You are currently viewing #LaRéplique : Les Fake News, une nouvelle menace pour la démocratie ?

#LaRéplique : Les Fake News, une nouvelle menace pour la démocratie ?

Le terme Fake News ou « Fausses nouvelles » en Français, est utilisé depuis quelques années dans les médias pour désigner des informations fausses ou inventées de toute pièce. C’est ce qu’on appelle plus communément la désinformation.

La désinformation a toujours existé et n’est pas un concept nouveau. Le fait d’informer la population avec des informations erronées ou clairement orientées a déjà été utilisé pendant des guerres afin de manipuler l’ennemi voire même le citoyen comme dans la guerre du Viêtnam ou encore pendant la guerre du Golfe.

Ce concept s’est davantage développé avec l’apparition de la communication de masse au 19ème siècle avec le développement de la presse. N’importe quel citoyen peut aujourd’hui, via son smartphone ou son ordinateur, communiquer et envoyer ce qu’il désire, que ce soit vrai ou faux.

Des menaces de mort et des incitations à la haine sont également proférées par des internautes à l’encontre d’hommes politiques ou de stars influentes.

Les Fake News sont un véritable problème de société et ne doivent pas être sous-évaluées. Sont-elles également une menace pour les démocraties modernes ?

Les campagnes électorales : période de prédilection des Fake News

La campagne électorale américaine de 2016 a été particulièrement touchée par le phénomène. Hillary Clinton, candidate du Parti démocrate, a été accusée de vouloir supprimer le deuxième amendement de la Constitution des États-Unis qui autorise le citoyen américain à posséder une arme. Or, la politicienne avait déclaré quelques mois auparavant qu’elle voulait uniquement instaurer un meilleur contrôle des armes mais en aucun cas abolir le second amendement.

L’information avait été massivement relayée sur les réseaux sociaux pendant la campagne et Hillary Clinton avait perdu un nombre conséquent de partisans qui estimaient qu’il ne fallait pas modifier la Constitution.

Un autre exemple de Fake News durant cette campagne présidentielle concernait le Pape. Un site internet américain, WTOE 5 News, avait diffusé une information selon laquelle le Pape avait accordé son soutien au candidat républicain Donald Trump, actuel président des Etats-Unis. Le Pape avait alors été contraint de démentir l’information tant celle-ci avait eu une répercussion énorme sur les réseaux sociaux et principalement sur Facebook où cela avait touché plus de 900.000 personnes.

Ce n’est pas seulement aux Etats-Unis que les Fake News sévissent pendant les campagnes électorales. La France n’est pas en reste puisqu’elle a également été touchée par des informations fausses relayées pendant la campagne présidentielle de 2017 opposant au deuxième tour, Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

En plein milieu du traditionnel débat télévisé entre les deux derniers candidats à la présidence, Marine Le Pen a affirmé que le fondateur du Parti « En Marche » possédait un compte offshore aux Bahamas. L’information s’est avérée fausse et Emmanuel Macron a décidé de porter plainte. Néanmoins, les réseaux sociaux ont partagé cette Fake News sans vérifier la véracité des faits et la réputation du candidat a été entachée pendant quelques jours.

En France : Emmanuel Macron en fait son cheval de bataille

 Comme rapporté précédemment, Emmanuel Macron a été personnellement visé par les médias pendant la campagne présidentielle. De fausses informations ont circulé à son sujet et le candidat, devenu président, a montré son désir de lutter efficacement contre les Fake News. Emmanuel Macron et la ministre de la culture Françoise Nyssen veulent adapter la loi aux spécificités de l’ère numérique. Il est évident que les dispositions à l’égard de la presse qui datent de 1881 ne sont plus d’actualité et ne suffisent pas pour réprimer les abus commis sur les réseaux sociaux.

La nouvelle loi devrait donc avoir en ligne de mire les réseaux sociaux, essentiellement Facebook, et les journaux ou publications sous l’égide d’une puissance étrangère. L’attention sera particulièrement portée sur les Fake News en période électorale. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) aura le droit de retirer la licence d’un média estimé sous influence. Les plateformes telles que Youtube seront également visées. Les noms des sponsors de vidéos mensongères doivent être publiés ainsi que les sommes dépensées pour financer celles-ci. Cette mesure vise à promouvoir une certaine transparence sur ce genre de plateformes ce qui n’est pas toujours le cas actuellement. En effet, toute personne équipée d’un ordinateur et d’une connexion à Internet peut se connecter sur Youtube et poster une vidéo en ligne sans préciser sa véritable identité.

De plus, la nouvelle loi stipule qu’un juge peut être averti par un citoyen afin de supprimer la diffusion d’une Fake News. Le juge devra alors définir si l’information est véritablement fausse mais également si la personne à l’origine de la diffusion est de mauvaise foi et si l’information en question pose un trouble à la paix publique. Ce n’est pas évident pour le juge de déterminer ces trois caractéristiques à la fois.

Le projet de loi essuie cependant de nombreuses critiques. L’une d’entre elles est le fait qu’il existera une volonté d’agir au plus pressé et face à l’urgence, ce qui pourrait compromettre la recherche de la vérité. Le CSA pourra donc décider de quelle information est vraie ou fausse et cette décision ne sera peut-être pas totalement impartiale et interdirait aux journaux de publier sur une base somme-toute arbitraire. Il est alors pertinent de se demander si la loi ne toucherait pas à la liberté de la presse. Mais comment vérifier toutes les informations publiées en sachant que les Fake News peuvent être postées partout et à tout moment ?

Que propose l’Union européenne ?

 La Commissaire européenne de l’économie et de la société numérique, Mariya Gabriel, a mis en place un groupe d’experts de haut niveau chargé de lutter contre la publication de fausses nouvelles et contre la désinformation. Le groupe s’est réuni pour la première fois le 15 janvier 2018. Il est composé de représentants de médias sociaux, de citoyens, de journalistes ou encore d’organisations de la société civile.

Le groupe a pour but de mettre en place une stratégie valable pour l’Union européenne afin d’identifier ces Fake News pour pouvoir ensuite trouver la bonne attitude à adopter face à celles-ci. Les experts seront aussi amenés à conseiller l’Union européenne et à proposer des solutions. Les citoyens peuvent contribuer et donner des idées via une plateforme qui est une consultation publique émanant de la Commission et qui sera en ligne jusqu’au 23 février. L’action a pour but de confronter les avis des experts à ceux des citoyens afin de trouver des dispositions efficaces et comprises par tous. L’Union européenne n’a cependant pas pris de dispositions à propos d’un cadre légal à l’encontre des Fake News.

La Commissaire, Mariya Gabriel a souligné au mois de novembre que le problème des Fake News a l’air simple mais qu’il est en réalité très complexe. En effet, d’après elle, il ne suffit pas de « trier les vraies et les fausses informations », il faut également analyser tout le développement de la Fake News et remonter jusqu’à son émetteur, le message en lui-même, le lecteur ou encore le canal de diffusion. C’est un travail extrêmement difficile qui requiert beaucoup de temps.

Il faudra donc attendre avant qu’une directive soit proposée et que les recommandations des experts soient traitées et analysées afin de poser un cadre légal aux Fake News.

Les Fake News, une menace grandissante pour l’avenir ?

 Comme nous l’avons souligné plus haut dans cet article, les Fake News peuvent être considérés comme une menace pour la démocratie. La liberté d’expression est un droit phare de la démocratie mais le risque est que celle-ci soit utilisée à des fins malhonnêtes et personnelles. L’impact des fausses informations ne peut pas être sous-estimée car si elles sont partagées à grande échelle, elles peuvent sembler crédibles aux yeux d’énormément de citoyens. Cela peut engendrer des comportements anti-démocratique.

Il ne faut également pas oublier qu’Internet est un lieu où certains peuvent inciter à la haine via des informations montées de tout pièce. Dans un contexte de terrorisme et de racisme accrus, il serait pertinent de se demander si ces Fake News ne sont pas un moyen efficace de contribuer au renforcement de la haine grandissante de certains citoyens.

Les Fake News font en tout cas l’actualité de ces dernières années et « La journée pour un Internet sans crainte » a eu lieu le mardi 6 février. Cette action visait à sensibiliser les plus jeunes et développer leur esprit critique face aux fausses informations. Un faux documentaire sur la soi-disant invention du Sida par les Américains pour combattre la révolution à Cuba leur est proposé afin qu’ils comprennent les rouages et les mécanismes d’une Fake News.

Le phénomène des Fake News est un phénomène de société très complexe et pas uniquement un problème pour la démocratie comme nous avons pu le constater précédemment dans cet article.

Une célèbre citation de Umberto Eco peut nous donner un autre point de vue sur les Fake News et nous éclairer sur les motivations et les personnes qui créent ou relaient ces fausses nouvelles. Celui-ci déclare que « Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui, avant, ne parlaient qu’au bar, après un verre de vin et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite alors qu’aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel. C’est l’invasion des imbéciles »

Le philosophe pense que n’importe quel citoyen a le droit de prendre la parole en raison de la liberté d’expression que prône la démocratie. Certains n’ont qu’un discours médiocre ou haineux à proposer, ce qui crée les Fake News et la désinformation sur les réseaux sociaux.

Il est alors pertinent de se demander si finalement, la démocratie elle-même n’aurait pas inciter à la désinformation en prônant sans relâche la liberté d’expression.

Comme le souligne Umberto Eco, l’intellect des personnes déclarant de fausses informations ou croyant celles-ci est primordial dans le phénomène des Fake News. Il est important de se remettre en question et d’exercer au maximum son esprit critique afin de distinguer le vrai du faux comme l’évoque Umberto Eco en précisant que « Les imbéciles ont aujourd’hui le même droit de parole qu’un prix Nobel »

Le phénomène des Fake News est une menace sérieuse et extrêmement difficile à enrayer à cause de ses origines d’une part et de sa portée médiatique extrêmement rapide de l’autre. Un cadre légal devrait être défini au niveau de l’Union européenne et il faudra encore attendre avant que la Commission propose une directive efficace.

 

 Déborah Miller

 

 Pour en savoir plus :

 

Site de The Telegraph. « Fake News : what exactly is it and how can you spot it ? ». http://www.telegraph.co.uk/technology/0/fake-news-exactly-has-really-had-influence/, page consultée le 20/02/2018

Le Point. « La Commission européenne s’attaque aussi aux Fake News ». Lorelinne Merelle. http://www.lepoint.fr/europe/la-commission-europeenne-s-attaque-aussi-aux-fake-news-13-01-2018-2186276_2626.php, page consultée le 20/02/2018

Le Figaro. « Les États se mobilisent contre les Fake News ». Journal papier du 4/02/2018.

Site de France 24. « Le projet de loi contre les Fake News se précise ». 2018. http://www.france24.com/fr/20180213-nyssen-projet-loi-contre-fake-news-csa-macron, page consultée le 21/02/2018

Le Monde. « Fake News : les risques d’une loi ». 2018. http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/04/fake-news-les-risques-d-une-loi_5237529_3232.html, page consultée le 21/02/2018

Site de la Commission européenne. « Lutter contre la diffusion de fausses nouvelles et la désinformation ». 2018. https://ec.europa.eu/commission/news/tackling-spreading-fake-news-and-disinformation-2018-jan-15_fr, page consultée le 21/02/2018.

Site de Next Inpact. « Fake news : la composition du groupe d’experts auprès de la Commission européenne ». 2018. https://www.nextinpact.com/news/105959-fake-news-composition-groupe-dexperts-aupres-commission-europeenne.htm, page consultée le 21/02/2018

Site de 20 Minutes. « Les Fake News au cœur d’un Internet sans crainte mardi ». 2018. https://www.20minutes.fr/high-tech/2214199-20180203-fake-news-ur-journee-internet-crainte-mardi, page consultée le 21/02/2018

Site de Le Point. « Les Fake News peuvent-elles tuer la démocratie ? ». 2018. http://www.lepoint.fr/societe/les-fake-news-un-danger-pour-la-democratie-01-06-2017-2132138_23.php, page consultée le 21/02/2018

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

Laisser un commentaire