A l’heure où les chefs d’Etat et de Gouvernement adopte le plan de Stockholm où la lutte contre la drogue prend une place importante, il convient d’évaluer ce qui a été fait au regard de l’enjeu, considérable.

L’ Europe s’est-elle donnée les meilleurs outils pour lutter contre les narco trafiquants  de façon collective ? Quelle place cette lutte occupe-t-elle ? Son efficacité ?


Le vice-président Jacques Barrot, membre de la Commission chargée de la justice, de la liberté et de la sécurité, a déclaré: « les citoyens considèrent à juste titre la lutte contre le narcotrafic international comme une priorité pour l’Union européenne, et cet instrument constitue justement un premier pas vers une approche commune de la lutte contre le trafic de drogue. Or, si certains progrès en la matière sont réels, ils sont toutefois ternis notamment par le manque de réaction de la part des Etats membres ». La décision-cadre arrête une définition de l’infraction de trafic de stupéfiants et de trafic de précurseurs et prévoit des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives dans tous les Etats membres. Pour les drogues, selon la gravité de l’infraction, les peines maximales doivent ainsi aller d’au moins 1 an (infraction standard) à au moins 10 ans (infraction grave commise dans le cadre d’une organisation criminelle). En effet, dans la construction d’un espace commun de liberté, de sécurité et de justice, l’amélioration de la coopération entre les Etats membres se fonde sur un ensemble de principes et d’objectifs partagés et dépend donc essentiellement du rapprochement des mesures nationales de mise en œuvre.

Il ressort tout d’abord du rapport que cinq ans après l’entrée en vigueur de l’instrument, la transposition n’est pas terminée: six Etats membres n’ont pas fourni d’information à la Commission, ou indiqué que des réformes étaient en cours (Chypre, Espagne, Grèce, Italie, Malte, Royaume-Uni). Pour les 21 Etats membres restants, les résultats sont contrastés: en ce qui concerne la définition de l’infraction et les niveaux de sanction, le niveau de transposition est globalement satisfaisant, principalement grâce à une législation existante déjà conforme. Toutefois, des ambiguïtés ainsi que certaines dispositions non conformes demeurent. Quant au volet sanctions, la conformité aux niveaux prescrits par la décision-cadre ne dit rien de la pratique judiciaire. Or il ressort des contributions du Réseau Judiciaire Européen et d’Eurojust que si la coopération judiciaire en matière de trafic de drogue a bien progressé ces dernières années, le lien entre cette amélioration et un éventuel rapprochement opéré par la décision-cadre est difficile à démontrer. Dès lors on peut considérer que la décision-cadre a bien posé la première pierre d’une approche pénale commune de la lutte contre le narcotrafic au niveau de l’Union, mais que de nombreux progrès restent à faire.

Venons en au Rapport de la Commission sur la mise en œuvre de la décision-cadre 2004/757/JAI du Conseil du 25 octobre 2004 concernant l’établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs  des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue . La décision-cadre enjoint la Commission de présenter au Parlement européen et au Conseil un rapport sur le fonctionnement de la mise en œuvre de la décision-cadre, y compris les effets de cette mise en œuvre sur la coopération judiciaire internationale dans le domaine de la lutte contre le trafic de drogue. Sur le plan politique, la décision-cadre s’inscrit dans la stratégie globale anti-drogue de l’UE, qui vise à assurer un équilibre entre les mesures destinées à réduire la demande et celles visant à combattre l’offre.

Le troisième des cinq volets du Plan d’action drogue de l’UE 2009-2012 est consacré à la réduction de l’offre: le présent rapport s’inscrit pleinement dans le cadre de l’objectif n°12, qui consiste à renforcer la coopération judiciaire dans le domaine de la lutte contre le trafic de drogue et de précurseurs.

L’enjeu est évident : le trafic de drogue représente une menace transfrontière contre laquelle la coopération entre les autorités répressives des Etats membres est fondamentale. Afin d’être effective, une telle coopération doit se fonder en amont sur une approche commune de la menace. La décision-cadre a ainsi fourni un cadre commun de base pour la définition des infractions et des sanctions encourues en la matière.

Le rapport a mis en évidence la proximité des législations nationales en ce qui concerne la définition des infractions liées au trafic de drogue et de précurseurs. Toutefois des ambiguïtés, portant nécessairement préjudice à la coopération judiciaire, demeurent.

Le cœur du système repose sur l’échelle de sanctions mise en place par l’article 4 selon la gravité de l’infraction. Il ressort du rapport que les peines maximales au sein des Etats membres sont toutes au moins égales, voire souvent très supérieures, à celles prescrites par l’article 4. Il faut par ailleurs noter que les facteurs tels que les grandes quantités, les dommages pour la santé, ou l’organisation criminelle, sont pris en compte de façon variable par les Etats membres. La plupart d’entre eux ont explicité leur système de réduction de peine, et six Etats membres disposent d’un système spécifique à l’égard des « repentis » dans le domaine du trafic de drogue. La responsabilité des personnes morales dans le cadre du trafic de drogue demeure un problème: outre les Etats membres qui ne disposent d’aucun cadre juridique établissant une telle responsabilité, plusieurs ont fourni des informations lacunaires ne permettant pas de vérifier la conformité de leurs dispositions. D’un point de vue pratique, Eurojust a analysé les affaires de trafic de drogue enregistrées en son sein entre 2004 et 2008: ces dernières sont en nette augmentation. Ceci témoigne de progrès certains en matière de coopération judiciaire. Toutefois, au vu des réponses fournies par les points de contact du Réseau Judiciaire Européen dans dix Etats membres, il est difficile d’établir un quelconque lien entre ces progrès et la mise en œuvre de la décision-cadre. Il ressort également de ces réponses que les outils nécessaires pour mesurer objectivement l’évolution de cette coopération semblent manquer.

En conclusion, la Commission constate que la décision-cadre – si elle constitue bien une première pierre vers une approche pénale commune du trafic de drogue – n’a pas entraîné un rapprochement substantiel entre les législations nationales. Dès lors qu’il s’agit de droit pénal, elle se heurte en outre au décalage qui existe entre les textes et la pratique judiciaire.

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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