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Le cas des personnes en situation de déplacements internes en 2018

Compte rendu de conférence

Le mercredi 14 novembre 2018 s’est tenue à Bruxelles, au External Cooperation Infopoint de la Commission européenne, une conférence intitulée Internal displacement in 2018 : latest patterns, trends, challenges and opportunities.

Dans une brève introduction, Erwan Marteil, chef de l’unité « migration » à la DG DEVCO, a souligné la complexité d’appréhender un phénomène tel que celui des déplacés internes et des difficultés des acteurs humanitaires et du développement à s’attaquer au problème. La conférence a débuté sous les auspices d’Alexandra Bilak, directrice de l’Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC), principale intervenante qui a fait un état des lieux de la situation actuelle des déplacés internes dans le monde. Elle a ensuite présenté le travail de son organisation avant de conclure avec les enjeux et avis politiques les mieux à même pour enrayer le problème des déplacements forcés.

Le rôle de l’IDMC

L’IDMC est la référence mondiale en matière de déplacement interne. Elle analyse toutes les situations de déplacements internes quelles qu’en soient leurs causes. Sur le terrain, l’organisation surveille 54 pays dans le monde pour ce qui est des déplacements causés par les conflits et les violences et plus de 140 pays pour ce qui est des déplacements liés aux catastrophes naturelles. Elle publie chaque année des statistiques officielles dans son Global flagship report sur la situation des déplacés internes dans le monde. Ces statistiques sont aussi accompagnées d’analyses contextuelles et qualitative pour mieux comprendre les tendances, les formes et les impacts des déplacements internes.

Que recouvre le concept de « déplacés internes » ?

Le terme de « déplacés internes » fait référence à des personnes ou des groupes de personnes se déplaçant à l’intérieur du territoire de leur pays d’origine sans en franchir les frontières. Ils fuient en général pour les mêmes raisons que les réfugiés. On en trouve une grande partie en Afrique et au Moyen-Orient (Somalie, Ethiopie, République Démocratique du Congo, Syrie etc.). Ces déplacements sont souvent la cause de conflits et ont pour conséquences des crises humanitaires et sociales massives. En Asie du Sud-Est, les déplacements internes sont souvent le produit de catastrophes naturelles telles que les inondations (par exemple aux Philippines). Ce phénomène peut aussi toucher des pays au revenu élevé, comme on a pu le voir après les inondations en France ou les incendies en Californie. À la différence des autres pays, ceux-là ont la capacité de se remettre sur pied beaucoup plus vite.

La situation actuelle

En 2017, l’IDMC a enregistré un total d’environs 30,6 millions de déplacements internes dans le monde. De ces 30,6 millions, 18,8 millions sont dus à des désastres naturels tandis que 11,8 millions sont dus à des conflits.

 

Les implications politiques et les lacunes

Selon l’IDMC, il y a actuellement des lacunes au niveau des connaissances et de la compréhension du phénomène des déplacements internes qui ont des implications politiques importantes. Pour combler ces lacunes, l’IDMC focalise ses recherches autour des sujets suivants :

  • Le lien entre les déplacements internes et transfrontaliers : il y a une insuffisance dans l’attention et dans l’investissement financier qu’on apporte aux déplacés internes. Ils restent absents des débats sur les réfugiés et les migrants, même si leur cas demande une réponse politique et légale spécifique car cela relève de la responsabilité nationale de chaque Etat. Il y a sur le terrain, un lien réel entre les déplacements internes et les déplacements transfrontaliers. Il y a aussi un lien entre le fait de faillir de protéger les gens localement et les déplacements internes. Ce phénomène doit être compris comme faisant parti du phénomène plus global des déplacements et des migrations.
  • Les impacts économiques : il y a une réelle dimension humanitaire et humaine à ce phénomène, mais cela doit être appréhendé comme un défi politique et développemental. Une mauvaise prise en charge des déplacés internes ou une non-prise en charge de ceux-ci a un impact économique. Cela représente un fardeau pour les communautés locales et cela peut être un frein au développement d’un pays.
  • Les déplacements urbains : les centres urbains deviennent de plus en plus des destinations privilégiées pour les déplacés internes. Les réponses à apporter seront différentes en fonction des zones dans lesquelles se trouvent ces personnes.
  • Les violences criminelles : c’est à dire des situations de violence généralisée créées par des groupes criminels. De plus en plus de personnes sont forcées de fuir leurs lieux de vie à cause de l’insécurité qui y règne, mais leur nombre est difficile à déterminer car il s’agit d’un sujet sensible.
  • Les projets de développement : l’IDMC tente de dénombrer le nombre de personnes qui sont obligées de devenir des déplacés à cause des projets de développement tels que la construction de barrages ou des projets de renouvellement urbain.

L’IDMC ambitionne donc de démontrer que le phénomène des déplacement internes doit être vu comme un phénomène transversal, car cela touche divers secteurs et a un effet d’entrainement sur d’autres secteurs. Il est causé par un sous-développement mais en même temps, cela contribue au sous-développement. C’est pour cela que, pour Alexandra Bilak, les Objectifs de développement durable ont une importance cruciale. Pour ce qu’il s’agit des déplacements forcés causés par des catastrophe naturelles, l’IDMC est actuellement en train de travailler sur un modèle qui pourrait être mis à la disposition des gouvernements dans le futur. Ce modèle, Global disaster displacement risk model, a pour vocation de prévenir les risques de déplacements en fonction des catastrophes à partir de différentes données statistiques.

Les priorités politiques

Alexandra Bilak a présenté ce qu’elle appelle les « messages clefs », ou les priorités politiques sur lesquelles il faudrait se concentrer. En premier lieu, elle a réaffirmé l’idée que les déplacements internes doivent être vus comme des défis politique et développemental, se trouvant au cœur du triple nexus qui combine les problèmes de développement, ainsi que les problèmes humanitaires et sécuritaires. Par la suite, elle a souligné le fait que ce phénomène fait intégralement partie du schéma plus large des migrations mondiales, il ne peut pas en être dissocié. Enfin, la directrice de l’IDMC a fait savoir qu’il est indispensable de collaborer avec les gouvernements nationaux. C’est un avant tout un problème national et domestique, et il incombe à chaque Etat de se charger de la sécurité de ses citoyens.

Le rôle de l’Union européenne

Erwan Marteil, quant à lui, a conclu la conférence en parlant du rôle de l’Union européenne dans l’aide aux déplacés, il affirme que 40% du budget d’ECHO (branche de la Commission européenne chargée de l’aide humanitaire et à la protection civile) est dédié aux situations de déplacements internes. L’Union européenne a pris conscience de la nécessité d’aller au-delà du caractère simplement humanitaire du problème et adopte une approche en termes de nexus, ce qui est essentiel pour réfléchir aux solutions de long terme. Elle travaille sur une base non-discriminatoire axée sur les nécessités de première ligne et tente de prendre en compte le plus possible l’opinion et les demandes des déplacés. Cependant, l’Union européenne est aussi consciente des difficultés de trouver des réponses adéquates.

Dawit Tesfay

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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