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#LaRéplique : la réforme de l’initiative citoyenne : projet ambitieux ou inutile 

L’initiative citoyenne fait beaucoup parler d’elle actuellement via un projet lancé par des citoyens désireux d’aider les migrants une fois ceux-ci arrivés dans l’Union européenne (voir La Réplique précédente). C’est surtout pour son inefficacité et son manque de clarté vis-à-vis des citoyens qu’elle est connue. Parmi les nombreuses critiques qui lui sont adressées, la complexité du processus est un élément de poids. De plus, la Commission européenne ne met pas en place de directive pour les initiatives acceptées.

L’institution n’est pas insensible à ces diverses remarques et a décidé de réformer cette participation citoyenne.

Réformer l’initiative citoyenne, projet indispensable

 La Commission a adopté une proposition visant à réformer l’initiative citoyenne le 13 septembre 2017. Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission, a affirmé que la Cour de justice avait encouragé la Commission à fournir de meilleurs résultats à propos de l’initiative européenne. Il est en effet utile de rappeler que les résultats ne sont pas encourageants. Depuis 2012, 56 initiatives ont été proposées et seulement 3 ont atteint la dernière étape du processus. Aucune d’elle n’a fait l’objet d’une directive précise émanant de la Commission ce qui est pourtant le but de cette forme de démocratie participative.

De plus, beaucoup de projets ont également été refusés car une des parties de celui-ci ne dépendait pas du champ d’application de la Commission et ce point-là a été abordé lors de la proposition de réforme de septembre 2017.

Désormais, le projet citoyen qui ne dépendra pas entièrement des compétences de la Commission, pourra être accepté partiellement contrairement à avant ou celui-ci était directement refusé. Cela rend l’initiative citoyenne d’autant plus accessible et moins complexe, ce qui est le but premier de cette réforme. Les résultats devraient donc augmenter si les conditions d’acceptation sont moins strictes.

Parmi les autres changements notables, la limite d’âge revue à la baisse (16 ans au lieu de 18) et également le fait de poser directement les questions concernant le projet à la Commission, ce qui n’était pas le cas auparavant. Ainsi, cela permettra aux citoyens impliqués d’avoir une expertise certaine par rapport à leur projet et leur éviter des erreurs qu’ils pourraient regretter par la suite.

La phase d’examen de l’initiative est allongée à 5 mois au lieu des 3 mois prévus actuellement. Cela permettra, entre autres, de laisser une plus grande place au débat. Ainsi les citoyens impliqués comme les décideurs, auront plus de temps pour analyser le contexte et la proposition en elle-même.

Un système centralisé de collecte en ligne et une plateforme collaborative sont également envisagées, toujours dans une volonté de simplifier le processus et de se rapprocher du citoyen.

La réforme semble être positive sur le papier, mais qu’en est-il vraiment ? Celle-ci rencontre des critiques des citoyens mais également des autres décideurs de l’Union européenne. Le Comité des régions (CdR) et le Comité économique et social européen (CESE) ont tenu à exprimer leur avis en qualifiant la proposition de la Commission de « pas assez ambitieuse »

Il est certain que la réforme envisagée rencontre des critiques et certaines sont virulentes…

Les recommandations complémentaires du CdR et du CESE

Le CdR et le CESE ont adopté un avis le 23 mars dernier dans lequel ils approuvent en partie la réforme instituée par la Commission européenne. Cependant, des critiques ont été émises à l’encontre de l’institution et certaines ne sont pas tendres. Dans l’ensemble, le CdR déplore également que la réforme de la Commission soit trop défensive et qu’elle ne sera pas assez efficace. Luc Van Den Brande, le rapporteur du CdR a quant à lui affirmé que « La Commission détient le monopole de l’initiative citoyenne européenne à tous les niveaux de la procédure vu qu’elle en est simultanément la structure de soutien et la destination ».

Le point le plus important pour le CESE est qu’il faut changer les prérogatives de la Commission par rapport à l’initiative citoyenne européenne, elle ne doit pas être le guide et le décideur, ce qu’elle est actuellement. Le CESE se propose d’ailleurs comme le nouveau guide institutionnel qui prendra la place de la Commission pour conseiller et offrir une expertise détaillée aux citoyens désireux de s’impliquer réellement dans un projet. Le CdR a quant à lui, plaidé en faveur de la création d’un comité qui interviendrait dans le processus d’enregistrement de l’initiative. L’objectif étant toujours de limiter le pouvoir de la Commission.

Les deux comités se sont également mis d’accord sur le rôle du Parlement européen durant le processus de l’initiative citoyenne. Il devrait, selon eux, être le seul organisateur des auditions publiques durant lesquelles les porteurs du projet viennent présenter leur concept. Le CESE insiste même pour que les initiatives citoyennes soient débattues en séance plénière du Parlement afin de leur donner une véritable dimension politique.

Enfin, actuellement, le délai pour obtenir le million de signature requis est de 12 mois mais les deux comités estiment que 18 mois serait plus bénéfique au dialogue avec les citoyens et que cela accroîtrait l’efficacité de l’initiative.

Idées réalistes ou trop ambitieuses ?

La réforme est en cours et une initiative citoyenne concernant la protection des migrants vient d’être acceptée récemment par la Commission. L’initiative citoyenne européenne n’a donc pas encore joué toutes ses cartes et pourrait redonner foi en l’Europe aux citoyens.

Il n’est cependant plus à démontrer que l’initiative citoyenne européenne n’a pas eu les résultats escomptés. Une réforme s’avère indispensable pour le bon fonctionnement futur de celle-ci.

Selon l’initiative « An ICE that works », ce sont les difficultés techniques et légales qui contribuent à l’échec de l’initiative citoyenne. Les citoyens se sont sentis démotivés face à l’ampleur de la tâche et aux lourdeurs administratives. Le mouvement affirme également que 12 mois ne sont pas suffisants pour récolter toutes les signatures demandées. La proposition du CESE et du CdR seraient alors bénéfiques et 18 mois apparaît comme un délai suffisant pour permettre une bonne communication afin d’informer la population sur le sujet choisi pour l’initiative.

 Comme l’affirment le CESE et le CdR, la Commission ne devrait pas à elle-seule remplir deux rôles simultanément. Cela compromet la dimension démocratique du projet et peut apporter une certaine partialité pour le jugement du projet. En effet, la Commission analyse l’initiative dès le début sans participation d’une autre institution. Il serait donc utile et pertinent de donner un rôle d’autant plus grand au Parlement européen comme le suggèrent les deux comités. Cela solidifierait le côté démocratique du processus en présentant au public une analyse partiale et juste de leurs revendications.

L’initiative citoyenne est un processus de démocratie participative qui ne doit pas être considéré comme un outil occasionnel ou peu important. Celui-ci peut avoir un véritable impact sur la société et les citoyens. L’Union européenne tend à se rapprocher de sa population et l’initiative citoyenne est certainement un outil favorable à la réussite de ce projet.

 

Déborah Miller

 

 Pour en savoir plus :

Agence Europe. La Commission propose de réformer l’initiative citoyenne européenne pour rapprocher l’Europe des citoyens. https://agenceurope.eu/fr/bulletin/article/11863/7, consulté le 3/04/18

Agence Europe. Le CESE et le CdR recommandent une réforme plus ambitieuse de l’initiative citoyenne européenne. https://agenceurope.eu/fr/bulletin/article/11990/25, consulté le 3/04/18

Site du CNCD. Initiative citoyenne européenne : la démocratie participative en panne. https://www.cncd.be/Initiative-citoyenne-europeenne-la-democratie-participative-en-panne, consulté le 4/04/18

Site du Comité européen des régions. Réforme de l’initiative citoyenne européenne. http://cor.europa.eu/fr/news/Pages/reform-of-the-european-citizens-initiative.aspx, consulté le 4/04/18

Site de la Commission européenne. Etat de l’Union 2017. http://europa.eu/rapid/press-release_IP-17-3187_fr.htm, consulté le 4/04/18

Site du Mouvement européen France. Initiative citoyenne européenne :la réforme de la dernière chance. https://mouvement-europeen.eu/40497/, consulté le 4/04/18

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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