précédant qui s’étend rapidement, telle une tâche d’huile. Si peu de pays européens étaient concernés par le phénomène des combattants étrangers en 2012, c’est désormais toute l’Union européenne qui est touchée, ce pourquoi ce cadre juridique et judiciaire global est nécessaire.

Michèle Coninsx a insisté sur le fait qu’il ne fallait pas stigmatiser les musulmans comme des terroristes potentiels, ils font partie des victimes et doivent être protégés. Il est nécessaire d’avoir des mesures qui permettent d’amener ces criminels devant les tribunaux, afin que justice soit faite pour toutes les victimes de ces terribles attentats. Et il est également important d’évaluer l’impact des différentes mesures mises en place au cours du temps pour continuer à les améliorer.

Nous sommes dans l’urgence, il faut agir vite et bien, en travaillant à une meilleure cohérence des mesures, en prenant en compte la confiance mutuelle entre les États, en conformité avec l’État de droit. Eurojust a montré son importance lors des derniers attentats, en permettant en temps réels d’accélérer la coopération judiciaire, en améliorant la coordination des réseaux de lutte anti terroriste. La voie choisie par Eurojust est de continuer en ce sens, pour mettre en place un système de coopération plus pointu et plus efficace (et notamment, les équipes communes d’enquêtes peuvent et doivent être l’un des outils utilisés pour réaliser cet objectif).

Il y a évidemment un lien étroit entre le terrorisme et les bandes criminelles pratiquant le trafic de toutes sortes. C’est pourquoi il est plus que nécessaire que cette coordination se fasse tout au long du travail d’enquête en vue d’établir tous les risques face au voyage des personnes susceptibles d’être impliquées dans des organisations terroristes. Si Eurojust a déjà été en mesure d’améliorer la coopération et la cohérence en matière de cyber-criminalité et d’immigration illégale, l’Agence européenne entend y arriver également pour contrer le phénomène des combattants étrangers, car sans coopération, il est impossible d’aboutir à un système cohérent.

Marie Brun

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Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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