Nouvelle parution de la lettre « NEA say »: éditorial sur les réfugiés climatiques

Une urgence à six mois de Copenhague: les réfugiés climatiques. Leur donner un statut !

Il n’ont pas de statut et la mer monte inexorablement : «Quelle arche de Noé sauvera les centaines de millions de personnes (…) comment réagir face à ces nouveaux réfugiés, ces nouveaux apatrides climatiques , sans Etat, ni statut ? »  (Rama Yade chargée et droits de l’homme et Chantal Jouano, secrétaire d’Etat chargée de l’écologie (1)
Lors du dernier sommet européen (18-19 juin) les 27 reportent à octobre toute décision sur le montant et la répartition, entre eux, de l’effort financier en faveur du climat dans les pays en développement. La barre du milliard des victimes de la faim est franchie : la FAO pointe les effets de la crise économique. Les ministres de l’agriculture français et anglais s’interrogent conjointement pour savoir si les activités agricoles pourront continuer dans de vastes zones. «  Sans accord à Copenhague, il y a des régions du monde où il n’y aura sans doute plus d’agriculture possible dans le futur » (Michel Barnier et Hilary Benn le Monde du 16 juin).L’accaparement des terres se poursuit à un rythme accru ; il est le fait d’une politique délibérée souvent de la part de grandes puissances (cf le rapport de Olivier de Schutter et l’article dans le présent numéro).  La Commission européenne s’interroge par la voix de son commissaire à l’emploi, Vladimir Spidla, sur les effets du changement climatique sur le monde du travail et les restructurations d’entreprises. Elle a organisé un forum (FR) (EN) les 22 et 23 juin. Le 10 juin, l’Institut pour l’environnement et la sécurité humaine de l’Université des Nations unies publiait un rapport, réalisé par l’ONG Care et le Centre pour le réseau international d’information en sciences de la terre de l’université de Columbia, qui soulignait le développement des flux migratoires dus au changement climatique. D’ici à 2050, ces migrations devraient concerner 200 millions de personnes. Selon le rapport annuel du Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies (HCR) publié mardi 16 juin, le monde comptait 42 millions de personnes déracinées : 16 millions de réfugiés ou demandeurs d’asile ayant fui un conflit ou des persécutions, et 26 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Si le nombre de déracinés est en baisse de 700 000 par rapport à 2007, « les nouveaux déplacements de 2009 ont déjà plus que compensé cette diminution », relève le HCR, notamment en raison des conflits au Sri Lanka, au Pakistan et en Somalie. Les pays en voie de développement accueillent 80 % des réfugiés dans le monde, de même que la grande majorité des personnes déplacées. Une situation nous dit le HCR qui souligne « la charge disproportionnée assumée par ceux qui en ont le moins la capacité ainsi que le besoin de soutien international ».   Les lecteurs pourront lire dans le présent numéro d’autres détails à ce sujet. (cf autre article dans le présent numéro: »une nouvelle dimension dans les flux migratoires: le réchauffement climatique. Aujourd’hui 300 000 morts par an « .)

Mais qu’avons-nous à notre disposition pour les réfugiés climatiques? pas grand-chose pour faire face ! La Commission européenne qui vient de proposer aux 27 Etats membres de l’Union européenne le futur « Programme de Stockholm » est muette à ce sujet tout en donnant une part très large aux problèmes de l’immigration. Pourtant en marge de la dernière Assemblée générale des Nations Unies, le Haut Commissaire aux réfugiés avouait ses préoccupations : « Le XXIe siècle sera celui des populations en mouvement ». Les mécanismes existant au sein de la communauté internationale, Nations Unies, Europe,  seront débordés incapables de faire face à la fréquence et à la virulence des catastrophes naturelles. Une première difficulté doit être réglée : un statut des réfugiés climatiques doit être établi sans retard. La catégorie de « réfugié environnemental » , issue d’un rapport du programme des Nations Unies pour l’environnement publié en 1985 est contestée pour sa référence directe au statut juridique qu’offre la Convention de l’ONU de 1951 à toute personne craignant d’être persécutée. Depuis ces deux dernières années une littérature immense, diverse, inégale reprend le terme de migrant climatique sans pour autant clarifier le concept et le rendre opératoire. En 2007 le Conseil de sécurité a débattu des liens entre environnement et sécurité. A l’Assemblée générale, les petits Etats insulaires et en développement du Pacifique  ont déposé un projet de résolution relative à l’impact du changement climatique sur la sécurité qui a été adoptée. En mars 2008, le haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune, Javier Solana, a présenté avec la Commission européenne un rapport sur le changement climatique et la sécurité internationale, faisant en particulier état de la dimension sécuritaire des migrations internationales, dont Nea say a largement rendu compte. Il a rendu compte aussi des travaux de l’Agora 2008 sur le réchauffement climatique qui a  réuni l’ensemble de la société civile les 12 et 13 juin 2008 à l’initiative du Parlement européen et dont un atelier s’est penché plus particulièrement sur cette problématique inquiétante des réfugiés climatiques. Ses conclusions furent reprises dans les actes finaux.

Que faire ? Nous ne pouvons en rester là : trop d’efforts dispersés, trop de réflexions inachevées. L’exemplarité dont fait preuve l’Union européenne dans la mis en œuvre de ses engagements lui crée une obligation supplémentaire. En septembre, à New-York, en marge de l’ouverture de l’Assemblée générale des Nations Unies, son secrétaire général  présidera un sommet sur le climat, l’Union européenne devra également être présente à ce rendez-vous,  qui devrait être aussi celui des réfugiés climatiques.

(1) La France veut organiser à Paris une réflexion internationale sur le changement climatique et les droits de l’homme. Pour rechercher les moyens de protection juridique des populations et pour conduire le système humanitaire international et européen vers des évolutions permettant de répondre aux nouvelles crises climatiques. Une initiative à ne pas perdre de vue.

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NOTA BENE

François Gemenne a livré à plusieurs reprises ses réflexions, notamment au journal le Monde du 18 juin. Elles méritent d’être prises en considération  comme premier élément structurant autour de quelques questions :

-. Qu’est-ce qui définit un migrant environnemental ?

-.En quoi les migrations environnementales se distinguent-elles de celles connues jusqu’alors ? Le non retour des immigrés ? La soudaineté des départs ?

-. Quel statut juridique est-il accordé aux réfugiés environnementaux ?

Parler de « réfugié » est un abus de langage. Ce concept est strictement défini par la convention de Genève de 1951, qui ne fait aucune référence aux victimes des dégradations environnementales. Aujourd’hui, les migrants environnementaux n’obtiennent souvent qu’une protection subsidiaire, temporaire. La Suède est le seul pays à avoir pris l’initiative d’étendre la Convention de Genève dans sa législation nationale, en accordant un véritable droit d’asile aux victimes de catastrophe naturelle.

Mais le seul ajout à la Convention de Genève d’un protocole additionnel, comme certains le préconisent, ne permettrait pas de régler la question, car ce protocole ne pourrait inclure les « déplacés internes ». Or le départ forcé donne lieu, dans une majorité de cas, à un déplacement au sein du même Etat. Il faut donc renforcer la protection des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays. Cela pose la question du rôle et du mandat du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), qui restent mal définis en cas de catastrophe naturelle. Le HCR ne dispose pas d’un mandat pour intervenir dans ce genre de situations, et bien qu’il se soit récemment saisi de la question du changement climatique, ses interventions ne sont pas systématiques.

-.Les pays de l’hémisphère Sud qui subiront-ils le plus lourdement l’impact du changement climatique ?

-. En quoi l’adaptation dans les pays d’origine et de destination est-elle une des clés au problème ? Prévenir et empêcher les flux migratoires ne suffiront pas.

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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