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Il y a urgence ! « N’attendons pas. C’est maintenant » «  N’ayez pas peur ». C’est ce qu’il faut retenir du discours d’ Emmanuel Macron à Aix-la-Chapelle.

En tout premier lieu, un refus de la servitude américaine dans laquelle Donald Trump voudrait plonger l’Europe. Au temps de la guerre froide, l’Alliance pouvait être considérée en termes de sécurité et de stabilité, maintenant elle fait peur. Trump montre une volonté hégémonique et punitive à l’égard de ceux qui sont en désaccord. C’est une occasion unique pour l’Europe de montrer qu’elle peut prendre son destin en main et qu’elle refuse la mise sous tutelle qui lui est proposée. L’alliance était une protection pendant la guerre froide, désormais elle inquiète. La démonstration faite par Emmanuel Macron est difficilement réfutable si on en juge par l’accueil enthousiaste réservé par les auditeurs au discours à Aix-la-Chapelle. C’est l’élément dominant du discours et sa conséquence logique, nous dit-il, est l’urgence et soudain l’Europe semble retrouver sa raison d’être.

A nouveau, Angela Merkel a déclaré que l’Europe ne peut plus compter sur les Etats-Unis pour se défendre. Il faut en prendre acte et en tirer les conséquences, toutes les conséquences. Des alliés brutalisés, sommés de quitter l’Iran dans les six mois. Emmanuel Macron n’a pas d’autre issue que d’organiser la révolte, sauver l’accord nucléaire et organiser le bond en avant de l’intégration européenne. Il s’y emploie tout au long du discours : audace, unité, rapidité sont les trois mots clés, sinon c’est la disparition  de l’Europe en tant que pôle d’influence et l’obligation de subir les choix des puissances de demain, a averti sans détours Emmanuel Macron.

Est-ce nouveau ? Non, le discours d’ Aix-la-Chapelle est la répétition de ce lui de Strasbourg devant le Parlement européen. Seul le ton a changé, la répétition étant le socle de la pédagogie. Un ton plus dur, plus direct, notamment vis-à- vis d’ Angela Merkel, témoignant de son impatience et de l’inquiétude qui le gagne.

Avant tout, reprenant  les « grands impératifs catégoriques » d’ Emmanuel Kant,  ce sont eux, au nombre de quatre ,qu’Emmanuel Macron a cherché à promouvoir : ne soyons pas faibles ; ne soyons pas divisés ; n’ayons pas peur ; n’attendons pas .

Décrivant les quatre impératifs catégoriques d’action, c’est à une Europe souveraine qu’il pense en premier lieu : « souveraine » c’est un mot qu’il a répété quatorze fois dans son discours après en avoir fait largement usage dans son discours de Strasbourg devant le Parlement européen. «  Ne soyons pas faibles. Ne subissons pas. Refusons que d’autres décident pour nous ». En défenseur de la souveraineté européenne, il a affirmé avec force « que l’Europe ne doit plus subir, ni accepter que sa souveraineté soit bridée par les géants du numérique ou les décisions de Washington. »

Nous avons devant nous de grandes menaces et de grands déséquilibres.

« Voulons-nous subir ? Acceptons-nous la règle de l’autre ou la tyrannie des évènements ou faisons nous le choix de décider pour nous-mêmes de l’autonomie profonde, et donc oui, d’une souveraineté européenne ? (…) je crois profondément que nous avons une souveraineté numérique à construire pour mieux réguler ces acteurs, pour protéger nos concitoyens, pour taxer de manière plus juste ceux qui aujourd’hui ne paient pas d’impôts (…). Comment voulons-nous choisir nos choix climatiques ? (…) Qui doit décider de nos choix commerciaux ? » Un rappel utile : « nous sommes les co-dépositaires d’un multilatéralisme international ». Face aux migrations devons-nous rester inertes, les bras croisés ?

Cette refondation de l’Europe à laquelle aspire Emmanuel Macron suppose un renouveau démocratique, une refondation du militantisme européen. Sur ce plan, il estime que « les nationalistes et les populistes étaient clairs (…) les volontaires de l’Europe devaient l’être aussi(…) L’Europe est une utopie et pourtant vous êtes là. Les utopistes sont des pragmatiques et des réalistes ». Un propos qui devrait toucher Merkel dans cette exhortation à l’adresse de la chancelière à réformer l’Europe. Il fallait d’urgence réaffirmer la volonté de l’Union d’être une puissance géopolitique et diplomatique tout en mettant Angela Merkel et d’autres face à leurs responsabilités. Qui donc doit décider de nos choix ?

« Si nous acceptons que d’autres grandes puissances, y compris alliées (…), se mettent en situation de décider, y compris pour nous, notre diplomatie, notre sécurité, parfois en nous faisant courir les pire risques, alors nous ne sommes plus souverains ». Nous croyons entendre les anathèmes lancés par de Gaulle au plus fort de la querelle transatlantique de la guerre froide (OTAN ou guerre au Vietnam). Exceptionnellement, Angela Merkel a enchaîné, tenant les propos les plus forts tenus par elle sur le sujet  : « la politique étrangère européenne n’en est encore qu’à ses débuts, car les conflits se jouent à nos portes et les Etats-Unis ne vont pas nous protéger », a-t-elle déclaré. « L’UE doit prendre son destin en main. Il s’agit d’une question « de guerre ou de paix ». C’est la seule, brève et timide allusion, une allusion déguisée, à l’Europe de la défense qui est restée à ce stade ignorée par Macron. Dommage ! Mais il a tenu à dire : « Qui fera le choix de l’environnement de paix et des grands équilibres géopolitiques dans lequel nous voulons vivre ?».

« Ne soyons pas faibles. Ne subissons pas (…) Si nous décidons qu’un grand acteur du numérique peut décider du secret ou des règles fiscales, nous ne sommes plus souverains et ce débat ne vaut pas ; si nous décidons que tel ou tel grand groupe énergétique international décide de notre politique climatique pour nous, nous ne sommes plus à même de décider et d’avoir un débat démocratique » .

Le deuxième impératif est que nous ne nous divisons pas.

Redoublant d’audace, Emmanuel Macron s’est permis d’exhorter l’Allemagne (et ses dirigeants) « à prendre ses risques » « à ne pas avoir peur et à en finir avec ses fétiches ». Le propos visaient bien sûr les questions budgétaires et les excédents commerciaux, mais pas seulement. Donald Trump saura-t-il pousser l’Europe à plus d’audace ? à tourner le dos «  à cette Europe qui attend perpétuellement que tout le monde soit d’accord sur tout pour avancer » ? Sur ce plan, Emmanuel Macron  va opposer le rêve carolingien au risque lotharingien, « cette musique du nationalisme (…) qui fait bégayer l’histoire » et réduit encore plus notre souveraineté véritable. L’Europe ne fonctionne plus sur des hégémonies successives mais sur « une solidarité constante » .

Cette obligation d’union doit trouver sa concrétisation dans le budget, un budget qu’il souhaite beaucoup plus ambitieux, qu’il s’agisse des postes  historiques ou de ceux des politiques nouvelles. Il lui a plu de les nommer : l ’Etat de droit, la convergence économique ,fiscale, sociale, la cohérence de l’Europe, une zone Euro plus forte car  plus intégrée, avec un budget propre permettant des investissements. La convergence est à ses yeux essentielle car elle permet (et c’est le seul moyen) à tous les Etats qui  souhaitent aller de l’avant d’y aller effectivement.

N’ayons pas peur du monde dans lequel nous vivons

Ne rien céder à la vitalité de nos démocraties et des débats. Le Proche-Orient, le Moyen-Orient, l’Afrique regardent notre capacité à ne pas avoir peur , cette capacité à porter les règles pour le monde entier. Ne pas avoir peur de nous-, à nous délivrer de nos tabous et de nos fétiches, notamment en matière de dépenses publiques.

N’attendons pas. C’est maintenant !

L’Europe ne peut perpétuellement attendre que tous soient d’accord sur absolument tout. Le choix de l’Europe ne peut être celui du « seul dénominateur commun, le choix du moindre risque, du plus petit pas à la dernière minute ».  Mais un choix ambitieux avec une vision à trente ans.

Rendez-vous au sommet du mois de juin pour vérifier si l’éloquence engagée par Emmanuel Macron a produit ses effets, tous ses effets. A toutes les questions posées  au long du discours, Emmanuel Macron répond par « nous ne pouvons opposer la routine de la gestion ». Dans l’histoire de nos sociétés, il faut savoir accepter que le temps  est  moins aux ajustements techniques qu’aux avancées qui font rêver. Le lyrisme d’Emmanuel a ses vertus.

 

Henri-Pierre Legros 

Pour en savoir plus :

http://www.elysee.fr/declarations/article/transcription-du-discours-du-president-de-la-republique-emmanuel-macron-lors-de-la-ceremonie-de-remise-du-prix-charlemagne-a-aix-la-chapelle/

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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