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#LaRéplique. Changement de cap : les populistes veulent rester dans l’UE ?

A moins de quatre mois des élections européennes de mai 2019, les leaders des partis politiques d’Europe ont lancé leurs campagnes électorales. Tel est le cas en France de Marine Le Pen, leader du parti politique Rassemblement National, et de son collègue et sympathisant italien Matteo Salvini, candidat du parti eurosceptique la Ligue.

Début janvier, la leader de l’ex Front National a souhaité une bonne année aux journalistes réunis au siège du parti avant de présenter sa stratégie politique pour les élections européennes du 26 mai. Malgré la défaite aux élections présidentielles du printemps 2017 et les derniers sondages qui montrent le soutien grandissant au parti d’opposition La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen n’a pas perdu espoir.

La révolte des gilets jaunes en France encourage la croissance du soutien populiste, surtout s’ils ne constitueront pas un parti politique. En effet, si leur mécontentement n’est pas canalisé à travers leur participation électorale, le mouvement pourrait bénéficier aux partis les plus extrêmes. De plus, la formation en Italie du gouvernement Ligue-Cinq Etoiles a donné à Marine Le Pen une force sans précédent au niveau européen. En effet, le fait que son allié de l’autre côté des Alpes soit arrivé au pouvoir en Italie renforce l’image de la leader du Rassemblement national. Et c’est exactement avec le vice-ministre Salvini que Le Pen a annoncé un meeting, probablement en février.

Le « plan B » de Marine Le Pen

« Quand la seule alternative était la soumission à Bruxelles, nous étions favorables à la sortie de l’Union européenne et de l’euro » – explique Le Pen – « alors qu’aujourd’hui nous pouvons changer l’Europe de l’intérieur grâce au vote des citoyens ».

Lors des dernières élections présidentielles d’avril 2017, les électeurs français ont manifesté leur perplexité à l’égard de la « sortie de l’euro ». En effet, le Front National n’arrivait pas à expliquer comment rétablir un système monétaire national. Le Rassemblement National ne veut pas faire la même erreur pour le tournant électoral européen et Marine le Pen a voulu préciser que la sortie de l’Europe et de l’euro ne constitue plus la pierre angulaire de la pensée lepeniste.

Pendant un entretien avec le quotidien italien Corriere della Sera, Le Pen a déclaré que « quand le Président de la Commission sera l’expression d’idées comme la mienne ou de Salvini, les choses changeront et la sortie de l’Union européenne et l’adoption d’une nouvelle devise ne seront plus des priorités ». Elle conclut en disant que « comme on l’a fait pour la Banque centrale européenne avec le quantitative easing, les traités sont aussi interprétables ».

En Italie : le « gouvernement du changement » confirme la ligne lepeniste

Les vice-ministres italiens Matteo Salvini et Luigi Di Maio, respectivement leader des partis populistes Ligue et Mouvement Cinq Etoiles, partagent la vision de Marine Le Pen malgré quelques différences entre les deux.

Il est étonnant d’observer qu’un des points fondamentaux du programme de l’ex Ligue du Nord pour les élections politiques de mars 2018 a désormais disparu. Pendant la campagne électorale, Salvini soutenait que l’euro « était la cause principale de notre déclin économique » et proposait « le retour à la situation pré-Maastricht », en référence au traité qui a donné naissance à la monnaie unique en 1992.

Cependant, déjà en mai 2018 lors de la stipulation du contrat de gouvernement, Salvini a exprimé la volonté de changer les traités de l’Union européenne en disant qu’« après la formation de l’exécutif, il sera nécessaire de renégocier les traités européens ». Plus récemment, lors d’une manifestation le 8 décembre à Rome pour célébrer ses 6 mois au pouvoir, Salvini a confirmé que « nous ne voulons rien laisser, nous voulons changer les règles de l’UE de l’intérieur ».

De même, le leader du M5S Luigi Di Maio a lancé un des thèmes de la campagne électorale européenne. Dans une vidéo en direct publiée le 14 janvier pendant un voyage en voiture vers Strasbourg, il a voulu exprimer à peu près le même concept que son allié interne : « l’Europe doit se convaincre qu’il faut changer les traités, autrement elle s’écroulera ».

Le Mouvement Cinq Etoiles a abandonné l’euroscepticisme qui a marqué son programme politique dès 2014 pour assumer une position plus conciliante. La sortie de l’Union européenne laisse la place à la critique exprimée dans la vidéo : celle du gaspillage d’argent public. Di Maio milite contre les salaires et les pensions des euro-parlementaires et surtout contre le double siège du Parlement européen qu’il demande de réduire à un.

Ainsi, Rassemblement National, Ligue et Mouvement Cinq Etoiles visent à changer l’Europe de l’intérieur, bien que leurs intérêts ne soient pas les mêmes. En effet, les souverainistes Le Pen et Salvini prônent une meilleure sécurité et indépendance des Etats en matière d’immigration, de commerce et de gestion du budget. Le M5S pousse plutôt pour une révision des paramètres économiques européens et un découpage des coûts de la politique. Pour atteindre ces objectifs, ces partis devront « modifier les traités existants ». Mais de quels traités parlent-ils ? Et est-il vraiment possible de changer les traités de l’UE ?

Les traités de l’Union européenne et leur modification

Selon le droit international, un traité international est un accord entre deux ou plusieurs Etats qui vise à régler leurs rapports. Les traités européens constituent l’épine dorsale de l’UE et en régissent le fonctionnement, les règles et la structure.

Le but des partis populistes est de modifier les accords européens mais ils ne sont pas clairs quant à quels traités ils font référence. Si on regarde les thèmes avancés, il semble que les leaders se réfèrent aux accords en vigueur tels que : le Traité sur l’Union européenne (Maastricht, comme modifié par Lisbonne en 2007), le Traité sur le fonctionnement de l’UE, la Convention de Dublin (qui règle les matières de l‘immigration et de l’accueil) et le Fiscal Compact (Traité intergouvernemental sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’UE qui impose l’obligation d’équilibre du budget).

La leader du RN Marine Le Pen a souvent accusé l’Europe et ses fonctionnaires « d’imposer une vision carcérale totalitaire ». En réalité, les pays de l’UE ont librement accepté ces traités et leurs obligations. L’adhésion à l’Union européenne en est un exemple. L’acceptation et la ratification d’un traité constituent l’exercice de la souveraineté d’un Etat ; aucun Etat n’a jamais été contraint d’adhérer à un traité. Ainsi, la vision d’une institution européenne qui « impose » des obligations, des paramètres ou des codes de conduite à ses pays membres induit gravement en erreur.

Le leader de la Ligue Matteo Salvini soutient que, spécialement en matière d’immigration, l’Italie « aurait les mains plus libres avec le retour à l’état pré-Maastricht ». Mais qu’est-ce qu’un état pré-Maastricht ? Ce concept cache en réalité le rétablissement de la souveraineté législative, économique, monétaire, commerciale et territoriale, tout en limitant la coopération entre les Etats à une relation purement économique. Le retour à une souveraineté étatique exclusive est en soi un principe qui désavoue l’architecture constitutionnelle de l’Union européenne.

A propos du double emploi entre le Parlement de Bruxelles et de Strasbourg avancé par le M5S et son leader Luigi di Maio, cette duplication est établie dans le Traité d’Amsterdam de 1999. Malgré le fait que le débat sur le siège du Parlement revienne périodiquement lors des élections, notamment pour les implications sur le budget, la révision de cette règle semble très compliquée. En effet, une remise en question de cette répartition impliquerait un accord unanime du Conseil des Ministres.

Comme établi par le Traité de Lisbonne (art. 48 du Traité sur l’UE), la modification des traités implique deux différentes procédures : la révision ordinaire ou la révision simplifiée, les seules où l’initiative législative est permise aux Etats membres. Il s’agit de procédures très complexes et entravées par un écueil : la ratification de tous les Etats membres.

Conclusion

Comme on l’a observé, la modification des traités n’est pas une pratique facile mais un processus long et compliqué qui nécessite l’accord de toutes les parties impliquées. En effet, le refus d’un seul Etat membre impliquerait le blocage des révisions.

De plus, les discours des leaders populistes sont en forte contradiction avec les principes fondamentaux de l’Union européenne. Les modifications souhaitée camouflent en réalité la volonté de priver les institutions de leurs pouvoirs et même de priver l’UE du but de son existence et donc de la faire tomber.

Quand les porte-paroles de ces partis politiques déclarent « vouloir rester dans l’UE » afin de la « réformer de l’intérieur », ils cachent en réalité à leur électorat l’intention de déstabiliser la structure européenne, voire même de la démanteler. La possibilité que ces changements puissent se produire dépendra de la capacité de ces partis à créer des alliances au sein du Parlement européen afin de faire valoir leurs idées.

Flavio Mastrorillo

Sources

Ansa. Salvini wants to change EU from within http://www.ansa.it/english/news/politics/2018/12/03/want-to-change-eu-from-within-salvini_0ac01269-3ba5-45aa-ab22-0781a0c8d8d6.html

BFM TV. Des “gilets jaunes” aux européennes ? « Nous fermons la porte à tout parti politique » https://rmc.bfmtv.com/emission/des-gilets-jaunes-aux-europeennes-nous-fermons-la-porte-a-tout-parti-politique-1598770.html

Euractiv. Salvini hails six months in power, wants to personally negotiate with EU https://www.euractiv.com/section/eu-elections-2019/news/salvini-hails-six-months-in-power-wants-to-personally-negotiate-with-eu/

Le Point. Europe: ce que cache le discours de Marine Le Pen https://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-berretta/europe-ce-que-cache-le-discours-de-marine-le-pen-18-01-2019-2286824_1897.php

L’OBS. Elections européennes: le sondage qui fait trembler la macronie https://www.nouvelobs.com/politique/20180914.OBS2351/elections-europeennes-le-sondage-qui-fait-trembler-la-macronie.html

L’OBS. Macron et Philippe remontent dans un sondage https://www.nouvelobs.com/politique/20190109.OBS8185/macron-et-philippe-remontent-dans-un-sondage.html

Reuters. Italy’s Salvini changes tack on EU in bid for center ground https://www.reuters.com/article/us-italy-politics-salvini/italys-salvini-changes-tack-on-eu-in-bid-for-center-ground-idUSKBN1OB224

Youtube. Di Maio e Di Battista in viaggio verso Strasburgo, 14/01/2019 [1/2] https://www.youtube.com/watch?v=R2qLRRdiw10

Youtube. Di Maio e Di Battista in viaggio verso Strasburgo, 14/01/2019 [2/2] https://www.youtube.com/watch?v=ifJhsgmUWtg

Il Sole 24 Ore. Trattati UE, sprechi “poteri forti”: il M5S rispolvera le vecchie parole d’ordine https://www.ilsole24ore.com/art/notizie/2019-01-14/trattati-ue-sprechi-poteri-forti-m5s-rispolvera-vecchie-parole-d-ordine-115142.shtml?uuid=AEOc9VEH

Il Sole 24 Ore. Ecco i “trattati” UE che Salvini vorrebbe cambiare e perché è difficile farlo https://www.ilsole24ore.com/art/notizie/2018-05-15/ecco-trattati-ue-che-salvini-vorrebbe-cambiare-e-perche-e-difficile-farlo-154112.shtml?uuid=AEjJGpoE

Il Sole 24 Ore. Parlamento UE: ecco perché ha tre sedi e quanto costano https://www.ilsole24ore.com/art/notizie/2019-01-15/parlamento-ue-ecco-perche-ha-tre-sedi-e-quanto-costano–105109.shtml?uuid=AE1FtDFH

Il Giornale. “Non serve uscire dall’euro”. Le mosse della Le Pen per cambiare l’Ue dall’interno  http://www.ilgiornale.it/news/mondo/non-serve-uscire-dalleuro-mosse-pen-cambiare-lue-dallinterno-1630662.html

Corriere della Sera. L’uscita dall’euro? Per Marine Le Pen non è più una priorità https://www.corriere.it/economia/19_gennaio_17/uscita-dall-euro-marine-pen-non-piu-priorita-ea3b7704-1a4f-11e9-b5e1-e4bd7fd19101.shtml

Gli Occhi della Guerra. La marcia indietro di Marine Le Pen. Assist inaspettato agli europeisti http://www.occhidellaguerra.it/marine-le-pen-uscita-ue/

Léon De Tombeur

Diplômé en Histoire à la Sorbonne et en Relations Internationales à Lyon III, je me suis notamment intéressé à la politique internationale de l’Union européenne. Animé par un désir de contribuer à l’Europe afin de la rendre plus sociale et respectueuse de l’environnement, je me suis rendu à Bruxelles afin de travailler de concert avec les institutions européennes. Ma spécialisation tend davantage vers le domaine de la défense et de la sécurité, j’ai réalisé mon mémoire de fin d’études sur le futur de la défense anti-missile du continent européen. C’est pourquoi j’ai choisi le portefeuille de la coopération judiciaire et policière.

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